Habemus papam
Moretti bénéficierait-il du traitement de faveur spécial auteur qui profite habituellement à Clint Eastwood et, dans une moindre mesure, à Woody Allen ? On peut se le demander en lisant les Cahiers du Cinéma, puis en voyant le film, qui ne vaut pas tripette.
Enlevons Moretti de l'affiche et remplaçons-le en tant qu'acteur dans son film. Que reste-t-il ? Une fable qui effleure trois sujets sans vraiment en creuser aucun : la dépression et la psychanalyse, les responsabilités et la fuite, et le théâtre.
Prenons la dépression. Piccoli n'est pas mal, mais son personnage est un peu falot. D'où vient-il ? De quel pays est-il ? Quel est son passé ? On ne le saura pas, et bien sûr, c'est voulu. Mais je trouve que du coup l'intérêt qu'on peut porter au personnage s'en trouve amoindri, il devient schématique, éthéré. Ses errances dans la ville sont mal filmées, présentent peu d'intérêt (la scène du grand magasin). Ses sautes d'humeur semblent aléatoires, et globalement nous ennuient.
Les responsabilités maintenant : le film pourrait parler d'un président de la république ou d'un chef d'entreprise, cela ne changerait pas grand-chose à son propos. C'est presque rageant de voir un aussi beau sujet que le Vatican si peu exploité. Quid de Dieu, de la foi ? Rien. La plupart des scènes pourraient être les mêmes si le personnage principal était chanteur d'un groupe de rock.
Quant au théâtre, la vision qu'en donne Moretti est étrangement superficielle et même surranée : qui monterait Tchekhov comme ceci aujourd'hui ?
Tout cela ne fait pas un film, mais un assemblage de scénettes un peu inutiles, parfois ridicules, et souvent factices. Moretti réalisateur laisse faire son numéro à Moretti acteur, qui - comme Allen - est très bon dans son propre rôle : mais est-ce suffisant ? Les scènes iconoclastes se succèdent comme des vignettes amusantes, sans que l'on comprenne bien ce que veut dire le film (la partie de volley est amusante, and so what ?). Montrer un conclave comme une réunion de petits vieux séniles est un étrange a priori : il y règne dans la réalité une ambiance probablement plus proche de celle d'A la maison blanche ou des Borgia !
Par un retournement de perspectives dont ils sont coutumiers, certains critiques encensent le vide, la catastrophe en creux, le tranquille effondrement que montrerait le film, en étant lui-même vide et creux.
C'est avec ce genre de lunettes que le film le plus ennuyeux du monde devient le plus profond.
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