Un homme qui crie
Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un film aussi beau esthétiquement. Chaque plan est une sorte de tableau vivant. La lumière est d'une exceptionnelle douceur, donnant aux textures une sensualité extrême.
Mahamat Saleh Haroun possède un don inouï pour le cadrage et la direction photo, et obtient des scènes visuellement parfaites, comme les 3 ou 4 derniers plans du film, à tomber par terre.
Le scénario, lui, est presque celui d'une tragédie grecque. Un père voit son fils lui prendre son emploi qu'il adore (maitre-nageur) et en conçoit une profonde amertume. Parallèlement, on lui réclame de contribuer à l'effort de guerre en payant une grosse somme qu'il n'a pas. Ou alors de donner son fils pour la guerre... que fera t'il ?
Le film s'attarde tranquillement sur l'évolution du personnage principal, joué par Youssouf Djaoro qui impose sa très grande présence avec beaucoup de naturel (il jouait dans le film précédent de Seleh Haroun, Daratt, primé à Venise). Peut-être certains trouveront que cette lente évolution dans le mutisme, puis la dépression, est insupportable. Ils auront d'une certaine façon raison. Moi même j'avais envie de prendre Adam par les épaules, de le secouer et de lui dire : réagis, c'est le moment.
Dans une interview donnée au Monde, le réalisateur raconte comment il a du tourner ce film, dans des conditions de sécurité très difficiles, comme "avec un pistolet sur la tempe", dit-il. Vu le résultat, déjà remarquable, on peut imaginer de quelle qualité serait une de ses oeuvres réalisée avec des moyens conséquents et une tranquillité de travail assurée.
Un prix du jury à Cannes 2010 mérité.
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