Tesnota
Incroyable.
On a beau se dire qu'il n'y a pas de satisfecit particulier à attribuer à un film au prétexte qu'il est le premier de son auteur, Tesnota affiche une telle maîtrise dans tous les domaines qu'on dirait la réalisation d'un auteur complet et parfaitement aguerri.
Commençons par la mise en scène. Elle est à la fois totalement maîtrisée (perfection des cadres, montage syncopé, lumières merveilleuses, couleurs incroyables) et toujours ouvertes aux aléas de la vie. Un plan d'une seconde résume le génie du film de ce point de vue : lorsque la mère retrouve retrouve son fils, elle trébuche dans son élan, et je parierais que cela n'était pas écrit dans le scénario.
La façon de filmer de Balagov mélange les oripeaux traditionnels du vérisme européen (pour faire simple, à la Dardenne) à l'irréfragable désir de sublimation de l'âme russe, dont maints éléments du film témoignent, comme par exemple les sons sidérants qui ponctuent les scènes références, ou la profondeur inquiétante de certains plans qui frôlent avec le surnaturel (les veines saillantes du cou de Ila, le passage en apnée que constitue le "clip" tchétchène).
Tesnota, comme toutes les grandes oeuvres, ne se réduit pas à une intrigue simple. Il est à la fois, un portrait de jeune fille avaleuse de vie comme notre occident n'en produit plus, un thriller juif claustrophobe, un tableau saisissant de la situation dans le Caucase et une collection de dilemmes moraux comme on n'avait perdu l'habitude d'en voir depuis la mort de Kieslowski.
C'est fantastiquement beau, frappant, dérangeant. C'est de l'essence de cinéma.
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