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Christoblog

Aquadro

Date de sortie en France inconnue (espérons qu'il n'y en ait pas)

Me voici déambulant sous la pluie nantaise pour faire un tour au modeste festival du cinéma italien se déroulant au Katorza.

Je choisis un film au pif : Aquadro, premier film du jeune réalisateur Stefano Lodovichi. Le pitch rappelle de très loin celui de Despues de Lucia : Alberto et Amanda se filment pendant qu'ils font l'amour pour la première fois, et la vidéo se retrouve sur internet suite à un concours de circonstance malheureux.

Je n'irai pas par quatre chemins : ce premier essai est très mauvais, peinant à rendre réaliste cette aventure malheureuse, qui traîne terriblement en longueur. A une amie qui lui demande pourquoi elle aime encore le garçon qui lui a fait ça, la jeune fille répond "Il a enterré mon hamster". Voilà, il me semble que cet exemple dit tout. 

La musique est à la fois dérangeante, agressive et sirupeuse. L'image est romantico-plate (ralenti et effets de flous). Le scénario, hyper-naïf, est écrit avec des moufles. Bref, une soirée de foutue en l'air, ce sont des choses qui arrivent.

 

1e

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El estudiante

El estudiante est un film complexe : mieux vaut ne pas s'assoupir durant sa projection, sous peine d'en perdre définitivement le fil.

Le réalisateur, Santiago Mitre, cherche probablement dès le début du film à nous mettre dans la même situation que son jeune héros provincial, Roque, qui débarque à Buenos Aires : le monde de l'Université, hyper politisé, semble au départ tout à fait incompréhensible. On assiste pétrifié à des diatribes auxquelles on ne comprend rien, et à des luttes entre une myriade de petits mouvements gauchistes, le tout au milieu d'un capharnaüm d'affiches et de bâtiments déglingués.

Petit à petit on comprend que finalement l'idéologie ne sera jamais le thème du film (les idées politiques de chacun des protagonistes importent peu), mais que le véritable sujet de El estudiante est la façon dont un Rastignac tel que Roque peut s'élever dans la hiérarchie à force de coup de poker et de volontarisme décomplexé.

Il ne faut pas être allergique à l'aspect surchargé du film pour bien apprécier cette odyssée individuelle. L'expérience est finalement une belle intrusion dans le jeu même de la politique : calculer, oser, agir, grimper. On a vu ce type de démonstration, en plus glamour et plus idéalisé, dans l'excellente série Borgen.

Un film exigeant, mais au final assez marquant.

 

2e

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Only lovers left alive

Le dernier Jarmusch est une merveille de poésie. Tanger et Detroit, belles et décrépites, filmées superbement, constituent l'atout majeur du film.

Tilda Swinton donne l'impression irrésistible d'être un véritable vampire (mais peut-être l'est-elle ?) et Tom Hiddleston est radicalement magnétique.

Le scénario du film est quant à lui quelconque. Je peine d'ailleurs à m'en souvenir, tellement l'intérêt de Only lovers left alive réside ailleurs : dans son aspect de gaze vaporeuse striée de riffs de guitare et de visions hallucinées. Jarmusch parvient à la fois à respecter les codes du genre (le Let me in, les balles en bois, la vitesse d'exécution, l'omniscience quant à l'âge des objets) et à les transfigurer comme si on les voyait pour la première fois.

Only lovers left alive respire la nostalgie du futur, évolue dans une sorte de ralenti qui préfigure la fin d'un monde, distille un spleen cotonneux et feutré. Les décors sont somptueux, la mise en scène est au cordeau. Les clins d'oeil sont charmants (Marlowe, Einstein, "Et aussi l'ail tant que vous y êtes", la maison de Jack White et un concert de Yasmine Hamdan).

Un plaisir d'esthète, une friandise pour gourmet.

 

3e 

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Les grandes ondes (à l'ouest)

Oh, la charmante comédie subtile et décalée que l'on n'attendait pas !

Il faut sûrement être Suisse pour inventer une histoire aussi bizarre et originale : un trio de journalistes suisses en service commandé au Portugal se retrouve par hasard en pleine révolution des oeillets. Le vieux baroudeur (excellent Vuillermoz) perd progressivement la mémoire, l'ambitieuse jeune journaliste (pimpante Valérie Donzelli) est radicalement féministe, et le vieux technicien (charmant Patrick Lapp) a plus d'un tour dans son combi. Quand ces trois-là croisent le chemin d'un jeune portugais qui a appris le Français en regardant les films de Pagnol, on sait que le road movie, déjà délicieusement bancal jusqu'à présent, va partir sérieusement en vrille.

Et c'est bien ce qui se passe, lors d'une nuit lisboète très poétique et très drôle, durant laquelle les corps et les esprits trouveront à se libérer, pour notre plus grande joie.

Souvent amusant, le film est parsemé de gags doux et délicieux, de moments de grâce inatendus (la chorégraphie nocturne) et d'effets de contraste parfois saisissants (l'interview raciste, le compte-rendu de la petite fête nocturne).

C'est léger et plaisant, l'antidote parfait aux lourdeurs des Trois frères, le retour et de Supercondriaque. La comédie à voir en ce moment.

 

3e    

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For those in peril

For those in peril trace le portrait sensible d'un adolescent seul rescapé d'un naufrage, dans lequel a péri son frère et quatre autres jeunes hommes. Rejeté par le village, Aaron semble avoir des problèmes mentaux, qui datent d'avant l'accident.

La première partie du film est très impressionnante et particulièrement réussie, mêlant différents supports (Super 8 des images d'enfance, grossières vidéos des journaux télévisés, images quasi-conceptuelles de l'océan) et dessinant avec délicatesse les profils des différents protagonistes. Le film culmine alors dans les confrontations entre le jeune Aaron et le père de la copine de son frère, un homme particulièrement violent, qui veut l'éloigner à tout prix de sa fille.

Malheureusement le film s'égare progressivement dans de fausses pistes (le fantastique par exemple, qui aboutit à une fin particulièrement ratée) et des tics de plus en plus insistants. Alors qu'il paraissait parfaitement maîtriser son sujet, Paul Wright semble ne plus trop savoir vers où guider son personnage, hésitant entre chronique réaliste, voyage intérieur et ode onirique.

Le film montre toutefois chez ce jeune cinéaste un énorme potentiel.

 

2e

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Ida

Il y a dans Ida une volonté de formalisme à outrance profondément désagréable. Le réalisateur Pawel Pawlikowski multiplie les effets de style : format carré (1,37:1 exactement), photographie en noir et blanc, éclairages très travaillés, succession de plans rigoureusement fixes d'une quinzaine de secondes (la caméra ne bouge pas une seule fois pendant le film).

Ces poses de styliste boulimique s'accumulent, jusqu'à devenir une signature perpétuelle qui mange tout le cadre, puis toute l'histoire, et enfin toutes les émotions. Par exemple, la manie de ne jamais cadrer les personnages au milieu de l'écran, mais toujours décentrés, et le plus souvent vers le bas, devient une afféterie un peu précieuse et disons-le, ridicule, lorsqu'elle conduit à couper les visages en deux.

Tout est tellement construit pour paraître joli (les intérieurs, les paysages, le soleil, la musique) que le film dans son ensemble paraît vain et comme engoncé dans sa propre carapace de naphtaline.

Rien d'étonnant alors que Ida tourne à l'exercice de style, et donne l'impression fâcheuse de survoler des sujets pourtant essentiels : le massacre des juifs par la population polonaise lors de la seconde guerre mondiale, la vocation religieuse, la tentation de vivre sa vie d'être humain avant de se confier à Dieu, la solitude, les procès politiques, l'alcoolisme, le suicide.

A l'image de la scène lors de laquelle les corps sont déterrés, le film est trop propre, trop froid, trop désincarné pour laisser passer de vraies émotions. Il ne parvient au final qu'à être une collection d'images que certains jugeront peut-être admirablement composées, mais qui ne sont en fait que parfaitement arrangées pour séduire.

Ida n'est pas hideux, mais sans idées.

 

1e

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Un beau dimanche

Bien que desservi par une bande-annonce tristounette, qui semble révéler (à tort !) tout le contenu du film, Un beau dimanche vaut vraiment le coup d'être vu.

Nicole Garcia s'y révèle une excellente réalisatrice, filmant personnages et paysages avec une égale délicatesse, drapant son film d'une très jolie photographie.

Pierre Rochefort (le fils de la réalisatrice et de Jean Rochefort) joue avec une belle intériorité un personnage très intéressant et complexe, dont l'histoire ne se dévoile que progressivement. Il parvient à voler la vedette à une Louise Bourgoin jouant très bien la vulgarité des cabanes de plage. Dominique Sanda, en mère grande bourgeoise est absolument parfaite, son visage est un écran de cinéma à lui tout seul.

Bien dosé dans son intensité et sa durée, subtil et délicat, Un beau dimanche est injustement sous-estimé.

Nicole Garcia réalisatrice sur Christoblog : Un balcon sur la mer.

 

3e

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Goltzius et la compagnie du pélican

Peter Greenaway semble suivre le chemin inverse de celui de Steve McQueen (Hunger, Shame, 12 years a slave) : alors que ce dernier glisse progressivement de l'art contemporain vers le cinéma mainstream, son compatriote produit des oeuvres de plus en plus conceptuelles.

Ayant vu Goltzius il y a plusieurs mois au Festival Paris Cinéma, avec l'ami mymp, je dois avouer qu'il ne me reste presque aucun souvenir du scénario du film. La lecture du pitch ne m'éveille que de vagues réminiscences : un graveur d'oeuvres érotiques qui propose au Margrave d'Alsace* de financer ses travaux, moyennant des reconstitutions de scènes licencieuses tirées de la Bible.

Plus persistantes sont dans mon esprit les sensations purement visuelles que m'a laissé le film : des surimpressions d'écriture sur les visages, une caméra qui tournoie à l'infini autour de compositions formelles très bien éclairées, quelques scènes sidérantes de beauté (des cages suspendues), un décor étrange constitué d'éléments d'époque filmés dans un entrepôt moderne.

Le film pourrait aussi bien se déguster dans une biennale d'art contemporain, par petits extraits, que dans une salle de cinéma, dans laquelle ces deux heures de fantasmes costumés épuisent un peu.

* : Le titre de margrave (dont l'équivalent est marquis) a été créé par Charlemagne au profit de ses lieutenants dans les marches frontières.

 

2e

 

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American bluff

Il y a quelque chose d'irrémédiablement raté dans ce film de David O. Russell.

Les dialogues par exemple sont incroyablement mal écrits : parfois confus, d'autres fois artificiels ou inconsistants. Les scènes s'enchaînent très mal, le montage et le scénario sont mal fagottés, mal pensés.

Les décors et costumes sont trop ostentatoires. On nage dans une nostalgie Années 70 qui ne parvient jamais à s'assumer et oscille pendant tout le film entre la parodie et l'hommage énamouré. Le jeu des acteurs est aussi très mauvais : réduits à de simples caricatures (sauf peut-être le personnage joué par Amy Adams), ils n'entraînent aucune sorte d'empathie. 

Le film par bien des aspects rappelle par contraste la récente réussite de Scorsese. Alors que Le loup de Wall Street emballait le spectateur et l'entraînait dans une folle spirale de jouissance, American bluff ne parvient qu'à déjouer sur la longueur (2h18 minutes qui semblent sans fin), égarant son spectateur en route.

Un film qui pourrait concourrir dans la catégorie : "Portent si bien leur titre".

David O. Russell sur Christoblog : Fighter / Happiness therapy 

 

1e

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Dallas buyers club

Le nouveau film de Jean Marc Vallée peut se résumer ainsi : une histoire originale, une performance d'acteur invraisemblable et une mise en scène solide.

Parlons d'abord de Matthew McConaughey. Amaigri au point d'être méconnaissable (on s'inquiète même pour sa santé), il produit une performance qu'on peut aisément qualifier d'oscarisable. Le plus incroyable est qu'il parvient à ne pas surjouer son personnage : il lui suffit d'être sur la continuité sec comme un coup de trique, et de gérer superbement quelques pétages de plomb. Sa performance est magnifiée par celle de Jared Leto, excellent en travesti sensible. Le duo fonctionne à merveille.

L'histoire est par ailleurs très intéressante. Je ne connaissais pas pour ma part les polémiques qui ont marqué le développement des médicaments comme l'AZT et j'ai beaucoup appris. Quand à la mise en scène de Jean-Marc Vallée, elle est nerveuse, efficace, et sans chichi. Exactement dans la tonalité du film.

Curieusement, si le film m'a plu, il ne m'a pas vraiment ému, alors que je ne peux pas dire grand-chose de négatif à son propos (sauf peut-être souligner que la prestation de Jennifer Garner est nettement en retrait de celle de ses partenaires masculins).

A voir.

De Jean-Marc Vallée, sur Christoblog : Café de Flore.

 

3e

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Tonnerre

J'avais remarqué, comme beaucoup, le moyen métrage de Guillaume Brac diffusé dans les salles l'année dernière : Un monde sans femme. J'étais donc curieux de retrouver son acteur fétiche (Vincent Macaigne) transporté des plages de Picardie dans les frimats de Bourgogne.

Le résultat est très convaincant. On est tout de suite happé par cette histoire de presque rien, cette romance de province qui se transforme en cauchemard potentiel. C'est le ton très juste dans lequel le film grandit qui fait sa qualité. Tout y sonne vrai : les tristes décors d'une petite ville endormie, les intérieurs aux papiers-peints défraîchis, les seconds rôles aux visages très expressifs, les acteurs "nature".

La progression dramatique du film est très subtile. Guillaume Brac nous emmène à chaque virage dans une direction inconnue, et bien malin celui qui pourra se targuer d'avoir prévu les développements de la seconde partie du film.

Vincent Macaigne, toujours fabuleux dans le rôle de candide respectueux, trouve ici à exprimer une variante un peu plus ambiguë de son jeu. Tonnerre fourmille de jolies scènes (la danse, la promenade en barque, le chien qui apprécie la poésie) et de discrètes réussites (la relation au père, les éléments qui se font écho d'un bout à l'autre du film). Il marque la naissance d'un réalisateur avec qui le cinéma français devra désormais compter.

Je le conseille vivement.

Retrouvez les films avec Vincent Macaigne critiqués sur Christoblog.

 

3e

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Nymphomaniac (Volume 2)

La première partie de Nymphomaniac m'avait ravi, par son originalité et sa vivacité intellectuelle.

La deuxième partie m'a beaucoup déçu, les qualités manifestées dans la première semblant avoir disparues. Les digressions délicieuses du vieil homme sont rares et moins percutantes, les historiettes sont extrêmement prévisibles et le mystère qui planait sur le premier épisode est ici bien éventé.

Si la partie masochiste est encore acceptable (l'ambiance de la salle d'attente est bien vue), l'ensemble du développement criminel avec Willem Dafoe est bien pauvre, et peu captivant. La relation de Joe et de P., qui aurait sans nul doute méritée d'être développée, est baclée.

Si lors des premières minutes on retrouve avec plaisir les personnages découverts il y a un mois, cette deuxième partie se regarde avec un ennui croissant, jusqu'à un dénouement grotesque, que je ne dévoilerai pas ici.

Dommage.

 

2e

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Beaucoup de bruit pour rien

Une comédie de Shakespeare tournée par le showrunner de Buffy contre les vampires, dans sa propre propriété, et en 12 jours ? Franchement, je ne donnais pas cher de ce film, et j'avais sorti la dézingueuse à tir automatique pour me payer Joss Whedon, réalisateur d'un seul film à 49 ans : le triste Avengers. Cela sentait le bricolage versifié à domicile.

Me voici donc dans la triste position du critique perfide qui doit rengainer son épée spirituelle pleine de fiel, pour dire en toute humilité le bien qu'il pense d'un film à la fois modeste et brillant. C'est moins drôle.

Je vais donc être bref. Les acteurs jouissent visiblement de prononcer la langue de Shakespeare, ils n'hésitent pas à jouer à fond le jeu de la comédie alternativement burlesque et sentimentale, la mise en scène est d'une élégance stupéfiante, l'intégration de décors et d'accessoires modernes dans l'histoire est tout à fait naturelle.

J'ai été vraiment charmé par l'intelligence qui transpire du film, dans le choix des cadres, la puissance comique de certains personnages (les policiers !), les choix musicaux très sûrs. Il y a beaucoup de trouvailles dans le film, qui enchantent la trame fantaisiste et cruelle de la pièce.

C'est parfaitement réussi : charmant et pétillant comme du champagne.

 

3e

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Love exposure

Les dimanches pluvieux de janvier étant propices au visionnage de DVD, je me suis enfin décidé à regarder l'OVNI azimuté de Sono Sion.

Pour résumer, disons qu'il y est question d'une grande histoire d'amour, et qu'on y croise : une secte qui s'appelle l'Eglise Zéro, un prêtre défroqué qui châtie son fils, un jeune garçon qui photographie sous les jupes des filles puis est obligé de travailler dans le porno, une cérémonie de  hara-kiri d'une jeune fille en blanc qui aime les oiseaux verts, des quiproquos sur le travestissement et l'identité sexuelle, un asile psychiatrique, et mille autres choses.

C'est vif, chatoyant, d'une absolue hétérogénéité de style, tout à tour mélo larmoyant, film de sabre cheap, romance érotique, film de kung-fu speedé. Ca dure 3h et 57 minutes, et ça ne ressemble à rien de connu.

Love exposure est plutôt plaisant, à condition de se laisser emporter par son flow à la fois délirant et mélodramatique, un peu comme il faut se laisser prendre par la folie d'un Bollywood.

Un autre film de Sono Sion sur Christoblog, d'une facture beaucoup plus classique : The land of hope.

 

3e

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Au bord du monde

Itinéraire étonnant que celui de Claus Drexel, réalisateur de la comédie Affaire de famille (avec Miou-Miou et André Dussolier), qui ici prend un virage à 180° en tournant un documentaire sur les SDF qui hantent les plus beaux sites parisiens.

Au bord du monde, présenté à Cannes 2013 dans la sélection ACiD, est un film nécessaire et utile. Il donne la parole à ceux que l'on croise dans les rues en détournant souvent le regard, et cette parole est surprenante. Dans le cas de Wenceslas par exemple, le discours est très structuré, plein de vivacité et de jeux de mots. Pour d'autres, que plusieurs années de vie dans la rue ont usé, la parole est plus difficile, elle est sujette à de petits déraillements, ou à des répétitions qui montrent cruellement que l'équilibre psychologique se détériore. Pour d'autres encore, la situation est catastrophique, et à l'évidence des soins psychiatriques seraient nécessaires - heureusement que la caméra ne s'attarde pas trop sur ces derniers, car on se sent vis à vis d'eux un peu trop voyeur.

Le film est également très surprenant par le contraste entre des images absolument sublimes de Paris la nuit (Arc de triomphe, Notre Dame, Champs Elysées, Conciergerie) et celles de ces habitants nocturnes qui apparaîssent du coup comme des fantômes. Peut-être certains trouveront-ils la beauté revendiquée de certains plans choquante, au regard de la détresse des hommes et femmes rencontrés. Cet aspect "enfer au paradis" m'a paru plutôt servir le propos du film.

L'émotion peine toutefois à se développer pleinement, peut-être à cause d'un parti pris de plans fixes et larges qui ne s'approchent jamais des visages, ou de questions parfois un peu trop intrusives à mon goût. La sidération l'emporte sur l'empathie, ce qui n'enlève rien à l'intérêt du film, que je conseille, évidemment.

 

2e

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Le vent se lève

A ceux qui pensent trouver dans le dernier Hayao Miyazaki les mêmes envolées oniriques que dans Le voyage de Chihiro ou Princesse Mononoké, il faut dire qu'il ne s'agit pas ici du même genre de film.

Le vent se lève est d'une veine beaucoup plus réaliste, et, du coup, il pourra décevoir certains fans.

En ce qui me concerne, j'ai été ravi par l'ambiance à la fois poétique et studieuse qui règne tout au long du film. Son introduction est magistrale : la première scène de rêve est d'une beauté qui coupe le souffle et fait monter immédiatement les larmes aux yeux. Les scènes d'enfance sont splendides, avec des trouvailles dans chaque plan (comme la vision troublée tant que Jiro n'a pas mis ses lunettes). Pour les amoureux du Japon, comme moi, le film est d'abord une merveille par sa reconstitution amoureuse de la vie campagnarde, qui ne semble pas avoir évolué en un siècle.

Le passage concernant le tremblement de terre est aussi un grand moment, qui résonne évidemment très fort avec la catastrophe récente qui a frappé l'archipel. C'est vers le milieu du film, dans le long développement consacré à la carrière d'ingénieur de Jiro, que Miyazaki pourra perdre quelques spectateurs au passage : le rythme est plus lent, les détails parfois un peu techniques et les développements politiques incertains (le voyage en Allemagne, le rôle des Services Secrets).

Enfin, pour apprécier l'histoire d'amour de Jiro avec la jeune fille tuberculeuse, il faut probablement avoir une âme d'enfant et/ou un coeur d'artichaut, ce qui doit être mon cas, si j'en crois l'émotion que j'ai éprouvé au moment de l'apparition de Nahoko en robe de mariée.

Esthétiquement, le film est une splendeur, notamment à travers ses décors de toute beauté : paysages, bâtiments, intérieurs, moyens de transport.

Il se dégage de cette oeuvre inondée d'une joyeuse tristesse une force de vivre peu commune, et on ne peut éviter d'y voir un testament emprunt d'une sourde et douce nostalgie.

 

3e

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12 years a slave

Quel ennui ! 12 years a slave prouve une fois de plus que bons sentiments et grand cinéma ne coïncident que rarement.

Tout est malheureusement très lourd et très fadasse dans ce troisième film de Steve McQueen. Les méchants y sont très prévisiblement méchants, les opprimés sont tous très gentils. Le soleil se couche (on a donc droit à plusieurs couchers de soleil), la lune brille la nuit, l'eau coule, la nature est belle, et le Noir se laisse gagner par l'irrépressible besoin de chanter un gospel.

La progression de l'histoire est édifiante, le film didactique et profondément académique, jusqu'à ses choix de cadres, de mouvements de caméra ou de plans. Par exemple : la pelletée de terre sur la caméra lors d'un enterrement, je pensais que plus personne n'osait ça de nos jours. Les scènes accumulent une telle quantité de poncifs que le film finit par desservir la cause qu'il devrait servir.

Du Steve McQueen de Hunger, il ne subsiste que l'acteur, le toujours impressionnant Michael Fassbender, quelques très gros plans et une coloration doloriste. Ce qui faisait l'originalité de ce premier film (le mémorable plan de 22 minutes par exemple) s'était déjà perdu en route, dans le calamiteux Shame.

On dirait que Steve McQueen a volontairement conçu un produit pour les Oscars : lisse, sans accroc, mais sans véritable enjeux dramatiques non plus. Il est fort étonnant de constater que toutes les scènes prétendument insupportables sont totalement désamorcées par l'indigence du scénario, du montage, et parfois du jeu approximatif des acteurs.

Un film de dimanche soir sur TF1.

 

2e

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Mère et fils

Avec Mère et fils, le cinéma roumain revient en force dans un genre qui lui réussit très bien (4 mois, 3 semaines, 2 jours, Mardi, après Noel) : la chronique sociale/familiale noire.

Ici, on est dans la haute bourgeoisie, de celle qui se drape de manteaux de fourrure et qui conduit des berlines allemandes. La mère, jouée par l'incroyable Luminita Gheorghiu, ne vit que pour son grand fils. Lorsque celui-ci tue par accident un jeune garçon pauvre, que va-t-elle faire ? Tenter de sauver ce qui peut l'être, à tout prix.

Sur cette trame classique, le réalisateur Calin Peter Netzer réussit un tour de force : nous faire au départ détester cette mère qui paraît presque sans émotion, puis nous amener à l'admirer dans sa constance, avant de nous émouvoir par des scènes finales sidérantes.

Sans trop déflorer le sujet (mais il est encore temps pour vous d'arrêter de lire), l'enchaînement des dernières séquences (la conversation irréelle entre la mère et la belle-fille, la visite finale dans la famille du jeune garçon) donne lieu à une double prestation d'exception : un jeu parfait de l'actrice principale qui parvient à être à la fois émouvante et solide comme un roc, et une véritable leçon de mise en scène, qui culmine dans un dernier plan d'anthologie.

Pour peu qu'on pardonne au film un début un peu lent, et qu'on ne soit pas trop sensible au mal de mer (de mère ?) occasionné par un style kéchichien de tournage, caméra oscillant à l'épaule, Mère et fils offre dans son développement inexorable les sources de profondes satisfactions cinéphiliques.

 

3e

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L'amour est un crime parfait

L'intérêt N°1 du dernier film des frères Larrieu, ce sont les décors.

Les architectures sont non seulement magnifiques, mais de plus admirablement filmées. L'occasion est donc idéale de découvrir le fameux Rolex Learning Center, conçu par le cabinet d'architecte SANAA, qui est d'une beauté stupéfiante. Le chalet des deux personnages principaux est également sublime, dans un style plus traditionnel. Dans le genre moderne, la villa où se passe le barbecue nordique (un grand moment du film) est somptueuse également. L'appartement du père d'Annie et sa déco hyper-moderne, l'hôtel/bungalow dépouillé/chic au bord du lac, sont encore des endroits exceptionnels.

Au-delà des bâtiments, le décor naturel du film, les Alpes Suisses, est incroyablement photogénique, qu'il s'agisse de la forêt, des plus hauts sommets, ou de la ville de Lausanne. Les frères Larrieu s'en donnent d'ailleurs à coeur joie en multipliant les plans en extérieur et les trajets en voiture, qui constituent d'ailleurs un élément dramaturgique du film.

Pour le reste L'amour est un crime parfait ne m'a pas réellement convaincu. On lit beaucoup qu'il est vénéneux et malsain, je l'ai trouvé plutôt artificiel et compassé. Mathieu Amalric joue d'une façon trop uniforme pour être réellement ambigu. Maïwenn joue un personnage que le twist final rend peu crédible. Sara Forestier surjoue la jeune nymphomane hystérique. Seule Karin Viard distille un semblant de sentiment inquiétant.

Les dialogues sont très écrits, comme si Djian avait rencontré Rohmer, donnant au film un vernis de suréalisme un peu froid. Mais c'est le scénario, plein de blancs, de trous et d'imprécisions, qui me laisse le plus dubitatif. Bien sûr, on pourra arguer que ces éléments de flous font partie du mystère : je répondrai que de grands maîtres (Polanski, Hitchckock) savaient distiller des ambiances mystérieuses avec plus de précision.

Les frères Larrieu me semblaient beaucoup plus à l'aise avec un sujet qui se prêtait mieux à leur cinéma subtilement décalé dans Les derniers jours du monde.

 

2e

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R

Tourné la même année que Un prophète, ce film de Thobias Lindholm (Hijacking, scénariste de La chasse et Borgen) et Michael Noer (Northwest) n'avait pas été diffusé en France, son sujet étant jugé trop proche de celui de Jacques Audiard : un jeune homme arrive en prison et se confronte à la violence des caïds.

Pourtant le traitement du sujet est vraiment très différent dans les deux films. Autant le film d'Audiard est pointilliste, et parfois onirique, autant celui du duo danois est d'un réalisme absolument froid.

Le film est très dur. Si la violence physique est la plupart du temps hors champ, la violence psychologique, elle, vous accompagne sans discontinuer pendant tout le film. En cela R est une véritable immersion dans le monde carcéral danois, dans lequel les détenus ont une curieuse liberté d'allées et venues, y compris dans de grands espaces extérieurs.

On vit donc les différentes étapes de l'intégration de R avec lui, souffrant quand il est humilié, exultant quand il prend peu à peu sa place, s'inquiétant quand il est pris au piège de ses propres manoeuvres. L'impression que donne le film est celle d'une implacable maîtrise et d'une grande froideur, tout à fait dans l'esprit du film suivant de Michael Noer, Northwest.

A voir si vous pensez aimer un Prison break filmé par Bresson.

 

2e

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