Tout dans Marina est estampillé "film d'auteur" destiné à être remarqué : une unité de lieu remarquable, une réalisatrice déjà récompensée pour un court-métrage sur le même sujet, une jeune actrice charismatique, des thèmes à fort potentiel dramatique.
Mais d'une certaine façon, cette qualité programmatique joue contre le film, qui ne ménage pas beaucoup de surprises : le père possessif et violent n'est pas très sympa, l'ami visiteur et riche va séduire la jeune Julija dont les désirs d'émancipation vont se heurter à la dure réalité.
Se succèdent donc différentes scènes très signifiantes et filmées de façon conventionnelle (et parfois un peu maladroite), sans que l'intérêt pour ce que raconte Murina ne grandisse beaucoup : une petite déception, pour cette Caméra d'Or du festival de Cannes 2021.
Ce joli film argentin présente un premier intérêt, c'est la découverte de la deuxième danse importante d'Argentine avec le tango, le malambo.
Les scènes de danse sont très impressionnantes, le malambo étant intrinsèquement spectaculaire, avec son jeu de claquette et une grande expressivité dans les torsions de cheville.
Pour le reste, ce premier film est assez classique, mêlant assez habilement différents genres (thriller, drame familial, road movie) autour de l'histoire d'un jeune homme préparant un concours de malambo, alors que son père sortant de prison rentre à la maison. L'intrigue n'est pas réellement captivante mais ce n'est pas vraiment important.
Autres intérêts de ce film très dépaysant : la prestation de l'immense acteur chilien Alfredo Castro, et les paysages magnifiques d'une région méconnue d'Argentine, la quemanda de Humahuaca, à la frontière bolivienne.
Ce qui est remarquable dans Hit the road, c'est l'équilibre délicat que le film parvient à maintenir tout au long ce ces 93 minutes, entre circonstances dramatiques et distance humoristique.
Le père est taciturne et déverse son acidité placide sur tous et toutes. La mère est magnifique, pleine de force et de beauté intérieure. Le petit garçon, insupportable pipelette, est drolatique. L'autre fils, jeune adulte, ne dit rien, et on comprend rapidement que le sujet du film, c'est son avenir.
Tout cela est déjà vu, mais sublimé ici par une légèreté presque poétique, agrémentée d'un grain de folie et d'une bonne dose d'auto-dérision. C'est léger, filmé avec une grâce toute iranienne (les cinéastes iraniens n'ont pas d'équivalent quand il s'agit de développer toute une dramaturgie à l'intérieur d'une voiture). Ce beau road movie se déroule dans des paysages magnifiques, qui donnent au film une tonalité profonde et vitale.
Il existe des films puissants, pesants, désagréables et au final impressionnants : Nitram fait partie de ceux-ci.
L'idéal est de voir le film de Kurzel sans en connaître la teneur, mais je suppose qu'il sera bien difficile d'y parvenir ici tant la presse présente le film comme le portrait du jeune homme qui a commis l'irréparable.
Si on supporte donc la pesanteur inhérente au film, on ne peut qu'être bluffé par le jeu exceptionnellement sensible de l'acteur Caleb Landry Jones (justement récompensé par le prix d'interprétation à Cannes), la maîtrise de la mise en scène et l'habileté de l'écriture.
On sort rincé du film, perplexe sur la nature des sentiments éprouvés, entre admiration pour la construction du film, respect pour les performances et la pudeur de la caméra (les scènes de fin) et dégoûté par l'impression de gâchis et d'impuissance qui suinte de cette histoire montrée dans toute sa sèche vérité.
Du cinéma à l'os.
Justin Kurzel sur Christoblog : Macbeth - 2015 (**)
Du 17 au 28 mai 2022, vous pourrez suivre le Festival de Cannes en direct sur Christoblog, avec un résumé tous les soirs de mes aventures sur la Croisette, à suivre en lisant Mon journal de Cannes.
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Vincent Lindon est cette année le Président du jury. Il sera entouré, entre autres, par Noomi Rapace, Asghar Farhadi, Lady Ly, Jeff Nichols, Rebecca Hall, Joachim Trier et Jasmine Trinca. Valeria Golino dirigera le jury d'Un certain regard.
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Cette année, la compétition comprend 21 films, ce qui représente un nombre raisonnable après l'orgie de l'année dernière (24 films). On peut distinguer dans la sélection ceux qui ont déjà eu une Palme d'Or (les Dardenne, Kore-Eda, Mungiu, Ostlund), ceux qui auraient pu en avoir une (Cronenberg, Desplechin, Park Chan-Wook), ceux qui n'en auront peut-être jamais (Claire Denis, James Gray, Kelly Reichardt, Albert Serra, Jerzy Skolimowski, Valeria Bruni Tedeschi), les jeunes pousses qui en auront probablement une un jour (Dhont, Serebrennikov). J'attends pour ma part impatiemment les films d'Ali Abbasi (dont j'ai adoré Border), Léonor Serraille (je suis fan de son premier film Jeune femme), Charlotte Vandermeersch et Felix Van Groeningen (La merditude des choses, Alabama Monroe), Saeed Roustaee (auteur de l'excellent La loi de Téhéran) et Tarik Saleh (Le Caire confidentiel). Le cinéaste que je connais pas du tout cette année est l'italien Mario Martone, le seul dont je n'ai vu aucun film.
Cannes Premières
Avant 2020, les "refoulés" de la compétition se retrouvaient à Un certain regard, ou à la Quinzaine. En 2021, Thierry Frémaux leur a offert une nouvelle section qui est reconduite cette année, dans la salle Debussy, habituellement réservée à Un certain regard. On retrouvera ici un casting dont Venise ou Berlin se délecteraient : Marco Bellochio, Olivier Assayas, Serge Bozon, Emmanuel Mouret, Rodrigo Sorogoyen, Panos Koutras, Rachid Bouchareb et Dominik Moll.
Un certain regard
Cette sélection se recentre sur son objectif initial, comme en 2021 : faire découvrir des oeuvres originales et exigeantes. Peu de noms connus par conséquent. Le film d'ouverture, Tirailleurs, de Mathieu Vadepied, avec Omar Sy, est cependant très attendu. On croisera tout de même dans cette section Davy Chou, dont j'ai adoré un des films précédents, Diamond island. Un islandais sera là, comme c'est de tradition, et il s'agira de Hlynur Palmason, remarqué à Cannes pour un film précédent de bonne facture, Un jour si blanc. L'actrice Riley KEOUGH (petite-fille d'Elvis Presley) y présentera son premier film. La sélection nous fera voyager à travers le monde entier : Japon, Allemagne, Costa-Rica, Norvège, Palestine, Turquie, Australie, Pakistan, Pologne, USA, France et ... Ukraine.
Autres sélections
Dans le cadre des séances spéciales et autres projections inclassables, on trouve cette année du très lourd, que ce soit en matière de cinéma d'auteur (Losnitza, Louis Garrel, Jasmine Trinca, Etan Coen, Patricio Guzman), de fun (Top Gun Maverick et un hommage à Tom Cruise, Elvis de Baz Luhrman, les nouveaux films de Cédric Jimenez, Nicolas Bedos et surtout George Miller). Quentin Dupieux présentera son nouveau projet dans une séance de minuit qui s'annonce délirante. Dans la section Cannes classics, on verra un film sur les jeux olympiques de Tokyo, tourné par l'habituée cannoise Naomi Kawase. Enfin, deux curiosités : l'acteur principal de Squid game, Lee Jung-Rae, présentera son premier film en séance de minuit et la chanteuse Diam's un documentaire autobiographique.
La Quinzaine des réalisateurs
Paolo Moretti renouvelle comme l'année dernière le casting de la Quinzaine (pour sa dernière année à ce poste), habituée auparavant à ronronner sur des noms récurrents et/ou sur les recalés de l'officielle. Cap sur l'aventure, donc. Pas beaucoup de grands noms, mais des inconnus, des réalisateurs à (re)découvrir (Rodrigues, Alex Garland, Charlotte Le Bon), et une très forte présence française (Léa Mysius, Philippe Faucon, Thomas Salvador, Alice Winocour, Mia Hansen-Love, Nicolas Pariser), ce qui est une caractéristique de cette année, toutes sections confondues. Annie Ernaux y présentera un film. L'envol, film de l'italien Pietro Marcello, avec Louis Garrel et Noémie Lvosky, une des grosses attente de cette édition, sera présenté en ouverture.
Semaine de la critique
Cette année, je ne connais vraiment personne dans la compétition qui nous fera voyager en France, en Finlande, en Iran, en Colombie, au Portugal et aux USA. Dans les séances spéciales, on retrouvera l'acteur Jesse Eissenberg qui viendra présenter ici son premier film et la nouvelle proposition du cinéaste / artiste Clément Cogitore. C'est un film coréen de Jung July qui fera la clôture (son premier film, A girl at my door, est très bon).
ACID
Dans la petite dernière des sélections cannoises, peu de noms connus, mais comme dans les autres sélections une forte présence française. Polaris, d'Ainara Vera, aiguise ma curiosité : il promet de nous emmener naviguer au Groenland.
Le cinéma de Mikhaël Hers est d'une délicatesse tellement grande qu'elle flirte souvent avec l'insipidité.
Lors que cette délicatesse rencontre une solide architecture narrative, cela donne un excellent résultat (Amanda), lorsqu'elle illustre une absence de propos, elle emplit l'écran de cinéma d'un vide cotonneux (Memory lane).
On est ici un peu entre les deux. L'écoulement du temps, le jeu convainquant de Charlotte Gainsbourg (qui semble s'améliorer de film en film), la finesse avec laquelle les émotions et états d'âme sont captés rendent le film très appréciable et attachant.
Mais ce qui est raconté n'est en réalité pas très intéressant. Une femme au foyer qui doit se réinventer après n'avoir connu qu'un seul homme, les émois adolescents, la collision de milieux sociaux très différents : autant de sujets déjà vus mille fois et qui n'ont d'intérêt ici que parce que la patine de la mise en scène les irise d'une tonalité douce-amère, mettant en valeur les sentiments d'empathie et de partage.
Un film touchant, dans lequel l'émotion effleure parfois, et qui se regarde comme on feuilleterait un vieil album de famille. C'est à la fois beau, sensible, et un peu vain.
Michaël Hers sur Christoblog : Mikhaël Hers sur Christoblog :Memory Lane- 2010 (*) / Amanda - 2018 (***)
Il en va de Klapisch comme il en a été de Lelouch : on est surpris et bouleversé quand la recette utilisée (bons sentiments et confiance absolue en la puissance narrative du cinéma) fonctionne aussi bien !
En corps commence de façon très efficace : de superbes scènes de danse, un personnage qui impose immédiatement sa présence (formidable Marion Barbeau, une révélation), et une grande densité dramatique en une seule séquence.
Lancé sur ces très bons rails, le film enchaîne ensuite une alternance de morceaux de bravoure et de temps calmes consacrés au tableau d'une lente reconstruction faisant suite à un double deuil. Sans verser dans le sentimentalisme niais, Klapisch brasse de belles et profondes émotions qui font mouche. Une des forces du film est de situer une bonne partie de son action dans un environnement dopé par la fougue des danseurs, et dans lequel trône une Muriel Robin impériale. Pio Marmaï est renversant en cuisinier possédé, et le couple qu'il forme avec Souheila Yacoub est très drôle.
La troupe du chorégraphe Hofesh Schechter insuffle dans En corps un souffle puissant et bienfaisant, qui célèbre l'exultation des corps, et des âmes. C'est vraiment très beau.
Apples est le premier film de Christos Nikou, qui fut assistant de Yorghos Lanthimos pour le film Canine. On retrouve dans le film des idées que ne renierait certainement pas l'auteur de The lobster : une partie de la population d'Athènes est atteinte d'une amnésie soudaine, le "programme" de soin consiste a effectuer des tâches élémentaires, dans la thérapie figure le fait de prendre des photos de ses activités avec un polaroid.
Mais autant les films de Lanthimos sont vifs, décapants et souvent intrigants, Apples est lui tristounet, presque métaphysique et minimaliste. Le format carré, la photographie éteinte, la morne mise en scène et le jeu neurasthénique des acteurs n'aide pas à ce qu'on entre vraiment dans le film, même si le mystère planant sur le film (qui était le personnage principal avant l'épidémie?) maintient un intérêt minimal.
J'ai regardé ce film comme on lit un pensum appliqué et très cohérent stylistiquement, attendant à être surpris, et ne l'étant jamais vraiment, malgré un ultime twist peu frappant. Il a bénéficié d'une sortie en salle très limitée, on comprend pourquoi.
Le deuxième film de Diane Kurys, qui suit l'incroyable succès du premier, Diabolo menthe, est très intéressant.
Il commence comme une ode à la jeunesse libertaire en rupture vis à vis de la famille. Cette première partie est rafraîchissante et rappelle les plus belles réussites en matière de portrait de la jeunesse (Doillon, Kechiche).
Lorsque notre trio part à Venise, puis en revient, le road trip se transforme petit à petit en récit à la fois triste et distancié, par la grâce de quelques scènes de toute beauté (le témoignage du gendarme par exemple).
Si Cocktail molotov a si bien vieilli, c'est surtout grâce à la performance des acteurs. Elise Caron rayonne littéralement en archétype précoce de femme libérée. Mais c'est la toute première apparition de François Cluzet qui emporte le morceau : sa gouaille un peu distante (on pense à Vincent Lacoste, le cynisme en moins), la beauté de sa voix et son aplomb imperturbable forcent l'admiration.
The king's man : première mission présente l'équilibre parfait qu'on attend d'un film d'action, entre scénario surprenant et fouillé, et scènes spectaculaires.
En ce qui concerne la narration, le troisième volet de la trilogie parvient à insérer dans son intrigue de nombreux personnages réels qui vivent leur vie "normale" : l'archiduc Ferdinand, lord Kitchener, Raspoutine, Lénine, Mata Hari. Cela donne au film une patine réaliste dans sa première partie que ne possède aucun film équivalent.
Dans la seconde partie, Matthew Vaughn parvient à se hisser en terme d'action à ce qui se fait de mieux dans le genre. Les scènes finales qui montrent les héros s'attaquer à la citadelle minérale du méchant boss sont impressionnantes.
Le film est une gourmandise sans prétention, qui souffre parfois de quelques baisses de rythme sans gravité, un peu moins drôle que les épisodes précédents, mais qui se regarde avec plaisir.
Il y a dix bonnes minutes dans L'affaire Collini, vers la fin.
Pour le reste, ce film très scolaire de l'allemand Kreuzpaintner ne génère pas beaucoup d'enthousiasme.
Nous sommes ici dans le genre très classique du film de procès, mâtiné d'une énigme psycho-historique... dont la solution est révélée dans l'affiche du film, qui expose bien visiblement une croix gammée !
La première heure est globalement de trop. Un faux suspense est installé laborieusement, le film est extrêmement maladroit à la fois dans sa narration (les romances superficielles) et ses idées de mise en scène (éclairages et musiques trop démonstratifs). Tout est trop long et trop appuyé.
Les choses s'améliorent ensuite un peu lors du procès, même si la façon dont les différents personnages sont dessinés reste très balourde. Malheureusement les derniers plans sont à nouveau très mauvais, et le dernier est véritablement catastrophique, d'une niaiserie abyssale.
Dommage, car le fond est intéressant. Il aurait mérité un traitement moins clinquant et plus profond.
Ce film argentin découvert à la Berlinale 2020, serait sorti en France le 13 avril 2022, mais je ne l'ai vu au programme d'aucun cinéma... ce qui ne me semble pas très dérangeant.
En effet le film de Sol Berruezo Pichon-Rivière est un exercice de style assez plombant, qui rappelle le cinéma européen d'auteur dans son expression la moins attrayante. Il rencontre pourtant un succès certain partout où il est présenté.
Le sujet du film n'est pas inintéressant (le deuil d'une soeur vécue par une petite fille et sa cousinade féminine), la mise en scène ne manque pas d'idées, mais la narration évanescente, les effets appuyés et l'abus d'ellipses énervent le spectateur : on ne comprend que très lentement ce qu'on voit.
Certains voit dans le film un cousinage avec la Sofia Coppola de Virgin suicides, j'ai pour ma part plutôt pensé au mélange de délicatesse et d'afféteries grossières qui caractérise le cinéma d'Alice Rochwacher (Les merveilles). Je n'ai pas vraiment accroché à cette chronique, certes homogène stylistiquement, mais que j'ai trouvé vaguement insipide, et pour tout dire, assez inconsistante.
Le film possède cependant une grande qualité : il ne dure qu'une heure et cinq minutes.
Drôle, la nouvelle série de Fanny Herrero (Dix pour cent) est-elle drôle ? Et bien, pas vraiment.
Mais elle présente l'intérêt de montrer l'univers du stand up de l'intérieur, et elle met en scène des personnages attachants, Aïssatou (Mariama Gueye) et Nezir (Younès Boucif) en tête. On souhaite à ces deux-là les destins de Laure Calamy, Camille Cotin, Nicolas Maury, ils en ont potentiellement l'étoffe.
Drôle est donc plutôt agréable à suivre, même si (et je me souviens que j'avais eu le même type de sentiments au début de Dix pour cent) l'écriture peut paraître parfois brouillonne et même vulgaire. La plupart des personnages sont stéréotypés sans finesse (la mère d'Apolline par exemple) et certaines scènes tombent à plat.
Malgré ces défauts, je dois avouer que j'ai tout de même dévoré les six épisodes, tant le talent de Fanny Herrero est grand pour tisser avec efficacité une progression dramatique certes un peu téléphonée, mais redoutablement efficace.
Je vais attendre la suite pour voir si l'amélioration qu'a connu Dix pour cent au fil des saisons (plus de densité, de profondeur, de subtilité, puis de noirceur) se retrouve ici.
Quel intérêt de faire le voyage au Kosovo pour filmer avec autant de platitude une montagne de clichés déjà vus mille fois : des jeunes qui glandent, qui voudraient s'en sortir et quitter leur trou pourri, qui traînent en bande, finissent par faire des conneries et explorent leur orientation sexuelle ?
L'apparition de l'actrice réalisatrice française d'origine kosovarde Luana Bajarami dans son propre film est assez ridicule. Elle observe les trois jeunes filles comme des animaux, et ne dit que des banalités. On peut se demander si ce n'est pas sa notoriété récente (on l'a vue dans L'évènement, Les 2 Alfred...) qui lui a permis de réaliser ce film médiocre aux relents autobiographiques, de plus sélectionné à la Quinzaine des réalisateurs 2021.
Les évènements sont invraisemblables, les personnages stéréotypés. Tout n'est qu'esquissé, ou parfois surligné (on court toutes habillées dans le lac au ralenti ? allez !).
Bref, rien ne va dans ce film, qui n'est même pas sauvé par un pittoresque mariage local, assez mal filmé.
Jonas Carpignano poursuit ici son exploration, entre fiction et documentaire, de "sa ville" calabraise, Gioia Tauro.
Ce troisième film, après Mediterranea et A ciambra, nous emmène dans le milieu de la mafia. On suit le destin d'une jeune fille qui se rend progressivement compte à quinze ans que son père est un mafieux.
La façon de Carpignano fait ici merveille : mélange de réalisme brut (les scènes familiales du début, caméra à l'épaule, image à gros grain façon Kechiche) et d'onirisme égrené par petite touche (les rêves de Chiaria, la chambre en feu, le gouffre dans le salon).
Le film a une bande-son formidable, très travaillée et signifiante. La thématique du choix de vie, celui du passage à la condition d'adulte sont très bien traités. Mais ce qui emporte tout, c'est le visage et le corps rayonnants de Chiara, sa volonté de vivre, son exigence de comprendre.
Quelques scènes sont tout simplement géniales : la cache dans la brume, le passage du contrôle policier. Urgence, captation des sentiments les plus complexes au plus prêt, la vie semble ruisseler de l'écran dans les films de Carpignano.
Un formidable thriller psychologique mâtiné de documentaire brut.
Jonas Carpignano sur Christoblog : A ciambra - 2017 (****)
Je n'ai rien aimé dans le dernier Gaspar Noé. Au vu de son sujet, le film devrait être dérangeant, oppressant, déstabilisant, mais il est simplement chiant.
Lui (Dario Argento) écrit un livre sur le cinéma, et dit parfois de jolies phrases. Elle (Françoise Lebrun) perd la boule. Alex Lutz est leur fils, ex-drogué.
Et ? Rien du tout. Vortex ne raconte rien et la seule idée de mise en scène qu'il propose est le split screen, par ailleurs bien mieux utilisé dans Lux Aeterna. Certains diront qu'il n'a pas besoin de raconter puisqu'il montre : les deux acteurs pissent, se lavent, s'habillent, fréquentent les épiceries de quartier, errent dans un logement tellement envahi de souvenirs et de livres qu'il en devient un cauchemar de claustrophobe. Mais cette absence de point de vue lasse vite, après avoir brièvement intrigué.
Il y a dans le film une complaisance benoîte à filmer la décrépitude, bien éloignée de l'exaltation des corps qui sublimait Climax. Le cinéma de Noé est avant tout sensoriel : quand il échoue à faire sentir, il apparaît comme une terrible et cruelle coquille vide.
Ce joli film israélien présente beaucoup de qualités et constitue une très jolie découverte.
L'idée de départ est très maline : un arabe qui habite Jérusalem et qui méprise son milieu d'origine reste bloqué dans son village natal où il est venu assister à un mariage, suite à un blocus inexpliqué mis en place par l'armée israélienne.
S'en suit une suite de mésaventures tour à tour comiques, émouvantes, tendres, et dramatiques. Notre personnage principal n'a plus accès à internet et va devoir communiquer avec sa famille, ses amis du passé et sa femme !
Le film est très composé (le scénario est remarquable) et riche en thématiques (la situation politique, les factions palestiniennes, les sans-papiers, le courage, la déliquescence d'un couple).
La mise en scène de Kolirin est intelligente et inspirée, à l'image de ses coeurs palestiniens qui chantent lorsque la ville est privée d'électricité. Et il y eut un matin est à la fois un beau film politique et une chronique délicate de nos lâchetés quotidienne : le film est à découvrir.
A l'occasion de sa sortie, je vous propose de gagner 2 exemplaires du DVD duLuzzu.
Pour ce faire :
- répondez à la question suivante : Dans quel pays se déroule l'action de Luzzu?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le tout par iciavant le 24 avril 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite le DVD envoyé par le distributeur. NB : un des deux DVD sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien)
Grand vainqueur du Festival de Gérardmer 2022, ce film finlandais se place dans ce qui est en train de devenir une tendance lourde : l'épouvante nordique un peu barrée. Récemment, l'islandais (et poétique) Lamb, puis le norvégien (et alambiqué) Les innocents, ont montré le chemin d'un surnaturel profondément ancré dans le quotidien.
Ici, la réalisatrice Hanna Bergholm prend toutefois un chemin un petit peu différent en présentant la tableau d'une famille presque trop parfaite : la mère a un goût particulièrement kitsch en matière de décoration (du rose, du verre, des coeurs), elle tient un blog, et exerce une pression psychologique infernale sur sa fille de onze ans qui prépare un concours de gymnastique.
Evidemment ce monde parfait et sucré s'avère rapidement tordu : la mère a un amant et l'inconscient de la petite fille Tinja va revêtir plusieurs formes inquiétantes et assez réussies. Le film n'est pas avare de jumpscares, mais aussi de visions formelles d'une grande beauté, le tout assez concis et ramassé pour préserver l'intérêt de Ego jusqu'à la fin.
Je conseille donc plutôt ce film bien écrit (la dernière partie est assez surprenante), servi par l'interprétation impressionnante de la jeune Siiri Solalinna. J'ai pu voir le film en Blu-ray et apprécier encore plus la qualité de la belle photographie du film.
De film en film, Ryusuke Hamaguchi s'affirme comme l'un des plus grands cinéastes en activité.
Si cet opus est un peu moins complet et profond que son chef-d'oeuvre Drive my car, il met en exergue deux de ses qualités principales : une direction d'acteur de haut niveau, qui permet une exploration en profondeur des sentiments humains, et des talents de dialoguistes hors pair.
De contes, il y en a trois. Le premier est d'une facture assez classique (une femme raconte à son amie son coup de foudre pour celui qui s'avère être l'ex de son amie). Le second est vertigineux et constitue une approche de la libido (en particulier féminine) assez peu courante dans le cinéma japonais contemporain.
Le troisième, qui raconte les retrouvailles de deux femmes plusieurs dizaines d'année après leur lycée, est profondément émouvant. Dans cette dernière partie, Hamaguchi atteint des sommets en matière d'écriture : l'intrigue est surprenante, les fausses pistes nombreuses, les rebondissements psychologiques étonnants et la finesse d'interprétation atteint des sommets. C'est vraiment du grand art, d'autant plus que la mise en scène se met alors au diapason du scénario, multipliant les effets (symétries, transparences, angles) dans un huis clos d'une apparente simplicité. Magnifique.