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Christoblog

Springsteen : deliver me from nowhere

A s'attacher à une période très spécifique de la vie de Springsteen (quelques mois de dépression et de grande inspiration), le film de Scott Cooper se heurte très rapidement à sa propre limite : il n'est pas facile de maintenir l'intérêt du spectateur pendant deux heures, alors qu'il ne se passe pratiquement rien à l'écran.

Il aurait fallu approfondir les deux sujets intéressants du film : la prééminence de la vision d'artiste sur le diktat de l'industrie (celui-ci est assez bien traité, mais on aurait aimé en savoir encore plus) et les sources profondes de l'inspiration quand elle est d'une telle puissance (le sujet n'est abordé que par le biais d'anecdotes, comme le film Badlands, la musique d'Alan Vega ou les écrits de Flannery O'Connor).

A défaut d'explorer plus profondément ces sujets, le scénario, écrit laborieusement, se voit dans l'obligation d'inventer une histoire d'amour d'une pauvreté affligeante, qui gâte le film par l'accumulation de scènes à l'eau de rose qu'elle nous impose.

Parmi les points faibles du travail de Scott Cooper, il faut également signaler la superficialité des personnages secondaires : les membres du E Street Band sont inexistants, la mère (dont on sait qu'elle est solaire quand on a lu l'autobiographie de Springsteen, Born to run) est réduit à un personnage de souffrance, et la figure de Jon Landau, véritable saint au service de la création - on ne le soulignera jamais assez, n'est pas aussi développé qu'on aurait pu le souhaiter.

Mon avis, en tant que cinéphile ET en tant que connaisseur de la carrière du Boss est donc partagé : d'un côté je reconnais que le traitement lo-fi qu'a choisi le réalisateur est bien en phase avec le processus de création du chef d'oeuvre dépouillé qu'est Nebraska, de l'autre il me faut avouer que plusieurs passages (l'accélération en voiture, certains flashbacks, la scène de sexe) m'ont semblé beaucoup trop clichés. 

Peut-être aurait-il fallu des parti-pris de mise en scène encore plus radicaux pour donner à sentir ce que le travail de Springsteen a eu de véritablement génial dans cette période, à l'image de ce qui reste pour moi le meilleur film inspiré par un musicien : le film Control, sur la courte vie de Ian Curtis.

Dernier point, Jeremy Allen White joue comme à son habitude avec une expressivité proche de la moule en fin de vie, ce qui en l'espèce n'est pas très gênant, puisque sur les photos de la période on voit bien que Bruce arbore en continu une moue boudeuse et figée, assez proche de celle que White possède naturellement.

A vous de voir, mais le plus important reste tout de même d'écouter ce classique intemporel qu'est le disque Nebraska.

 

2e

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La femme la plus riche du monde

Ce film avait tout pour me déplaire : une histoire qui a priori ne m'intéresse pas vraiment (l'emprise du photographe François-Marie Banier sur Lilianne Bétancourt), un casting un peu tape-à-l'oeil et un réalisateur, Thierry Klifa, que je connais pas.

Et pourtant La femme la plus riche du monde s'avère être un bon film, qui mêle avec subtilité la comédie caustique à l'étude de caractère, en flirtant avec le mélodrame familial.

En effet, si on rit d'abord de la crédulité du personnage joué à la perfection par Isabelle Huppert (ne serait-ce pas la femme la plus bête du monde ?), on est peu à peu touché par son appétit de vivre souverain et sa volonté d'échapper aux carcans qui l'ont bridé toute sa vie (c'est peut-être au final la femme ... la plus triste du monde).

Le film interroge également des notions comme le libre-arbitre, la relation à l'argent quand on en a vraiment beaucoup, la fidélité filiale (formidable Marina Fois) et professionnelle (Raphaël Personnaz, très juste).

Tout cela est intéressant mais le film ne serait pas aussi plaisant sans l'interprétation XXL de Laurent Lafitte, jamais aussi bon que quand il joue les salauds séduisants, dans un registre qui rappelle un peu sa performance en Bernard Tapie.

Une réussite.

 

2e

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La petite dernière

Le cinéma de Hafsia Herzi, à l'image des personnages qu'il filme, est rêche et mal léché. La façon de filmer de la réalisatrice est souvent dérangeante, et ne cherche pas à plaire au premier abord.

Fatima, l'héroïne de La petite dernière, lesbienne musulmane en banlieue, se situe bien dans cette filiation : taiseuse, peu commode, étrangère à son milieu. Mais la réalisation de Herzi est, cette fois-ci, un peu plus douce que d'habitude, et donc aussi plus convenue.

Sa manière de filmer l'évolution de Fatima (psychologique, sentimentale, sexuelle, sociale) apporte un parfait contrepoint au film d'Abdelatif Kechiche, La vie d'Adèle : une égale attention aux fluctuations du coeur et du corps, à travers deux regards très différents (le fameux male gaze d'un côté, une approche évidemment plus féministe ici).

Ceci étant posé, La petite dernière, tout en étant un joli portrait agréable à découvrir, parsemé de scènes étonnantes (la leçon de sexe lesbien donnée dans la voiture !), peine toutefois à générer de profondes émotions. C'est probablement parce que son déroulé didactique (chaque étape est consciencieusement cochée) finit par donner au film un côté prévisible.

Herzi s'affirme ici comme une réalisatrice qui compte dans le cinéma français. Elle révèle un talent remarquable, celui de son actrice Nadia Melliti, qui fait preuve d'une grande finesse dans son jeu. 

 

2e

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Lumière pâle sur les collines

En voyant ce film en mai dernier à Cannes, je me suis dit que je ne comprenais rien à ce que je regardais : que sont devenus les maris japonais et anglais de la narratrice, qui est exactement Sachiko, les deux personnages féminins principaux sont elles une seule et même personne ?

Le film, s'il laisse deviner certains éléments, ne les explicitent pas, ce qui a généré chez moi une grande frustration. Il semble que le roman d'Ishiguro, dont le film est tiré, ménage le même type d"incertitude floue.

Lumière pâle sur les collines est donc inutilement alambiqué. Ces qualités passent du coup au second rang : une jolie photographie, avec toutefois un peu trop d'effets numériques, et aussi une belle délicatesse dans la direction d'acteur.

Les sujets abordés sont eux aussi intéressants, sans être suffisamment développés : les séquelles de la bombe à Nagasaki, les conséquences de la seconde guerre mondiale sur la psyché japonaise, la sororité comme résistance.

Ishikawa s'affirme de film en film comme le réalisateur de la confusion des personnalités. Il se perd malheureusement ici dans les ornementations d'un scénario inutilement obscur.

Kei Ishikawa sur Christoblog : A man - 2022 (**)

 

2e

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Downton Abbey III : le grand final

Bien entendu, ce film ne peut plaire qu'aux spectateurs de la série. Ceux-ci retrouveront avec délice la quasi totalité du casting qu'ils connaissent, constatant avec émotion les effets du temps sur le visage des uns et des autres.

Pour les autres, novices en Downton Abbey, nul doute qu'ils se demanderont pourquoi plusieurs millions de téléspectateurs à travers le monde se sont entichés de ce tableau sous naphtaline d'une société figée qui peine à mourir.

C'est que tout l'intérêt de cet ultime opus réside justement dans ce qui n'est pas dit. Rarement la présence des morts dans un divertissement grand public aura été aussi marquée : les apparitions de Tom et de sa fille rappelle immanquablement le personnage si attachant de Sybil, les errements y compris sexuels de Mary convoquent toujours le fantôme de Matthew, alors que le personnage de la douairière Violet irradie constamment le film avec une intensité décuplée par la mort de l'actrice qui l'incarnait, la merveilleuse Maggie Smith.

Ce volet final est donc une élégie anodine, une épitaphe qui tente de capter les faibles signaux d'un monde qui disparaît, sans génie mais pas sans émotion.

 

2e

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Nouvelle vague

Il fallait un sacré culot pour oser faire ce film sur le tournage d'A bout de souffle en copiant son style : noir et blanc, ton alerte, caméra à l'épaule, acteurs charismatiques.

L'Américain Richard Linklater, dont je pense qu'il est un des meilleurs réalisateurs américains actuels (si ce n'est le meilleur), relève avec brio ce défi.

Le tournage de Nouvelle Vague a été très travaillé (de nombreuses prises, de gros moyens, une préparation minutieuse), à l'inverse de celui du film de Godard, et le résultat à l'écran est bluffant : on a vraiment l'impression d'être projeté dans la France de 1959. C'est un pur délice.

Au plaisir de retrouver la gouaille de Bébel (excellent Aubry Dullin) et le charme de Jean Seberg (lumineuse Zoey Deutch), il faut ajouter la jouissance enfantine de rire aux nombreuses saillies de  Guillaume Marbeck jouant un Godard plus insupportable que nature. On croise aussi tout une galerie de personnages formidables, de Truffaut à Raoul Coutard, en passant par Jean-Pierre Melville, Robert Bresson, Roberto Rossellini, et tant d'autres.

Le résultat est donc jouissif et drôle, mais aussi diablement instructif. On comprend en effet parfaitement la "méthode Godard", et on mesure l'importance de tout le substrat qui aura permis l'émergence de la nouvelle vague (et notamment le rôle du producteur Georges de Beauregard).

Une réussite à tout point de vue, qui parvient à mélanger émotion et rire, éloge poétique du cinéma et plaisir de la découverte.

 

4e

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Une bataille après l'autre

Paul Thomas Anderson est sûrement le cinéaste contemporain qui bénéficie de la cote de sympathie la plus élevée. Chacun de ses films est attendu comme un présumé chef d'oeuvre par toute une communauté de fans énamourés, dont l'objectivité n'est par définition pas la première qualité.

Ainsi Une bataille après l'autre fait l'objet d'une campagne de commentaires dithyrambiques sur les réseaux sociaux, accompagnée d'articles de presse à l'unisson, qui pourra étonner quiconque ne fait pas partie du fan club.

Le film n'a en effet rien d'extraordinaire. Il montre deux faces de l'Amérique qui s'opposent frontalement : des activistes de gauche menant des actions de type révolutionnaires et un groupe secret de forcenés racistes. 

Comme le récent Eddington, avec qui il partage de nombreux points communs (les situations extravagantes, les personnages caricaturaux), Une bataille après l'autre renvoie en partie les deux parties dos à dos : les activistes se trahissent les uns les autres, sont incompétents ou naïfs, les fachistes menacent évidemment de détruire la démocratie.

Le ton qu'adopte Anderson est distrayant et rend le film globalement agréable (alors que celui d'Ari Aster était grinçant et déplaisant). On suit donc avec plaisir les mésaventures de Bob, joué par un Leonardo di Caprio inspiré, et de sa fille Willa, qui révèle une jeune actrice formidable, Chase Infiniti.

La mise en scène d'Anderson est propre, mais un peu sage. Au rayon des points faibles, j'ai trouvé que l'interprétation de Sean Penn est poussée trop loin dans la veine grotesque et que le film est exagérément long, sans que rien ne le justifie dans l'histoire (2h40 quand même !). Certaines séquences sont clairement étirées, comme la poursuite finale. J'ai aussi été gêné par la présence insistante de la musique dissonante de Jonny Greenwood (Radiohead).

En résumé, quelques défauts et rien de bien génial dans Une bataille après l'autre, mais une intéressante vision des fractures américaines, qui prend sa place entre Eddington et le futur film de Kathryn Bigelow qui sort sur Netflix le 23 octobre, A house of dynamite

 

2e

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La mort n'existe pas

Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu un film d'animation aussi mauvais.

Un groupe de jeunes terroristes veut tuer un couple de bourgeois. L'une d'entre eux/elles se défile, mais va se voir donner une seconde chance par le fantôme de son amie, décédée lors de cet acte de bravoure et/ou acte de terrorisme.

Je n'ai pas compris où voulait nous emmener Félix Dufour-Laperrière, tant le propos de son film est confus, entre contact fusionnel avec la nature, apologie de l'action violente, âgisme révolutionnaire et anti-capitalisme vaporeux.

Quant à l'animation, elle est d'une laideur effroyable : papiers-peints en fond d'écran, grands aplats monochromes, visages des personnages articulés comme des automates, 2D sommaire. C'est le degré zéro de l'animation, sous couvert de poésie sous ecstasy.

La mort n'existe pas comporte également son lot de fixettes malaisantes, comme par exemple un goût prononcé pour le sang (lièvre dépecé, corps perforés), le tout baignant dans une atmosphère new age qui prône une mystique révolutionnaire mâtiné de rêve de vie de famille avec le beau Marc (bizarre, non ?).

Une catastrophe à tout point de vue.

 

1e

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Un simple accident

Ceux et celles qui découvriront le cinéma iranien avec Un simple accident entreront dans cette belle maison lumineuse et accueillante par la grande porte.

On trouve en effet dans la Palme d'or 2025 tous les éléments qui rendent cette cinématographie si aimable : une extrême attention portée à la caractérisation de chacun des personnages, un suspense psychologique mené avec beaucoup de subtilité, un tableau de la vie quotidienne d'une grande acuité, un état de la situation sociale et politique décrite avec finesse.

A tous ces éléments, qu'on trouvent souvent dans les films de Farhadi, Rasoulov, Roustaee et bien d'autres, s'ajoute la spécificité du cinéma de Jafar Panahi : un sens de l'humour dévastateur, parfois mordant, parfois tendre, toujours teinté d'une sorte d'autodérision distante.

C'est comme si le réalisateur nous susurrait à travers son film un message d'espoir indéfectible : comme vous le voyez, le peuple iranien vit de grands drames, et les cicatrices seront longues à cicatriser, mais il aura la force de se relever quoi qu'il arrive, par la grâce de son humour et de son sens de la solidarité.

Ce message est servi ici par les immenses qualités qui font d'Un simple accident un joyau comme on en voit peu : scénario millimétré, mise en scène d'une aérienne élégance et direction d'acteur époustouflante.

Pour conclure le film, un dernier plan de toute beauté, trouvaille à la hauteur de ce qu'on a vu auparavant et parfaite synthèse de ce qui rend le film si précieux : une mise en scène inspirée qui sert un scénario brillantissime.

Probablement le chef d'oeuvre de Jafar Panahi.

Jafar Panahi sur Christoblog : Ceci n'est pas un film - 2011 (***) / Taxi Téhéran - 2015 (****) / Trois visages - 2018 (**) / Aucun ours - 2022 (***)

 

4e

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L'intérêt d'Adam

Une gentille infirmière se rebelle contre sa méchante hiérarchie pour aider une mère instable psychologiquement et son enfant.

Oui, vous avez raison, c'est une situation qu'on a l'impression d'avoir vu mille fois et qu'on verra mille fois supplémentaires encore, probablement filmée avec le même "sentiment de temps réel en milieu hospitalier" qu'on a découvert il y a trente ans déjà dans la série Urgences, et qui n'a vraiment plus rien d'original.

Le film de la Belge Laura Wandel ne cherche pas vraiment à dépasser ce portrait de bonne samaritaine tourné comme il se doit avec la caméra à l'épaule : l'auréole de sainteté qui semble étinceler au-dessus de la tête le Léa Drucker aurait pourtant méritée d'être challengée.

Son attitude n'est en effet pas exempte de critiques potentielles. Ne protège-t-elle pas injustement une mère toxique qui constitue une véritable menace pour son enfant (elle a déjà failli le tuer, et semble tout à fait prête à recommencer) ? N'outrepasse-t-elle pas allègrement les limites déontologiques de son métier ? Ne consacre-t-elle pas trop de temps à une seule patiente alors que beaucoup d'autres ont besoin d'elle ? Pourquoi prend-elle toutes ces décisions irrationnelles ? Ne devrait-elle pas confronter son opinion à celles de ses collègues, comme cela est préconisé en milieu hospitalier ?

En bref, il y avait sûrement beaucoup de films intéressants à faire autour de ce sujet, mais aucun de ceux-ci n'existe dans L'intérêt d'Adam, pâle décalque sur grand écran d'une collection de clichés usuels sur l'hôpital, qui ne prend à aucun moment la peine de caractériser psychologiquement ses personnages, ni d'installer une vraie tension dramatique.

Une grande déception.

 

1e

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Oui

Pour commencer, il me faut dire que Nadav Lapid est à la fois un cinéaste doué et un fin (et acide) observateur des évolutions de la société israélienne. 

On peut donc, si on regarde ses films comme des sortes de  témoignages, y trouver un intérêt.

Ces précautions étant prises, je dois avouer que Oui m'a profondément déplu. Le film m'est en effet apparu comme un fouillis peu maîtrisé, accumulant les effets, les tics, les essais approximatifs. Si Nadav Lapid n'était pas par ailleurs si réservé et humble, on pourrait juger cette manière extrêmement prétentieuse : on a l'impression qu'il s'agit d'en "mettre plein les yeux", plutôt que de prendre soin de son spectateur.

Les thématiques se superposent dans le film sans se fondre entre elles (deuil des parents, difficulté de vivre en couple, d'être un artiste, culpabilité face aux destructions de Gaza, horreur du 7 octobre, nostalgie du passé). Tout cela ne fait pas un film, d'autant plus que les modalités choisies, en gros un montage épileptique et des situations grotesques, ne favorisent pas l'empathie.

Pour aller un peu plus loin, Oui comporte trois parties. Dans la première, La belle vie, on suit un couple danseuse/clown complètement déjanté faire leur travail dans des fêtes délirantes.  On pense à certaines scènes de La grande belleza, la démesure baroque et hédoniste en moins, la morbidité masochiste en plus. C'est long, lourd et insupportable de vacuité repue.

Dans la deuxième partie, Le chemin, il est question d'un amour d'enfance et de la mort d'une mère. Le film s'adoucit et devient légèrement plus intéressant. Dans la dernière partie, La nuit, onirique et sadique, on suit un magnat russe se faire lécher les chaussures par sa cour (entre autres choses).

J'ai déjà dit de Nadav Lapid qu'il était un brillant intellectuel et un cinéaste imaginatif, qui fait des films peu aimables sur des personnages antipathiques. C'est ici encore plus vrai, et Oui dure 2h30, qui m'ont parues très, très longues.

Je le déconseille donc fermement, sauf si vous prenez plaisir à souffrir et réfléchir en même temps.

Nadav Lapid sur Christoblog : L'institutrice - 2014 (**) / Synonymes - 2019 (**) / Le genou d'Ahed - 2021 (**)

 

1e

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La trilogie d'Oslo : Désir

Des trois opus de la trilogie d'Oslo, Désir est celui qui a reçu le moins bon accueil critique.

Il faut dire que sa forme est moins ample que celle des deux autres parties : Rêves offrait une variation polyphonique autour de la notion de réalité et Amour dessinait une vaste carte du tendre moderne.

Désir, lui, ne montre pratiquement que des dialogues ayant pour sujets deux évènements étonnants concernant deux amis ramoneurs (!) : le premier a eu une relation sexuelle avec un client (alors qu'il n'est pas homosexuel), et le second fait un rêve persistant dans lequel David Bowie le regarde comme une femme (!!).

Les deux amis échangent avec leur compagne respective sur ces sujets lors de longues conversations lors desquelles toute une variété de sentiments d'une étonnante profondeur se font jour. La mise en scène, qui pourrait être statique, se réinvente constamment, à l'image de la première scène lors de laquelle la caméra pivote doucement dans un somptueux mouvement.

Haugerud introduit également dans son récit de curieux évènements, qui apportent au film une tonalité d'étrangeté poétique : une maladie de peau erratique, un attrape-rêve suspendu, une thérapeute qui soliloque sur Hannah Arendt. Toutes choses qui semblent amplifier et faire résonner la sourde interrogation qui constitue l'épine dorsale du film : quelle est la véritable nature du désir, et plus largement peut-être, qu'est ce que la masculinité ?

Ainsi, ce qui ne paraît être de prime abord qu'une anecdote salace s'avère au final une profonde interrogation existentielle.

Une superbe conclusion à la trilogie, qui place Haugerud parmi les grands.

La trilogie d'Oslo sur Christoblog : Rêves - 2025 (**) / Amour - 2025 (***)

 

3e

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Left-handed girl

Pour ceux qui aiment le cinéma asiatique, ce premier film de la réalisatrice thaïlando-taïwananise Shih-Ching Tsou est immanquable.

Tout ici respire en effet l'Asie dans ce qu'elle produit de meilleur au cinéma : l'attention aux laissés pour compte (comme dans le cinéma chinois contemporain), les fines descriptions de relations familiales et un scénario retors (comme chez Kore-Eda), la plongée en apnée dans la vie de la rue (comme chez le Philippin Brillante Mendoza), une capacité à faire vibrer les enfants à l'écran (comme chez le génial Edward Yang).

La chronique du retour en ville de cette mère et de ses deux filles est palpitante dans la diversité de ses tonalités : chronique tendre, critique sociale impitoyable, tableau de la féminité à trois âges différents, thriller psychologique. J'ai été captivé par l'évolution de ces trois personnages, filmés par une caméra alerte et inspirée.

La réalisatrice étant la compagne et la collaboratrice de longue date de Sean Baker, on n'est pas étonné de retrouver dans Left-handed girl quelques qualités du réalisateur d'Anora (qui est ici aussi producteur) : une merveilleuse façon de s'intéresser aux femmes, un sens de l'humour aiguisé et une crudité sans tabou.

Un des meilleurs films à voir en ce moment.

 

3e

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Libre échange

Le nouveau film de Michael Angelo Covino met en scène le même duo d'acteurs que son film précédent, à savoir lui-même et son alter ego mal dégrossi, Kyle Marvin.

Malheureusement, le ton de comédie douce amère qui faisait le charme de The climb est ici abandonné pour celui d'une pétaradante chronique qui frôle le burlesque, dopée par les prestations très physiques de Dakota Johnson et Adria Arjona.

Après un début plutôt drôle, Libre échange se mue en une chronique poussive de l'apprentissage de l'amour libre par deux couples américains bien sur eux : les choses ne vont pas se bien passer (quelle surprise !), la nature humaine, ou plutôt la jalousie masculine, reprenant vite le dessus sur les bonnes intentions libertaires.

Le film s'avère être une sorte de vaudeville épicé, dans lequel les péripéties s'accumulent sans vraiment imprimer notre mémoire, comme une sorte de codicille modernisé à tout un pan de la culture de l'adultère, de Marivaux à Woody Allen. La psychologie des personnages est ramenée à des sentiments basiques sans aucune profondeur.

On s'ennuie un peu, on ne rit pas beaucoup, et à la fin du film, dont une des qualités est tout de même d'être parfaitement rythmé, on oublie quasi instantanément ce qu'on vient de voir.

Michael Angelo Covino sur Christoblog : The climb - 2020 (***)

 

2e

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Renoir

Le cinéma de la réalisatrice japonaise Chie Hayakawa a quelque chose d'évanescent : son pointillisme teinté de fantastique crée de douces atmosphères vaporeuses, et parfois malsaines.

Renoir dresse ainsi le portrait de Fuki, petite fille de onze ans abandonnée à elle-même : son père est en train de mourrir, et sa mère est absente.

Fuki s'occupe comme elle peut, écrit des textes dans lesquels elle rêve de tuer ses parents, se fait des amis, tombe amoureuse d'un pédophile, et regarde la télé. Toutes ces activités sont placées sur un même plan, filmées avec sensibilité, mais sans relief, ne générant aucune empathie.

Vous l'avez compris, malgré d'indéniables qualité de mise en scène, je n'ai pas trop accroché à ce tableau vaporeux d'une époque peu avenante (les années 80 au Japon), desservi par une écriture approximative.

 

2e

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Nino

Ce premier film est aussi l'un des meilleurs films français de l'année à mes yeux.

Le sujet pourrait être dramatique. On peut le révéler car c'est l'objet de la première scène : Nino apprend qu'il est atteint d'une maladie grave, et qu'il doit commencer au plus tôt un lourd traitement qui va entraîner de lourdes conséquences.

A partir de ce point de départ pas très gai, la réalisatrice Pauline Loquès réussit un film étonnamment lumineux et apaisant. Il y a une sorte de magie dans sa façon de transformer les émotions en sentiments profonds et délicats, dans un Paris qu'on a l'impression de redécouvrir le temps d'un week-end, à travers l'oeil bienveillant de la caméra.

Pour réussir ce tour de force, il faut un acteur exceptionnel, et c'est peu dire que la prestation du Canadien Théodore Pellerin est ici renversante, empreinte de tout ce que le cinéma français d'auteur peut offrir de meilleur : de la délicatesse, des émotions, de la justesse, le tout baignant dans une sorte d'humour poétique.

Parmi les atouts du film, il faut également citer les belles prestations de Jeanne Balibar (la mère), de Mathieu Amalric qui fait une apparition délicieusement décalée, et surtout de William Lebghil, égal à lui-même dans le rôle "du meilleur pote qu'on puisse avoir".

Un film à voir absolument.

 

3e

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The insider

Passé relativement inaperçu lors de sa sortie en mars dernier, le dernier film de Steven Soderbergh rappelle combien ce dernier peut être un cinéaste élégant et efficace.

Il nous offre ici une sorte de Cluedo d'espionnage stylé : six personnes dont un couple, et un traitre parmi ces six personnes. Sur cette base minimaliste, le cinéaste américain tisse une intrigue aiguisée comme un rasoir, dans laquelle tout le monde soupçonnera tout le monde, et qui trouvera une résolution brillante et alambiquée, mitonnée par le scénariste David Koepp.

Dans ce jeu des ombres millimétré, le couple Cate Blanchett / Michael Fassbender fait merveille, affichant avec décontraction une classe imparable.

Le film est court (1h30), sec et hyper-stylé, doté d'une photographie étonnante et très typée (arrière-plans très flous, couleurs ternes, halos de lumières artificielles). L'ensemble est plaisant, ouvrant quelques fenêtres originales sur les thèmes préférés de Soderbergh, notamment celui des confessions sexuelles salées, déjà abordé dans son premier film, Sexe, mensonge et vidéo.    

Une bonne soirée.

Steven Soderbergh sur Christoblog : Che (l'Argentin) - 2009 (*) /  Contagion - 2011 (*) / Effets secondaires - 2013 (****) / Ma vie avec Liberace - 2013 (***) / Logan Lucky - 2017 (**) 

 

2e

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La femme qui en savait trop

J'aime beaucoup le cinéma iranien, dont je ne rate pratiquement aucun film visible en France, et j'apprécie aussi beaucoup le talent de scénariste de Jafar Panahi.

J'étais donc conditionné à aimé le film de Nader Saeivar, habituel collaborateur de Panahi.

Malheureusement, malgré quelques qualités caractéristique des films iraniens (une attention aux détails de la vie quotidienne, une minutieuse exploration de la psychologie des personnages, un suspense autour d'un cas de conscience), j'ai trouvé qu'ici la sauce ne prenait pas, principalement par la faute d'un scénario "à trous", qui par ailleurs ne ménage aucune surprise. 

Il y a dans La femme qui en savait trop (un titre qui ne correspond pas vraiment au contenu du film) beaucoup de carences dans ce qui est raconté : que devient la fille après la mort de sa mère ? pourquoi est elle à l'hôpital ? pourquoi personne ne parle du corps de la femme ? peut on vraiment confondre le cadavre d'un homme et d'une femme ? ... je pourrais multiplier presque à l'infini les faiblesses d'une narration qui perd de ce fait finalement en intensité.

Restent un merveilleux portrait de femme (Maryam Boubani, très convaincante), le beau personnage du fils, impressionnant par sa densité de bêtise servile, et un tableau nécessaire de la précarité de la condition féminine en Iran.

Le dernier plan du film, outre le fait qu'on ne comprend pas ce la fille met dans la bouteille, est franchement maladroit par son onirisme benêt.

Une déception.

 

2e

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Fils de

Le premier film de Carlos Abascal Peiró, ancien journaliste, résonne curieusement avec l'actualité : il s'agit en effet dans le film de ... trouver un premier ministre !

Les candidats sont nombreux mais traînent tous plus ou moins une casserole (réelle ou montée de toute pièce par leurs adversaires) qui empêche leur nomination.

Le style du jeune cinéaste est sur-vitaminé, entraîné par une caméra sous acide et une succession de réparties bien senties et de gags dont beaucoup sont assez drôles.

On se n'ennuie pas une seconde, et fort heureusement le rythme effréné du début du film (une scène de fête tellement agitée que les dialogues en sont à peine audibles) se calme un peu pour ménager quelques jolies scènes dont François Cluzet est le centre, personnage plus doux que tous les autres.

On est ici dans le domaine de la parodie poussée à son extrême, les tares du monde politique étant exposées tour à tour, avec une acuité cruelle parfois délicieuse (je pense à l'allocution mielleuse de la candidate qui parsème ses propos d'un nombre incalculable de citations).

Un divertissement plaisant qui donne un coup de jeune à la comédie française.

 

2e

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Marco, l'énigme d'une vie

En visionnant Marco, l'énigme d'une vie, je n'ai pu m'empêcher de penser à un autre film espagnol récent, L'affaire Nevenka.

Les deux films ont en effet de nombreux points commun : ce sont des reconstitutions soignées de faits réels, se situant dans un passé proche, mettant en scène des personnages masculins peu reluisants, se développant sur le temps long, et sans effet de mise en scène particuliers.

Mais si Iciar Bollain nous faisait partager les épreuves traversées par Nevenka comme dans une palpitante fiction, les deux réalisateurs Aitor Arregi et Jon Garaño  ne parviennent pas ici à faire décoller vraiment leur film, qui jusqu'à la fin n'arrive pas à paraître autre chose qu'un documentaire-fiction scolaire, certes très bien fait mais ne générant aucune empathie.

Dans cette histoire incroyable d'un Espagnol ayant prétendu faussement avoir été déporté dans un camp de concentration, il nous manque quelques clés psychologiques pour que le film soit vraiment captivant : on ne comprendra jamais vraiment pourquoi Enric Marco a inventé cette histoire.

Reste tout de même l'intérêt documentaire de l'histoire à propos de la déportation de nombreux Espagnols durant la seconde guerre mondiale, qui justifie qu'on regarde tout de même Marco, l'énigme d'une vie.

 

2e

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