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Christoblog

Le lycéen

Autant le cinéma de Christophe Honoré peut parfois m'emporter dans des élans d'enthousiasme difficilement maîtrisables (Les chansons d'amour, Chambre 212, Guermantes) autant il peut me laisser complètement froid, comme c'est le cas ici.

Le sujet du film est Honoré lui-même, puisque le lycéen, c'est lui, transposé de Rennes à Chambéry, de façon à ce que les aspects autobiographiques soient moins pesants. Perte du père dans un accident de voiture et difficile travail de deuil, éveil de la sexualité, problèmes psychologiques et premières expériences parisiennes : c'est bien l'itinéraire du cinéaste qui est ici décrit, dans une sorte de complément à sa pièce de théâtre Le ciel de Nantes.

Pour Honoré cela doit être particulièrement touchant. Pour le spectateur, le spectacle n'est pas très captivant : Juliette Binoche n'est pas convaincante (la scène de l'annonce de l'accident est mal jouée par exemple) et le jeune acteur Paul Kircher ne brille pas par son charisme (il est même énervant par moment, sans que l'on sache si c'est à dessein). Vincent Lacoste quant à lui est très bien, dans un rôle moins sympathique que d'habitude.

Le ton du film, qui hésite entre plusieurs genres (porno soft gay, chronique provinciale, drame familial, récit d'initiation, tableau parisien), ne parvient jamais à être tout à fait juste, et laisse une impression d'inachevé. 

Pas le meilleur Honoré, loin s'en faut. 

Christophe Honoré sur Christoblog : Les chansons d'amour - 2007 (****) / La belle personne - 2008 (***) / Non ma fille, tu n'iras pas danser - 2009 (**) / Les bien-aimés - 2011 (****) / Métamorphoses - 2014 (***) / Plaire, aimer et courir vite - 2017 (***) / Chambre 212 - 2019 (****) / Guermantes - 2021 (****)

 

2e

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The earth is blue as an orange

Ce joli film ukrainien est sorti confidentiellement en juin de cette année.

Son sujet est original : nous suivons une jeune fille qui veut devenir cinéaste et tourne devant nous son premier film, qui raconte comment sa famille vit la guerre.

The earth is blue as an orange constitue donc une curieuse mise en abyme. On assiste aux préparatifs de tournages de scènes par la famille (installation des éclairages, relecture du scénario, répétitions), scènes qui ont été vécues en vrai par les protagonistes quelques jours auparavant.

Le procédé atténue la dureté de la situation, donne à réfléchir sur la puissance de l'art en général et du cinéma en particulier et finalement nous captive durant les 1h14 que dure le film, offrant quelques plans irréels, comme celui où de vrais soldats ukrainiens sont appelés à jouer dans le film à l'intérieur du film.

Les actrices (la famille ne comprend que des femmes adultes, les hommes ont disparus ou sont à la guerre) sont formidables d'optimisme réjouissant, et plusieurs situations sont profondément émouvantes. 

Irina Tsilyk est sans conteste une cinéaste à suivre.

 

2e

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Plus que jamais

Le thème de ce film n'est pas très original : l'annonce d'une maladie incurable qui touche Hélène (Vicky Krieps) va mettre à mal le couple qu'elle forme avec Mathieu (Gaspard Ulliel).

Sur cette base pas très marrante, Emily Atef réussit un film qui parvient à être souvent lumineux, par la grâce d'une échappée d'Hélène dans les fjords norvégiens, où elle rejoint un vieux monsieur lui-même gravement malade.

Beaucoup de sensibilité dans ce joli film, dont la qualité repose principalement sur la finesse de jeu des deux acteurs/trices principaux qui excellent tous les deux à explorer toute la palette des sentiments et des sensations : colère, amour, sensibilité, vertige métaphysique, jalousie, incompréhension, tristesse ...

La limpidité de la mise en scène et la lumière norvégienne confèrent à Plus que jamais une beauté diaphane qui rend le film diablement attachant. Le fait que la prestation de Gaspard Ulliel soit sa dernière apparition au cinéma ajoute à cette élégie un parfum triste et mélancolique.

A découvrir.

Emily Atef sur Christoblog : 3 jours à Quiberon - 2018 (**)      

 

3e

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Les Amandiers

On voit rarement un film qui présente autant de qualités.

Du point de vue de la narration, le récit est captivant, parvenant à maintenir en permanence un équilibre parfait entre dynamique de groupe et portraits individuels.

On est en attente perpétuelle de ce qui va se passer dans le plan suivant : quel acteur va performer, quel couple va se former, que va-t-il arriver à tel ou tel personnage, quelle est la nature exacte de la relation entre Stella et Etienne ?

Pour ce qui est du fonctionnement du binôme Patrice Chéreau / Pierre Romans, le film est aussi très intéressant, dessinant un tableau qui évite soigneusement d'être trop respectueux. Louis Garrel campe un Chéreau qui peut être parfois extrêmement violent et humiliant vis à vis de ces élèves, un homme dont on peut contester les méthodes tout en reconnaissant le génie.

Tout cela ferait déjà un excellent film, mais Les amandiers est de plus sublimé par l'acuité du tableau qu'il dresse d'une époque : les années 80. Valeria Bruni-Tedeschi parvient non seulement à restituer à la perfection les menus détails (cabines téléphoniques, musiques, vêtements, l'actualité) mais elle donne aussi à sentir viscéralement l'élan vital caractéristique de cette décennie, (sexe, drogues, risques) qui se heurte de plein fouet au SIDA.

Le casting est épatant, la formidable Nadia Tereszkiewicz (que j'avais découvert dans Seules les bêtes) en tête. Elle irradie le film de son talent et de sa sensualité terrienne, en alter ego de la réalisatrice.

Un film merveilleux, captivant et émouvant, qui m'a rappelé ce qu'il y avait de meilleur chez Cassavetes. Peut-être aussi le plus beau jamais réalisé sur le métier d'acteur. 

Valeria Bruni-Tedeschi sur Christoblog : Un château en Italie - 2013 (**)

 

4e

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Pacifiction - Tourment sur les îles

Mes plus anciens lecteurs savent la force de mon ressentiment envers Albert Serra, depuis une séance  calamiteuse du Chant des oiseaux, durant laquelle j'ai cru mourir d'ennui.

Mais n'étant pas enferré dans mes certitudes, et immergé que j'étais dans l'atmosphère émoliente d'un dernier jour à Cannes, j'ai décidé de me farcir Pacifiction en rattrapage, le dernier jour du Festival 2022.

Mal m'en a pris : j'ai revécu les mêmes sentiments qui m'avaient assailli lors de ma première expérience avec Serra. L'impression constante que le réalisateur joue avec mes nerfs, qu'il se moque complètement de mon plaisir et qu'il n'est conduit que par les errances de son imagination souffreteuse.

C'est peu dire que le film peine à remplir les 2h45 qu'il vole à la vie de ses spectateurs. Chaque plan pourrait durer 2 fois moins, 10 fois moins, ou pourquoi pas 10 fois plus que sa durée actuelle : cela ne changerait rien à ce que le film raconte, ou plutôt ne raconte pas.

Car en réalité l'oeuvre de Serra est probablement plus proche de l'art contemporain que du cinéma. La narration y est inexistante, et le peu d'intérêt qu'on trouve à suivre les indigentes pérégrinations de Magimel réside dans une atmosphère qu'on pourra qualifier de psychédélisme éthéré, ou de spleen queer tropico-kitsch, façon Mandico sous léxomyl.

Dans ce brouet arty sans queue ni tête, on ne sait pas dire ce qui est le plus terrible : la banalité éculée d'un fantasme politique de pacotille, l'esthétique de brochure publicitaire, l'ambiance mal digérée de film d'espionnage ou les effluves malsaines d'un néo-colonialisme dont le deuxième degré n'est pas avéré.

A éviter.

Albert Serra sur Christoblog : Le chant des oiseaux - 2008 (*)

 

1e

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Harka

On a souvent vu au cinéma la mécanique infernale qui s'abat sur ceux qui ne possèdent rien, dans un pays pauvre et corrompu.

Généralement, l'enchaînement est le suivant : frustration et honte de ne pas pouvoir subvenir aux besoins de sa famille (ici deux petites soeurs), tentation de de livrer à des trafics illégaux pour augmenter ses revenus, puis pétage de plomb final pour résoudre les insolubles conflits psychologiques que génère la situation.

L'originalité est que ce drame, typique du cinéma des pays du sud, est ici tourné par un réalisateur américain d'origine tunisienne, Lotfy Nathan. Harka est donc construit suivant les codes du thriller américain :   montage rythmé, mise en scène visant à l'efficacité, sens du spectaculaire, tension constante.

La puissance du film doit beaucoup à la prestation de son acteur principal, le Français Adam Bessa, très convaincant dans un rôle ingrat de désespéré dépressif. Il porte littéralement ce premier film sec et intéressant, bel hommage aux premiers révoltés tunisiens.

Malgré quelques facilités et un scénario un peu plat, Harka est donc à découvrir, et Lotfy Nathan un cinéaste à surveiller de près.

 

2e

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Armageddon time

S'il est arrivé que James Gray se perde, il faut reconnaître qu'il se retrouve ici, dans une veine autobiographique et nostalgique, qui rappelle un peu la démarche de PT Anderson dans Licorice pizza.

Le grand mérite du film est de mélanger chronique intime (un petit garçon et son grand-père qui va mourir, des parents imparfaits et attendrissants, une ambiance new-yorkaise des confins, délicieusement rendue) avec un tableau saisissant d'un racisme américain qu'on se surprend à penser (avec effroi) congénital.

Ce tour de force est réalisé sur un mode mineur, sans esbroufe et avec une délicatesse de tous les plans. L'introspection qu'il propose à ses personnages devient petit à petit un examen de conscience de la nation américaine.

Anti-spectaculaire dans sa construction, Armageddon time est un petit chef-d'oeuvre sotto voce. La distribution est parfaite, d'Anthony Hopkins au faîte de sa forme à un Jeremy Strong surprenant, pour ceux qui le connaisse surtout dans le rôle phare de l'excellente série Succession. Le jeune acteur Banks Repeta irradie la pellicule, en alter ego du réalisateur (le film pourrait s'appeler "portrait d'un jeune garçon en futur artiste"). Anne Hathaway est une nouvelle fois formidable.

A ne pas rater, c'est pour moi le meilleur James Gray depuis longtemps.

James Gray sur Christoblog :  La nuit nous appartient - 2007 (**) / Two lovers - 2008 (***) /  The immigrant - 2013 (*) / The lost city of Z - 2016 (***) / Ad astra - 2019 (**)

 

4e

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La conspiration du Caire

Sur le papier, ce film avait tout pour me plaire : un metteur en scène prometteur (j'avais bien aimé Le Caire confidentiel), un sujet intrigant, sorte de variante islamique du Nom de la rose, et un doux parfum d'exotisme.

Malheureusement, je trouve que La conspiration du Caire manque de crédibilité. Je n'ai jamais été vraiment captivé par l'intrigue, trop sage à mon goût. Le film avance plan-plan sans véritable tension dramatique et certaines évolutions du scénario m'ont paru très peu crédibles (comment un jeune inconnu peut faire changer d'avis un imam d'expérience avec deux pauvres citations ?).

De la même façon, la façon dont les frères musulmans abandonnent facilement la partie m'a interloqué. 

Pour résumer mes sensations, et malgré une mise en scène très solide, j'ai globalement trouvé que ce film manquait d'originalité et suivait froidement un programme trop scolaire (et par ailleurs peut-être conçu en mode "je veux être en compétition à Cannes"), gommant toute la poisseuse tension qui irriguait le premier film de Saleh.

Tarik Saleh sur Christoblog : Le Caire confidentiel - 2017 (***)

 

2e

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Le serment de Pamfir

Pour moi un des chocs majeurs du festival de Cannes 2022.

Ce premier film ukrainien est d'une qualité et d'une force époustouflantes.

Le sujet est celui d'un western, ou d'une tragédie grecque. Un dur à cuire revient dans son village. Son fils ayant fait une bêtise, il se voit obliger de retourner dans un monde de délinquance qu'il souhaitait quitter.

C'est peu dire que la mise en scène est virtuose : les plans séquences y sont fascinants par leur fluidité, la photographie sublime et la direction artistique splendide. Les acteurs réalisent une performance qui frôle la perfection, à l'exemple de Oleksandr Yatsentyuk, l'acteur principal, véritable force de la nature, qui force l'admiration.

L'action se déroule durant une sorte de carnaval aux costumes ruraux incroyables, qui donne à de nombreuses scènes une coloration fantastique et burlesque. Dans ce film marqué par le sceau d'une dévotion à la réalité la plus crue, la fantasmagorie qu'apporte une fameuse scène nocturne apparaît comme un bijou cinématographique.

A ne rater sous aucun prétexte.

 

4e

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Close

Dieu sait si j'avais apprécié le premier film de Lukas Dhont, Girl, que j'avais découvert avec émerveillement dans la section Un certain regard du Festival de Cannes 2018.

C'est donc avec une grande impatience que j'attendais le deuxième film du jeune Belge, présenté cette fois-ci en compétition officielle, à Cannes 2022.

Pour commencer, il faut dire que ce deuxième film possède bien des qualités que l'on découvrait avec stupéfaction dans Girl : une sensibilité à fleur de peau, une faculté hors du commun pour capter les toutes petites émotions du quotidien et une empathie générale qui englobe tous les rôles sans exception (et jusqu'à la nature dans ce film). Ses qualités s'expriment aussi bien à travers la mise en scène (précise, épurée, élégante) que par la photographie, magnifique.

Cette histoire d'amitié floue entre deux jeunes garçons est donc tout à fait estimable et emporte globalement l'adhésion, tant la délicatesse qui l'irrigue est exceptionnelle dans le cinéma contemporain.

Il est toutefois assez nettement en retrait de son prédécesseur par certains points. L'évènement central autour duquel pivote le film est un peu lourdement amené, et ne m'a pas entièrement convaincu. La deuxième partie du film m'a paru de fait un peu plus convenue que la première, même si l'interprétation d'Emilie Dequenne y atteint des sommets. La répétition de certaines scènes (les courses dans les champs) peut aussi lasser, ainsi que l'étiolement d'un scénario qui, à force de vouloir éviter le sujet principal du film, finit peut-être par le rater.

Un film lumineux, réduit à l'os, dans lequel tout ce que l'on voit passe par le regard de Léo, joué par un jeune acteur fabuleux, Eden Dambrine, et une deuxième brique intéressante dans une carrière qui s'annonce riche et passionnante.

Lukas Dhont sur Christoblog : Girl - 2018 (****)  

 

2e

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