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Christoblog

Tesnota

Incroyable. 

On a beau se dire qu'il n'y a pas de satisfecit particulier à attribuer à un film au prétexte qu'il est le premier de son auteur, Tesnota affiche une telle maîtrise dans tous les domaines qu'on dirait la réalisation d'un auteur complet et parfaitement aguerri.

Commençons par la mise en scène. Elle est à la fois totalement maîtrisée (perfection des cadres, montage syncopé, lumières merveilleuses, couleurs incroyables) et toujours ouvertes aux aléas de la vie. Un plan d'une seconde résume le génie du film de ce point de vue : lorsque la mère retrouve retrouve son fils, elle trébuche dans son élan, et je parierais que cela n'était pas écrit dans le scénario.

La façon de filmer de Balagov mélange les oripeaux traditionnels du vérisme européen (pour faire simple, à la Dardenne) à l'irréfragable désir de sublimation de l'âme russe, dont maints éléments du film témoignent, comme par exemple les sons sidérants qui ponctuent les scènes références, ou la profondeur inquiétante de certains plans qui frôlent avec le surnaturel (les veines saillantes du cou de Ila, le passage en apnée que constitue le "clip" tchétchène).

Tesnota, comme toutes les grandes oeuvres, ne se réduit pas à une intrigue simple. Il est à la fois, un portrait de jeune fille avaleuse de vie comme notre occident n'en produit plus, un thriller juif claustrophobe, un tableau saisissant de la situation dans le Caucase et une collection de dilemmes moraux comme on n'avait perdu l'habitude d'en voir depuis la mort de Kieslowski.

C'est fantastiquement beau, frappant, dérangeant. C'est de l'essence de cinéma.

 

4e 

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C
J'ai lu plusieurs critiques dithyrambiques sur ce film, et j'ai du mal à comprendre cet enthousiasme. En ce qui me concerne, alors que j'ai été éblouie par les derniers films russes sortis à Paris ('"Paradis", "Faute d'amour"), celui-là m' a semblé relativement incompréhensible: l'héroine est assez incohérente, ses rapports avec son ami/amant kabarde aussi (que comprend t-on après la vision glaçante de cette video où des tchétchénes égorgent de soldats russes? quel est leur point de vue là-dessus, à tous deux ? Comment cela s'intègre-t-il au propos du film?). Cette communauté juive du Caucase est également très mal définie, les enjeux pas clairs.. Dans ce film, on crie, on s'agite et gesticule comme si cela suffisait à définir les personnages: c'est épuisant, et absolument pas émouvant, pas plus que l'héroine... A mon avis, c'un film raté sur un sujet pourtant passionnant.
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C
Bonjour Claudine et merci pour votre commentaire,<br /> <br /> Je pense que si vous n'appréciez pas Tesnota, c'est parce que le film n'est pas documentaire ou au moins descriptif comme vous le souhaiteriez. Il est sur un registre qui est celui des sensations, des émotions et des pulsions. L'héroïne ne me parait pas incohérente : elle est jeune, et à ce titre est àl a fois amoureuse et envieuse de son frère. Les enjeux de la communauté ne sont pas ce qui préoccupe le réalisateur (l'intrigue policière non plus d'ailleurs), ce qui l'intéresse, c'est le personnage de Ila. Enfin, le sens de la scène du clip est double : elle sollicite les émotions du spectateur, comme beaucoup d'autres éléments du film, et elle renvoie en filigrane à la condition des Juifs et à la shoah.