A l'occasion de la sortie en DVD chez Epicentre Films de Baby, du réalisateur Marcelo Caetano, je vous propose de gagner le DVD du film.
Pour ce faire :
- Répondez aux questions suivantes:
1) Quelle est la nationalité du réalisateur ?
2) Quelle est le prénom de l'acteur jouant Baby ?
3) De quel film sont inspirés les couleurs de l'appartement figurant dans le film ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le toutpar iciavant le 17 juillet, 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite le DVD envoyé par le distributeur. NB : un des trois DVD sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien).
Ce nouveau film des frères Nasser, tourné en Jordanie, nous projette dans la vie quotidienne de Gaza, loin de toute actualité politique.
Passé le début du film, dont on ne comprendra la teneur que bien plus tard, on suit tout d'abord un couple d'amis dissemblables et attachants : un étudiant rêveur et une petite frappe à la grande gueule (et au grand coeur).
Entre polar noir et chronique sociale tendre, le film semble chercher sa voie. Sa petite musique jazzy, son rythme nonchalant et son absence totale de propos politique déstabilisent le spectateur, qui sera encore plus surpris de découvrir l'évolution de l'histoire dans la deuxième partie.
Once upon a time est à l'évidence tourné avec peu de moyens : c'est à la fois son charme et sa limite. Suivant votre humeur vous pourrez être séduit par la fable morale piquante qu'il nous propose, ou déçu par ses faiblesses d'écriture et son rythme velléitaire.
Comme le film est court (1h30) et la proposition originale, le risque que vous prenez n'est toutefois pas très grand.
Les frères Nasser sur Christoblog : Gaza mon amour - 2021 (**)
Voici un joli succès inattendu qui montre une fois de plus la puissance du bouche à oreille en France.
Rien de susceptible d'attirer les foules dans cette adaptation d'une courte nouvelle de Stephen King : pas de stars à l'écran, un réalisateur surtout connu des amateurs de séries horrifique de qualité (Mike Flanagan), une construction un peu compliquée qui peut perdre le spectateur et enfin un sujet pas folichon (en gros, la mort).
Lancé le 11 juin sans beaucoup de promotion, Life of Chuck est pourtant en train de dépasser les 200 000 spectateurs, gagnant même des spectateurs lors de sa troisième semaine d'exploitation, un fait rarissime.
Si le succès est au rendez-vous, c'est probablement grâce à l'écriture millimétrique du scénario et à l'atmosphère de surréalisme poétique qui baigne la première partie du film. Cette introduction qui se situe dans un futur lointain entremêle avec brio préoccupations environnementales, drame intime et fantastique éthéré. C'est du grand art.
Dans les deux parties suivantes, qui nous ramènent à rebours vers le présent, tous les éléments curieux de la première partie trouvent une explication rationnelle, à travers une histoire de vie qui peut parler à chacun d'entre nous et qui évoque des thèmes universels (la mort, l'amour, le goût de la vie). Comme tout cela est fait avec beaucoup de pudeur et de retenue, on se laisse complètement embarquer dans la vie de Chuck, qui pourrait être la nôtre.
L'art de Flanagan (qui consiste à marier à la perfection les effets surnaturels à la trame intime des sentiments) entre en parfaite résonance avec celui de King, dont il n'est pas très éloigné.
Un beau film que je conseille vivement, qui parvient à mêler émotions et stimulation intellectuelle, ce qui n'est pas si courant.
Certains films valent avant tout pour leur sujet. C'est assez rare, mais lorsque cela est le cas, le résultat constitue souvent un excellent moment de cinéma, qui mêle plaisir de la découverte et satisfaction de la curiosité assouvie.
En l'occurence il s'agit de relater comment le fameux concert de Keith Jarett à Cologne (toujours le disque de jazz solo le plus vendu à ce jour) est le fruit de la conjonction de l'obsession d'une jeune fille rebelle (Mala Emde, formidable) et du génie d'un musicien hors norme (John Magaro, acteur récurrent chez Kelly Reichardt, très convaincant en Keith Jarett tourmenté).
Le scénario de Au rythme de Vera entretient de façon diabolique le suspense (on sait que le concert se tiendra, et on est pourtant suspendu au chapelet de péripéties que le film déroule). Il varie aussi les points de vue, offrant le tableau poignant d'un artiste possédé par son art, puis se permettant un petit cours d'histoire du jazz face caméra, animé par un journaliste couvrant l'évènement.
En multipliant les points de vue et en s'attardant parfois sur de beaux personnages secondaires, le réalisateur israélien Ido Fluk n'hésite pas à multiplier les changements de rythme : c'est osé et souvent parfaitement réussi.
La bonne surprise de ce début d'été : un pur moment de plaisir, débarrassé de toute préoccupation esthétique.
Tirée du roman d'Amélie Nothomb qui raconte sa (toute) petite enfance au Japon, le film de Mailys Vallade et Liane-Cho Han est surprenant.
Si sa technique d'animation est assez simple (voire simpliste), le choix des couleurs est résolument original, fournissant des visions radicales, qui peuvent osciller entre des environnements éclatants de couleurs vives, des tableaux pastel et des scènes d'apparences beaucoup plus réalistes.
Le film se distingue aussi par une écriture extrêmement recherchée (je pense par exemple à la scène de cuisine lors de laquelle Nishio-San raconte son enfance et la guerre) et une mise en scène sophistiquée.
Le tout parvient à faire émerger assez rapidement de puissantes émotions, et il st difficile de ne pas avoir les yeux humides à certains moments du film. Peut-être un peu trop sérieux pour les tout-petits (on y parle de mort, de guerre, de tristesse) et un peu trop enfantin (en apparence) pour certains adultes, le film ne trouvera peut-être pas son public : ce serait dommage, car Amélie et la métaphysique des tubes est un film d'animation très réussi.
Voici le film "de Laurent Cantet, réalisé par Robin Campillo", suite à la mort de son ami.
Le résultat est étonnamment situé exactement à mi-chemin des univers des deux réalisateurs : fine chronique sociale et rapports de classe intra-familiaux côté Cantet, trouble homoérotique et éveil des désirs physiques (sexe, danse) côté Campillo.
Le début d'Enzo bénéficie de cette ambigüité pour installer une ambiance à la fois solaire et inquiétante, qui attise le désir du spectateur. Malheureusement, une fois le cadre posé, le film piétine un peu dans son entre-deux thématique : les personnages des parents et du frère sont sacrifiés et dessinés de façon caricaturale, le sujet de la guerre en Ukraine est survolé et semble servir de faire-valoir, le jeu limité d'Eloy Pohu ne contribue pas à développer son personnage de façon intéressante. Dans sa deuxième partie, Enzo pêche par manque d'incarnation et de réalisme (la scène de la chute).
Je suis donc devenu assez rapidement extérieur au film lui-même, regardant avec indifférence le témoignage d'affection de Campillo pour son pote, estimable, mais un peu artificiel.
Loveable m'amène à me poser une question simple : peut-on faire un bon film avec un personnage principal antipathique ?
Et ma réponse est résolument négative dans ce cas d'espèce. Les états d'âme de Maria sont très communs : elle a du mal à gérer ses enfants et sa vie professionnelle. OK. C'est probablement le sort de plus de la moitié de la population mondiale féminine, mais dans le cas de Maria, cela semble insurmontable.
Assez terrible en tout cas pour décider de partir (puis le regretter), de regarder dans le vide pendant plusieurs minutes (des heures en temps ressenti par le spectateur), d'aller voir une psy (qui l'invite à dormir, à court d'arguments thérapeutiques peut-être), de régler quelques comptes avec sa mère (très mal jouée), de se faire larguer une deuxième fois (par un mari trop beau et trop lisse pour être crédible, même si on lui donne instinctivement raison), puis de rembarrer une amie sincère.
J'ai personnellement voué une sincère animosité envers le personnage joué par l'actrice Helga Guren, jamais à court d'expédients grotesques (grimaces devant le miroir, torsions acrobatique de la bouche et dos tristement vouté), servis il est vrai par un scénario et une mise en scène ne reculant devant aucune facilité (artiste de rue chantant "Ne me quitte pas" juste après la scène de séparation, scènes rejouées maladroitement, fin ouverte irrésolue).
C'est une catastrophe dont je ne m'explique pas le succès critique. Pas aimable, du tout.
Au vu de sa famélique distribution en France, peu de personnes verront ce film indien et on peut le regretter.
Sans son exposition à la Quinzaine des Cinéastes 2024, il est même peu probable que ce film féministe et fantastique ait pu trouver le chemin des salles françaises.
Le film commence comme un documentaire sur l'Inde, mais on se rend rapidement compte que quelque chose ne va pas : les personnages se meuvent mécaniquement (on songe à Tati ou à Kaurismaki), la bande-son punk-rock détonne, et on se dit que tout cela ça trop loin quand l'héroïne commence à manger les animaux vivants, qui reviennent ensuite sous forme de marionnettes fantômes (?!).
Dans sa seconde partie, Sister midnight n'est plus très tenu, et tout part subitement en vrille, entre chronique d'une libération féminine par le corps et road movie initiatique.
Même si la fin est un peu décevante, le film de Karan Kandhari possède vraiment une patte particulière, entre univers pop coloré et Cronenberg hindi : il faudra suivre ce cinéaste.
Passé relativement inaperçu lors de sa sortie fin 2024, ce beau film espagnol mérite d'être regardé à l'occasion de son arrivée sur Canal+.
Tiré d'une histoire vraie, il décrit avec une précision chirurgicale l'histoire d'une jeune femme victime de harcèlement sexuel dans les années 90, et qui décida de porter plainte. D'une certaine façon, L'affaire Nevenka est donc une sorte de vestige du temps passé, préfigurant avec une acuité étourdissante ce que le mouvement Metoo mettra en lumière des décennies plus tard.
Le film est remarquable par la qualité de son écriture. Le scénario prend le temps de mettre en place tous les éléments du crime : le mécanisme de séduction, les affres de l'emprise, le sentiment de culpabilité, la pression sociale, les hésitations intimes, la souffrance psychologique, le machisme ambiant, les rouages du monde politique, l'intelligence machiavélique de l'agresseur. Les deux principaux protagonistes (Mireia Oriol et Urko Olazabal) fournissent une prestation exceptionnelle d'intensité, dans des registres très divers.
Icíar Bollain confirme ici ses qualités de réalisatrice sensible et efficace, qui m'avaient séduit dans son précédent film. Un peu à l'écart des grands festivals, elle mérite une plus ample reconnaissance.
Jeunes mères marque un double tournant dans la filmographie des frères Dardenne. Il s'agit en effet pour eux de suivre ici pour la première fois tout un groupe de personnages, et non plus un ou deux en particulier. Et surtout, le ton est ici beaucoup moins doloriste (certains diraient sadique) que dans les derniers films du duo belge.
On suit quatre jeunes filles hébergées dans une maison maternelle, qui s'apprêtent à devenir mère et vivent des situations familiales et sentimentales délicates. Garderont-elles leur enfant où recourront-elles au placement : c'est une des questions principales qu'aborde Jeunes mères, avec toutefois moins d'intensité que Pupille.
Le résultat est contrasté, du fait de deux éléments. La prestation de chacune des actrices est d'une qualité très variable : Elsa Houben (Julie) crève l'écran, alors que Lucie Laruelle (Perla) semble un peu à la peine. Les contextes familiaux et l'intensité des personnages secondaires sont aussi d'un intérêt très hétérogène : l'histoire d'Ariane et de sa mère possède une intensité dramatique bien supérieure aux trois autres.
Mon avis est au final plutôt positif, car Jeunes mères "rafraîchit" en quelque sorte de cinéma des Dardenne dont les derniers développements m'exaspéraient par leur dialectique sans surprise.
Le prétexte du Répondeur (un écrivain recrute un imitateur pour répondre à sa place à tous les appels téléphoniques qu'il reçoit) peut laisser perplexe, tant il semble invraisemblable.
Pourtant, la réalisatrice Fabienne Godet parvient à nous faire entrer dans cette histoire par la grâce d'une écriture millimétrique et d'une excellente direction d'acteur.
Denis Podalydès est plutôt très bien dans un rôle qu'il joue en retenue, mais c'est surtout Salif Cissé qui crève l'écran. On l'avait déjà vu dans beaucoup d'excellents films (Juliette au printemps, mais surtout le formidable A l'abordage de Guillaume Brac), et il est ici une nouvelle fois parfaitement convaincant, imposant son physique massif et sa douceur raisonnable avec un naturel charmant.
On passe donc au-dessus des quelques facilités, des seconds rôles un peu faibles et de la morale attendue du film, pour simplement passer une bonne soirée, amusante et parfois touchante.
De retour dans ce merveilleux festival, si jeune, convivial et cosmopolite. C'est toujours un plaisir immense de retrouver les petites manies d'avant-séance : ses "lapin !", ses vols d'avions en papier, ses bruits d'eau et ses "il va faire tout noir" (ceux qui connaissent comprendront).
Je commence cette année avec une superproduction chinoise des studios Winsing, Into the mortal world(3/5), d'une qualité technique tout à fait digne des productions américaines. L'animation 3D est parfaite, le film inclut les petites bêtes fétiches toutes mignonnes et le scénario est très ambitieux : il s'agit pour résumer d'un conflit entre dieux qui trouve un prolongement sur Terre. L'ensemble est spectaculaire mais j'ai trouvé qu'il y manquait l'émotion et un peu de clarté. Le scénario est tiré d'un conte chinois et présente l'intérêt de nous initier à plusieurs aspects de la culture chinoise. Je poursuis mon expérience asiatique avec l'excellent ChaO (4/5), des studios japonais Studio4°C. Le réalisateur Yasuhiro Aoki parvient à nous charmer avec un dessin extrêmement poétique (qui rappelle les aspects les plus oniriques de Miyazaki), une mise en scène imaginative et un scénario délicieux. Une franche et belle réussite, qu'on pourra découvrir dans les salles françaises puisque le film a un distributeur, Eurozoom.
Fin de journée dans la grande salle Bonlieu pour la présentation de Planètes (3/5), le film-ovni de Momoko Seto, dont les quatre personnages sont des akènes de pissenlit voyageant de planète en planète. Sans parole, le film parvient à rendre l'épopée de ces aimables végétaux palpitante, mélangeant animation douce et prises de vue réelles. Dans ce film hors norme, chevaucher une limace devient une aventure. Présenté en clôture de la Semaine de la Critique à Cannes, Planètes sera à coup sûr un des films d'animation à voir dans les mois à venir (sortie prévue en avril 2026).
13 juin
Deuxième journée au Festival avec un film allemand en stop motion, Memory Hotel (2/5). Le réalisateur Heinrich Sabl est présent dans la salle, visiblement très ému. Il nous dit que le film représente 20 ans de sa vie. Malheureusement, le résultat est trop confus pour être vraiment plaisant. Le sujet est ardu (le sort tragique d'une jeune allemande pris au piège d'un hôtel lors de l'arrivée de l'Armée Rouge), aucun des personnages n'est vraiment attachant, le style est difficile d'accès (un Wes Anderson expressionniste, si vous pouvez imaginer). C'est ambitieux, mais cela n'entraîne aucun plaisir.
Amélie et la métaphysique des tubes (3/5) est beaucoup moins ambitieux, mais bien plus réussi. Tiré d'un récit d'Amélie Nothomb, le film raconte la toute petite enfance de l'écrivaine au Japon. L'animation est sage et sans aspérité, les couleurs pastels sont kawaï, le scénario joue la corde sensible à bon escient et j'ai été finalement charmé par cette évocation des tourments de l'enfance. La petite Amélie est craquante. Mon questionnement est de savoir à quel public s'adresse le film : un peu trop sérieux pour les enfants (on y parle de Dieu, de la mort, de la guerre), et peut-être un peu trop "mignon" pour les adultes.
A l'occasion de la sortie en DVD chez Epicentre Films de Young Hearts, du réalisateur Anthony Shatteman, le 17 juin 2025, je vous propose de gagner le DVD du film.
Pour ce faire :
- Répondez aux questions suivantes:
1) Quelle est la nationalité du réalisateur ?
2) Quelle sont les prénoms des deux personnages du film ?
3) Dans quel grand festival le film a t il reçu un prix ?
- joignez votre adresse postale
- envoyez moi le toutpar iciavant le 17 juin, 20 h.
Un tirage au sort départagera les gagnants. Vous recevrez ensuite le DVD envoyé par le distributeur. NB : un des trois DVD sera attribué par tirage au sort à un participant ayant aimé ma page FB oumon compte Twitter ou s'étant abonné à la Newsletter du blog (n'oubliez pas pour participer à ce tirage au sort spécial de me donner votre pseudo dans votre réponse, pour que je fasse le lien).
Il y a quelque chose de désarmant dans le cinéma de Cédric Klapisch : une candeur qui ne devient jamais lourde, servie par une foi immense dans le pouvoir du cinéma.
Dans cette improbable histoire qui mêle préoccupations contemporaines et plongée rétro dans le XIXème siècle , il y a une réflexion diffuse, qui ne fournit pas la matière première du film : il s'agit d'un questionnement autour de la modernité, articulé autour de la permanence des sentiments.
Adèle se confronte en effet aux innovations de son temps (la photographie, l'impressionnisme), comme ses très lointains descendants (réseaux sociaux, solitude), mais trouve sa vérité en aimant, comme d'ailleurs le feront les lointains cousins du XXIème siècle. Dans le cinéma de Klapisch, il est finalement toujours question de liens.
Le film serait donc seulement une fantaisie kitsch vaguement sentimentale si le talent de Klapisch ne parvenait à la sublimer par des parallèles charmants et un montage parfois vertigineux. On prend au final un plaisir certain à suivre les évolutions d'un casting cinq étoiles, dans lequel j'ai envie de distinguer Suzanne Lindon, parfaitement à l'aise dans le rôle d'une jeune fille mal à l'aise, Cécile de France méconnaissable et un Paul Kircher qui me convainc ici totalement pour la première fois de sa jeune carrière.
Les Wes Anderson se suivent et se ressemblent malheureusement un peu trop .
Nous avons donc ici les recettes qui sont généralement mises en oeuvre par l'Américain : cadrage corseté, jeu sans expression des acteurs, décors stylisés, postures hiératiques, fétichisation d'objets kitsch et colorés.
La relative bonne nouvelle est que dans cet opus la stylisation à outrance s'efface un petit peu au profit d'émotions plus humaines : amour filial, peur de la mort, croyance en Dieu, trahison et rédemption. L'image est aussi un peu moins remplie à ras-bord que dans les deux derniers films, ce qui permet une meilleure respiration dans la narration.
Certaines scènes parviennent même à retrouver la légèreté rieuse et caustique qui semblait avoir déserté le cinéma d'Anderson : la scène de basket-ball est ainsi très réussie. Une sorte de gore bon enfant et revigorant est aussi de retour, par exemple dans la scène du premier crash.
The phoenician scheme est donc une relative réussite dans le genre "maison de poupée pour adulte" qui semble être devenu le style durable du cinéaste, style qui n'est pas mon préféré, vous l'aurez compris.
L'opus précédent de Mission Impossible m'avait beaucoup plu. J'avais apprécié son alacrité décomplexée, sa capacité d'aller droit au but et de proposer de nombreuses idées de scénario et de mise en scène.
Malheureusement, ce nouvel épisode est presque l'opposé du précédent. L'action peine à démarrer (il faut attendre plus d'une heure pour que l'action débute vraiment, ... et le film dure 2h49), la lourdeur est plutôt de mise (avec force clin d'oeil aux autres épisodes) et les scènes d'action sont moins enlevées que celle du train dans MI7.
Les choses se débloquent un peu avec une séquence sous-marine plutôt réussie, qui rappelle plus l'ambiance magique du Abyss de James Cameron que les galipettes habituelles de Tom Cruise. La grande scène finale est une cascade aérienne certes impressionnante dans des décors sublimes, mais dépourvue de véritables enjeux dramaturgiques.
Le film se complaît par ailleurs dans une sorte de gloubi-boulga de bons sentiments et de considérations à tendance scientologique qui m'a laissé complètement froid.
Le film d'ouverture du Festival de Cannes 2025 nous rappelle une évidence : le propre du bon cinéma est avant tout de générer des émotions chez les spectateurs.
Partir un jour, de ce point de vue-là, est un beau et grand film. On y rit d'abord franchement, du fait d'une écriture très subtile et précise d'une part (le carnet du papa, la partie de Times Up et le cas "Dupond"), et grâce au don comique intrinsèque de plusieurs acteurs et actrices du casting d'autre part, Dominique Blanc et François Rollin en tête.
Amélie Bonnin parvient aussi à distiller tout au long de son film une profonde émotion, générée par la confrontation des lignes de vie qui ont existé, et de celles qui auraient pu exister. De cet enchevêtrement de possibilités avortées et d'espoirs renouvelés, sourd une douce mélancolie, qui parvient à n'être jamais triste.
Il faut ajouter à toutes les qualités du film une capacité rare à décrire un milieu social de province pas très favorisé sans misérabilisme (les restaurants pour routiers, belles métaphores pour une histoire de départ et de retour). Pour colorer ce tableau riche et complexe (on pourrait y ajouter plusieurs autres thématiques, comme la cuisine et la maternité), la réalisatrice choisit d'essaimer quelques chansons populaires fredonnées par les personnages, mais ce choix ne fait pas de Partir un jour une comédie musicale. Chaque passage de ce type agit plutôt comme un exhausteur de goût, qui relève avec mesure ce qu'on vient de voir.
Chaque grand film comprend une scène emblématique, et je dois dire que cela faisait bien longtemps que je n'avais éprouvé aussi violemment le sentiment d'allégresse que me procure une scène parfaitement réussie : il s'agit bien sûr ici du souvenir de la patinoire, bijou d'écriture et de mise en scène.
Pour le dernier jour de cette année, on commence comme hier par une série de trois films en compétition. The history of sound (2/5) du Sud-Africain Oliver Hermanus, est un exercice de style propret, pas désagréable, mais qu'on oublie instantanément. Il s'agit d'une romance gay dans les années 1910/1920, avec de très belles images qui sentent un peu la naphtaline, et une sous-écriture des personnages qui oblige Paul Mescal et Josh O'Connor à d'impossibles contorsions pour exprimer quelques émotions.
Valeur sentimentale (3/5) de Joachim Trier, a été très bien accueilli sur la Croisette. On y retrouve Renate Reinsve pour, en quelque sorte, ajouter quelques chapitres de plus à Julie en douze chapitres, sur un mode bergmanien cette fois-ci. Je suis pour ma part un peu réservé : le film est certes très bien réalisé, mais j'ai trouvé qu'il peinait à générer véritablement de l'émotion, peut-être du fait de son côté très "entre-soi". L'intrigue met en effet en scène un réalisateur odieux et sa fille actrice de théâtre. Woman and child (5/5), de l'Iranien Saeed Roustayi, présente les mêmes qualités que son film précédent, Leila et ses frères. Cette histoire aux ramifications foisonnantes nous amènent à de terribles dilemmes moraux, comme d'habitude dans le cinéma iranien. Pour moi un prétendant au Palmarès, avec une réalisation au cordeau.
Pour finir, je glisse en salle Bazin pour une dernière séance d'Un Certain Regard. Homebound (3/5) de l'Indien Neeraj Ghaywan est une très jolie chronique à la Dickens, racontant la destinée d'un couple de jeunes amis musulmans issus d'une basse caste, tentant difficilement de s'élever socialement. C'est fort bien réalisé et le film présente un tableau saisissant de l'Inde en période Covid.
C'est tout pour cette année !
21 mai
Trois films en compétition à la suite pour commencer. Fuori (4/5) de l'Italien Mario Martone met en scène quelques souvenirs de l'écrivaine Goliarda Sapienza. Il ne s'agit pas d'un biopic de l'auteure du livre culte L'art de la joie, mais plutôt d'une chronique d'une sororité carcérale, filmée avec beaucoup de tact, dans une ambiance jazzy. J'ai beaucoup aimé ce film qui ne raconte rien, mais le fait avec talent.
Un simple accident (5/5) s'impose ensuite comme un prétendant naturel à la récompense suprême. Jafar Panahi signe ici certainement son chef-d'oeuvre : dilemme moral mi-thriller mi farce tragi-comique, il propose ici un film aimable en tout point. Le cinéma iranien, a qui la Palme a échappé de peu l'année dernière (pour Les graines du figuier sauvage), trouve ici une occasion rêvée d'accéder à une reconnaissance mondiale.
Romería (3/5), de la Catalane Carla Simon, présente dans la salle avec un beau ventre extrêmement rebondi annonçant un heureux évènement, est un joli film plein de poésie sur une thématique assez proche du film de Julia Decournau : les morts du Sida dans les années 80, et l'ostracisme dont ils furent les victimes. C'est sensible, avec un beau passage onirique, mais dramaturgiquement un peu léger. Il faudra suivre cette réalisatrice dans la durée.
La révélation de la journée, et peut-être du Festival tout entier, c'est un nouvel acteur (Théodore Pellerin) et une nouvelle réalisatrice (Pauline Loquès), qui proposent ensemble un premier film remarquable, Nino (5/5), errance parisienne d'une jeune homme qui vient d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer. Le film est d'une beauté et d'une douceur à couper le souffle. A ne pas rater, quand il sortira.
20 mai
Début de matinée avec le nouvel Wes Anderson, The phoenician scheme (3/5), plus vivant que les dernières productions de l'Américain. Le film ressemble moins à une recette désincarnée qu'Asteroide City ou The french dispatch, introduit quelques émotions bienvenues et des effets plutôt réjouissants. Un bon cru.
Splitsville (2/5) de Michael Angelo Corvino (dont j'avais aimé The climb) déçoit. Il s'agit d'une histoire de couples "libres", qui bien sûr vont se rendre compte que la jalousie existe encore, malgré les bonnes résolutions. Un marivaudage inconséquent et qui semble d'une autre époque, comme du Woody Allen de nouveaux riches. Once upon a time in Gaza (3/5) est une fiction des frères Nasser qui se situe dans le Gaza des années 90 : une fable morale mi-chronique sociale mi-film noir, qui m'a plutôt convaincu (de justesse), malgré l'extrême légèreté de son scénario.
Retour à la compétition pour deux gros morceaux. Avec Les aigles de la République (4/5), Tarik Saleh conclut sa trilogie sur Le Caire d'une très belle façon. Ce thriller palpitant décrit le pacte faustien d'un célèbre acteur, qui a accepté de jouer le général Al-Sissi dans une production du régime. Entre drame et comédie, cette production à grand spectacle m'a ravi. Ce n'est malheureusement pas le cas d'Alpha (2/5) le nouveau film de Julia Ducourneau, que beaucoup considèrent sur la Croisette comme un accident industriel (il obtient la plus mauvaise note du classement journalier de Screen International, sorte de baromètre de la critique mondiale). Il y a peu d'idées nouvelles dans ce film, et elles sont toutes ratées. Seule à mon sens la prestation de Tahar Rahim, hallucinée et hallucinante, sauve le film d'un naufrage total.
19 mai
Deux comédies romantiques complètement dissemblables pour commencer la journée. Amour apocalypse (3/5) met en scène la romance d'un quadragénaire éco-anxieux francophone et d'une mère de famille standardiste anglophone au Québec. Le film d'Anne Emond est drôle et sympa comme tout à regarder. L'acteur Patrick Hivon, vu chez Dolan et Monia Choukri, est formidable. Changement absolu de décors avec Pillion (3/5), film britannique qui nous donne à voir une romance dans le milieu des bikers gays adeptes de pratiques BDSM... avec des scènes sexuelles assez crues qui ont fait sortir une partie de la salle. L'histoire est originale et je crois que c'est la première fois que je vois une relation sado-maso "épanouie" montrée ainsi au cinéma.
Intermède Un certain regard avec le premier film nigérian présenté à Cannes, My father's shadow (2/5), qui a pour thème le voyage d'un père et de ses enfants à Lagos, en 1993, pendant les émeutes qui secouèrent le pays. Je n'ai pas trop aimé le film qui est réalisé avec des tics auteuristes du cinéma européen. Pour dire la vérité, j'ai un peu dormi : c'est le coup de fatigue de milieu de Festival. Un petit repos bien mérité puisque m'attendait ensuite les 2h40 d'un des gros morceau de la compétition, L'agent secret (4/5) de Kleber Mendonça Filho. On tient là un film important, bien écrit, joué et réalisé, qui décrit avec brio les années 70 au Brésil et son lot de corruptions et magouilles. Le film regorge de thèmes, et sa partie finale est brillante. Il est toutefois à mon avis un peu trop long, même si finalement le temps ressenti n'est pas du tout de 2h40. Un candidat évident au Palmarès même si pour ma part j'ai préféré les audaces de Sirat et la concision sèche d'Un simple accident.
La journée marathon s'achève plaisamment avec La femme la plus riche du monde (3/5) de Thierry Klifa, inspirée de l'affaire Bettancourt avec une Isabelle Huppert parfaite et un Laurent Lafitte au top en goujat pique-assiette. Un film-champagne instructif et plus profond qu'il n'y paraît.
18 mai
La début de journée commence, une fois n'est pas coutume, par une comédie qui se fait plier la salle entière de rire. Baise-en-ville (4/5) de Martin Jauvat (qui s'est fait connaître avec la série Parlement) est une fantaisie douce et tordante, qui révèle le talent comique d'Emmanuelle Bercot, irrésistible. C'est acidulé, touchant, et gentiment amusant.
Le retour à la compétition est rude. Die, my love (1/5) de la britannique Lynn Ramsay est complètement raté. Jennifer Lawrence joue avec conviction une femme en pleine dépression post-partum, mais elle est desservie par un scénario indigent, des idées de mises scènes tape-à-l'oeil et une bande-son agressive. Le film ne raconte rien, et le fait mal. Changement total de ton une nouvelle fois au Cineum, où je découvre L'inconnu de la Grande Arche (3/5), de Stéphane Dumoustier, qui nous raconte comment Johan Otto von Spreckelsen a conçu et construit la Grande Arche de la Défense. Après The brutalist, un nouvel exemple qui prouve que l'architecture peut donner au cinéma de très beaux sujets. Le film bénéfice d'une distribution parfaite (un étonnant Xavier Dolan en fonctionnaire radin, Swan Arlaud et Claes Bang). Il est très plaisant.
Fin de journée à Debussy pour le nouveau film de Hlynur Palmason, L'amour qu'il nous reste (4/5). Cette chronique familiale d'un couple qui se défait et de leur trois enfants est merveilleusement tendre, sensible et inventive. On rit, on s'extasie devant la magnifique nature islandaise, on est touché par cette famille où tous sont intéressants. L'Islandais n'a pas son pareil pour décortiquer les sentiments et les relations avec une finesse rare, et une fantaisie nouvelle qu'on ne lui connaissait pas. C'est un très beau film, qui aurait mérité à mon avis d'être en compétition.
17 mai
Aujourd'hui retour à la compétition avec quatre films enchaînés dans le GTL. On commence la journée avec Eddington (2/5), qui a été plutôt mal reçu par la Croisette. Ari Aster compile tous les grands enjeux qui traversent l'Amérique aujourd'hui, du complotisme à Black Lives Matter en se moquant de toutes. De ce jeu de massacre idéologique qui se termine dans un feu d'artifice de violence gore, on ne sait trop ce qu'il faut retenir.
La petite dernière (3/5) confirme le talent d'Hafsia Herzi qui signe ici un film délicat sur le sujet d'être d'une musulmane lesbienne en banlieue. Le film, tiré de l'auto-fiction de Fatima Daas, est une sorte de Vie d'Adèle, sans le male gaze de Kechiche. Rien de bien original, mais une belle sensibilité. Renoir (2/5), de la Japonaise Chie Hayakawa est l'un des films les plus faibles de la compétition pour l'instant. Il s'agit du tableau impressionniste d'une petite fille qui perd son père dans le Japon des années 80. Sensible, mais un peu décousu et pour tout dire, ennuyeux.
Montée des marches en soirée pour le formidable Nouvelle vague (5/5) de Richard Linklater, qui raconte le tournage d'A bout de souffle. D'une facture très classique, tourné en noir et blanc, le film est un délice qui fait revivre cette époque et permettra certainement à beaucoup de comprendre parfaitement en quoi Godard était génial. Et en plus c'est très, très drôle. Tarantino et Lelouch, dans la salle, félicite chaudement Linklater.
16 mai
Grosse journée à cinq films aujourd'hui. Je l'avais laissée hier soir médecin, je retrouve Léa Drucker dans le nouveau film de Dominik Moll Dossier 137 (3/5), dans lequel elle joue un rôle très similaire de justicière du service public, en policier de l'IGPN. Le film est didactique, il documente de façon la plus objective possible le cas d'un blessé par flash-ball pendant les manifs de gilets jaunes. C'est efficace, mais pas sans lourdeur.
J'enchaîne avec le très beau Amrum (4/5) de l'Allemand Fatih Akin. Pour résumer, il s'agit du coming of age d'une jeune garçon très sympathique, par ailleurs membre des jeunesses hitlériennes, entre la mort d'Hitler et la capitulation de l'Allemagne. Amrum est prenant, instructif et sa photographie touche au sublime : une réussite. On se demande pourquoi le film n'est pas en compétition.
Deux déceptions ensuite. A pale view of hills (2/5), de Kei Ishikawa (dont j'avais beaucoup aimé A man) illustre d'une façon un peu trop sage le premier roman d'Ishiguro, en essayant d'en copier la structure cotonneuse et allusive, mais cela s'avère presque impossible au cinéma. Le film est beau à regarder, et pas inintéressant, mais trop brumeux pour que le spectateur y adhère vraiment. Le film d'animation de la Quinzaine, La mort n'existe pas (1/5) du Québécois Félix Dufour-Laperrière est une catastrophe : je n'ai rien compris à cette histoire de jeunes terroristes révolutionnaires qui veulent assassiner du bourgeois, perdus dans une forêt onirique où on dépèce des lapins. Et l'animation est affreuse.
Retour à la compétition pour Sirat (5/5) de l'espagnol Oliver Laxe, un premier prétendant sérieux à la récompense suprême. Sergi Lopez recherche sa fille dans le Sud marocain, en compagnie d'un petit groupe de ravers. Pas possible d'en dire beaucoup plus sans risquer de déflorer le film, un des plus prenants que j'ai vu ces dernières années, véritable voyage au propre comme au figuré, qui tient le spectateur en haleine de bout en bout.
15 mai
Au petit matin, je profite des conditions de projection exceptionnelles du Grand Théâtre Lumière pour voir Mission impossible : The final reckoning (2/5). Je trouve cet opus bien moins réussi que le précédent. Autant MI7 était rythmé et joyeusement spectaculaire, autant MI8 est lourdingue et poussif. Le film, qui dure 2h49, ne commence pour moi vraiment qu'au bout d'une heure trente. Deux scènes d'action pures (sous-marin et avion) méritent toutefois qu'on voie le film.
Retour à la compétition avec Deux procureurs (3/5) de l'Ukrainien Sergei Loznitsa, habitué de la compétition, et souvent récompensé. Le film est assez dur (il conte les déboires d'un jeune procureur idéaliste dans le contexte des purges staliniennes), mais formellement très beau. On peut voir le film comme un Wes Anderson kafkaïen, qui aurait abandonné tout fantaisie au profit d'une sobriété cruelle et glaciale.
Le moment de plaisir vient ensuite, avec le rattrapage du film d'ouverture. J'ai adoré Partir un jour (5/5), pour moi le meilleur film d'ouverture à Cannes depuis des années, parfaite comédie sociale, mêlant émotion et rire, sujets du moment et interrogations éternelles. L'aspect comédie musicale est accessoire : comme un exhausteur de goût, les chansons ne servent qu'à pimenter l'ensemble. Fin de journée un peu difficile avec L'intérêt d'Adam (2/5) de la Belge Laura Wandel, qui avait impressionné avec son premier film sur le harcèlement scolaire, Un monde. Le problème de celui-ci est que ses deux personnages principaux prennent mauvaise décisions sur mauvaises décisions, sans que l'on comprenne pourquoi. C'est frustrant. Et le procédé caméra à l'épaule / longs plans-séquences a été trop souvent vu pour sauver l'affaire. C'est raté.
14 mai
Comme j'en ai pris l'habitude depuis quelques années, le Festival commence pour moi avec le film d'ouverture de La Quinzaine des Cinéastes, dans la salle Croisette. Enzo (2/5) est le film que préparait Laurent Cantet quand il est décédé, et qu'a terminé son ami Robin Campillo. Le résultat est hybride du cinéma des deux compères (propos politique et coming of age gay), sans que le spectateur y trouve vraiment son compte, tant les intentions l'emportent sur l'incarnation. Malgré du lourd au niveau casting (Elodie Bouchez et Pierfrancesco Favino) je suis donc resté au bord du chemin.
Première montée des marches et premier film en compétition avec le très attendu Sound of falling (4/5) de l'Allemande Mascha Shilinski. Ce deuxième film est d'une ambition folle : il dresse pendant 2h29 les (tristes) portraits de femmes ayant vécu au fil des décennies dans une même ferme d'Allemagne de l'Est. C'est d'une qualité technique ahurissante, ça déborde d'idées de mise en scène et de scénario, mais c'est un poil trop complexe pour aller chercher la note maximale. Le film est difficile d'accès et certains le trouveront funèbre et froid.
Je glisse en début de soirée salle Debussy pour l'ouverture d'Un certain regard. Promis le ciel (3/5) de la franco-tunisienne Erige Sehiri, dont on avait découvert le premier film Sous les figues à la Quinzaine en 2022. Le film décrit le sort des immigrées sub-sahariennes en Tunisie à travers trois femmes très différentes. La belle photographie, la spontanéité réjouissante du casting en partie non-professionnel et la subtilité du propos rendent Promis le ciel agréable à suivre. L'équipe du film est aux anges, et Camelia Jordana est dans le public.
D'un point de vue cinéma, c'est le degré zéro : des interviews face caméra, avec entre elles des images de "remplissage" (coucher de soleil, homme qui fait cuire des maïs sur le front de mer, images de JT, dessin animé assez grossier).
Le destin de ce médecin est certes remarquable (il a perdu trois filles et une cousine lors d'un bombardement israélien), mais la dramatisation de la tragédie qu'il a vécu au sein-même du film m'a gênée. On a par exemple droit à des cartons, conditionnant ce que nous voyons à un compte à rebours macabre (3 jours avant la tragédie) : de quoi exciter notre curiosité malsaine sur le thème de : Qui va mourir ? Qui va survivre ?
Finalement, cette mise en scène ostentatoire du malheur n'atteint pas son but, au contraire : je n'ai pas été ému du tout.
De plus, et ce n'est peut-être pas très politiquement correct de le dire, mais l'optimisme un peu béat du docteur et sa façon de "marketer" le drame dont il a été victime (il est tout fier que son livre ait été traduit en ... 23 langues !) ne le rend pas sympathique, au contraire. Il finit par énerver, ce qui est un comble, au regard de son malheur.
Enfin le film est déphasé par rapport à l'actualité brûlante, puisque Israel fait depuis encore pire, ce qui est un peu gênant.
The gazer est une curiosité de la Quinzaine des cinéastes 2024.
Le réalisateur Ryan J. Sloane se fend ici d'un hommage appuyé au cinéma des années 70 : trip nocturne, 16 mm au gros grain, équipe de tournage très réduite, ambiance de polar paranoïaque, lumières blafardes.
Le propos du film est original : il montre comment une jeune femme atteinte d'une maladie dégénérative lui faisant perdre la mémoire immédiate se retrouve impliquée dans une sordide affaire de meurtre. Elle doit constamment s'enregistrer elle-même à l'aide d'un vieux magnétophone pour garder trace de ce qu'elle vit.
La progression de sa quête se fait donc à l'ancienne, sans portable, et Frankie, jouée par la l'excellente Ariella Mastroianni (aucun rapport avec Marcello) doit donc progresser sur la base d'une stricte appréciation de la réalité. Réalité qui par ailleurs se délite en partie sous ses yeux, le réalisateur parvenant subtilement à nous rendre sensible les distorsions que le cerveau de Frankie éprouve.
Tout n'est pas palpitant dans The gazer, le film souffrant par moment d'une certaine nonchalance arty, mais la démarche est intéressante. Un film de cinéphile pour cinéphiles.