Chat noir, chat blanc
Chat noir, chat blanc commence sur un tempo assez lent, qui fait penser à une sorte de western spaghetti des Balkans. Kusturica prend le temps de présenter chacun des personnages à travers de longues scènes d'exposition assez surprenantes, dans lesquelles la démesure du film commence déjà à impressionner. La découverte de l'incroyable personnage de Grga est une scène dans laquelle la fantaisie débridée du film est parfaitement canalisée.
Petit à petit, le film monte en puissance et culmine longuement dans toute sa deuxième partie, morceau d'anthologie en terme de rythme et de mise en scène. La suite des mariages, les grands-pères dans le grenier, la formation des couples, la musique omniprésente : tout s'allie pour donner au spectateur un tournis vertigineux, source de plaisir constant.
Il y a dans Chat noir, chat blanc une atmosphère quasi shakespearienne : les jeunes amoureux triomphent grâce à leur astuce des cruels méchants, et les ridiculisent au passage. Comme dans les comédies du grand William, Kusturica n'hésite pas devant les péripéties grivoises et scatologiques, les insultes fusent, la mort devient risible et les quiproquos sentimentaux.
De toute cette folie subtilement orchestrée émergent une émotion pure et légère (les amoureux dans le champ de tournesols) et une puissance de vie qui fait ressusciter les morts et danser les mourants (magnifique scène du vieillard que l'orchestre vient chercher à l'hôpital).
Un film magique, dont le souffle puissant marque durablement.
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