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Christoblog

Kyuka - Avant la fin de l'été

Kyuka est un intéressant film grec de Kostis Charamountis, présenté dans la décapante section ACID du dernier festival de Cannes.

Il est construit d'une façon très curieuse. Au début, on a l'impression qu'il s'agit d'un simple film de vacances montrant un homme et ses deux enfants  vivre sur leur bateau, amarré dans une délicieuse île grecque.

Le scénario ne se dévoile que très lentement et va s'avérer d'une grande subtilité (je ne peux en révéler plus sans gâcher le plaisir de la découverte).

Le format 4/3, la qualité de la lumière, l'originalité du montage (une scène montée "à l'envers", des enchaînements parfois hyper-saccadés, des ellipses radicales, des séquences en boucle) rendent le film à la fois aimable et intrigant. Certaines scènes, comme une impayable séquence de pêche lors de laquelle deux hommes veulent absolument pêcher le plus gros poisson, sont extrêmement réussies, dans un style qui mêlent causticité, nostalgie et émotion.

Le tout pourra peut-être vous irriter par son caractère un peu trop artificiel, mais pour ma part j'ai été agréablement surpris par ce premier film prometteur.

 

2e

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Black box diaries

Voici un documentaire qui met en évidence quelques tares de la société japonaise : déni des violences faites aux femmes, collusions entre puissants, emprise des conventions.

Son originalité est d'être réalisé par la victime du viol elle-même : la journaliste Shiori Ito, qui documente elle-même son chemin de croix. 

Si le début du film est assez captivant, sur un mode de film policier (on voit notamment des images volées à la sécurité de l'hôtel dans lesquels la victime droguée est difficilement extirpée de la voiture), la suite est plus poussive. L'enquête de Shiori Ito n'en est pas vraiment une, et le film devient une chronique un peu languissante de la vie de la réalisatrice, qui écrit un livre, mais ne semble plus vraiment travailler à son enquête.

Le film ménage toutefois quelques moments vertigineux : la conversation téléphonique avec le portier de l'hôtel qui accepte de témoigner, celui avec le flic qui la drague lourdement.

Black box diaries constitue un témoignage poignant et important, fer de lance du #metooJapan

 

2e

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Mikado

Drôle de rencontre dans le Sud : un prof veuf et sa fille accueillent une famille étrange composée d'un couple et de deux enfants qui semblent non scolarisés.

Sur cette base assez sommaire, la réalisatrice Baya Kasmi construit un film presque entièrement basé sur le jeu des acteurs et actrices. 

Il s'agit pour chacun d'exprimer avec le plus de subtilité possible les fractures profondes qui le traverse : deuil, incommunicabilité, enfance difficile, inadaptation à la société. C'est sans conteste Ramzy Bedia qui livre la meilleure prestation, touchant comme jamais. Si Vimala Pons est égale à elle-même (une expressivité hallucinante), Félix Moati est un poil excessif dans sa partition de jeune adulte passé par de nombreuses familles d'accueil, dont certaines étaient à l'évidence violentes.

Le film a certaines qualités : une capacité certaine a faire ressentir différents sentiments (joie, espoir, souffrance, déception), de belles idées originales (la capacité qu'a la jeune fille à "disparaître") et enfin une sensibilité évidente dans la description des ambiances méditerranéennes. Il a aussi certains défauts, notamment de petites faiblesses dans l'écriture et quelques chutes de rythme.

Le résultat est toutefois plaisant, et prometteur : on suivra attentivement la carrière de Baya Kasmi, jusqu'à présent surtout réputée en tant que scénariste, notamment chez Michel Leclerc.

 

2e

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Berlin, été 42

Berlin, été 42 raconte l'histoire d'une jeune femme allemande et de ses amis, résistants de l'intérieur contre les nazis, ce qui constitue un sujet assez rarement vu au cinéma.

Andreas Dresen adopte une réalisation très sage, sur une écriture qui est elle d'une certaine complexité : la destinée de Hilde (excellente Liv Lisa Aries) ne s'éclaire que très progressivement, par le biais de flash-backs non contextualisés, qu'il faut progressivement assembler comme un puzzle pour prendre la mesure de l'ensemble des évènements.

Le récit devient alors poignant, et on ne peut être que bouleversé par la violence faite à Hilde, qui se trouve entraîner dans cette histoire par amour, plus que par idéologie. C'est d'ailleurs une des grandes forces du film de jouer sur le contraste entre la violence de la répression et les activités des jeunes gens, qui semblent bien innocentes dans la chaleur estivale de l'Allemagne.

L'itinénaire de Hilde en prison est d'une intensité parfois insoutenable, et rappelle un film récent dans lequel on suivait également le parcours d'une femme mise en prison par un régime totalitaire : Je suis toujours là, de Walter Salles.

Un très bon film allemand, qui était en compétition à la dernière Berlinale.

 

3e

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La jeune femme à l'aiguille

Ce nouveau film du réalisateur suédois Magnus von Horn est d'une noirceur absolue, tout comme un de ses films précédents, que je n'avais pas aimé du tout (Le lendemain).

Je ne pense pas avoir déjà vu un film de cette facture. Le contraste est saisissant entre le pessimisme fondamental du propos (pauvreté, mutilation de guerre, oppression de la femme, trafic d'enfants) et la recherche d'une esthétique très léchée (format 4/3, noir et blanc expressif, décors proprets, mise en scène élégante).

La jeune femme à l'aiguille est un film d'un autre temps, qui lorgne du côté de Dickens pour la forme mais qui pourtant procure des sensations très "modernes" (l'embryon d'une attirance sexuelle entre les deux femmes, la pure violence de certaines scènes, presque horrifiques).

J'ai été surpris par ce combo improbable de film d'époque / thriller psychologique / chronique romanesque au long court, par moment charmé, et aussi un petit peu déçu par la dernière partie du film.

En tout cas, une découverte pour les aventuriers cinéphiles !

Magnus von Horn sur Christoblog : Le lendemain - 2016 (*)

 

2e

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Bergers

Ce film canadien raconte comment un jeune homme qui fuit son Québec natal devient berger en Provence (et accessoirement y rencontre l'amour). Il est tiré de l'histoire personnelle du co-scénariste Mathyas Lefebure, qui en a fait un livre (D'où viens tu, berger ?). 

Il y a dans la réalisation de Sophie Deraspe une fraîcheur dont je ne sais pas si elle est typiquement canadienne, mais dont on n'a pas l'habitude sur les écrans français.

Il n'y a en effet dans cette histoire ni discours militant, ni angélisme, ni pathos, ni coups de théâtre dramatique, ni critique sociale : simplement la volonté de raconter une histoire assez simple d'une façon sensorielle. Bergers parvient de cette façon à être à la fois réaliste (parfois presque naturaliste) et par moment discrètement lyrique.

Pour maintenir cet équilibre délicat entre naïveté constructive et description évocatrice, il faut une interprétation sensible et parfois ambigüe. Félix Antoine-Duval et Solène Rigot apportent avec brio leur vivacité à ce drôle de couple qui se construit très progressivement, au contact d'une nature grandiose.

Une jolie surprise.

 

2e

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Parthenope

Je fais partie de ceux qui tente de défendre Paolo Sorrentino, quand il est attaqué de toute part pour des films que je juge intéressants, notamment quand le réalisateur italien n'hésite pas sur le dosage des effets baroques (comme dans La grande belleza).

Mais malheureusement, je ne peux pas grand-chose pour le soldat Sorrentino en ce qui concerne ce brouet sans saveur, juste illuminé de quelques passages sidérants.

Rien ne va dans cet opus. L'actrice principale d'abord : Celeste della Porta n'a malheureusement aucun charisme. Elle est censée représenter une divinité (la protectrice tutélaire de Naples), mais ne parvient qu'à évoquer une publicité pour produits de beauté.

Le scénario n'aide pas à ce qu'on s'intéresse au personnage titre : les dialogues qu'on lui met dans la bouche semblent être des phrases issues de comptes Instagram avec photo de chatons. C'est niais, et ridicule quand cela devient pseudo-philosophique : "L'avenir est plus grand que toi ou moi".

Le male gaze que certains reproche souvent à Sorrentino trouve aussi ici un summum gênant. Que Parthenope soit un peu stupide, soit, mais la caméra la chosifie trop volontiers, mettant en valeur ses perpétuels décolletés provocants, sans chercher à traquer l'expression d'une simple émotion.

Au final, j'a trouvé le film froid et désincarné, un comble quand il s'agit de rendre hommage à la bouillante Naples. Seules quelques scènes (le miracle, le bébé difforme, les supporters du Napoli) rappelle que le talent de Sorrentino ne s'exprime que dans la démesure.

Paolo Sorrentino sur Christoblog : This must be the place - 2011 (***) / La grande belleza - 2013 (***) / Youth - 2015 (**) / La main de Dieu - 2021 (***)

 

2e

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Blue Sun Palace

J'ai vu ce film un peu ardu dans la furie cannoise de l'année dernière, et je dois dire qu'il ne m'avait pas marqué puisque j'ai du relire mes notes pour m'en souvenir.

Tout commence par une rencontre amoureuse assez joliment évoquée. La caméra semble flotter entre les deux personnages, s'attardant tour à tour sur le visage de celui qui écoute, puis sur celui qui parle. Il y a chez Constance Tsang un véritable don pour la mise en scène.

Mais après ce sympathique démarrage, et passé l'étonnement d'être à New-York alors qu'on se croirait en Chine, on s'ennuie vraiment. Le film prend son temps, sans qu'on comprenne bien où il veut nous emmener, laissant sans réponse beaucoup de questions que le spectateur est en droit de se poser.

J'ai fini par perdre pied, sortant du film et pestant contre cette succession de scènes allusives peu compréhensibles dans leur ensemble. Vers la fin du film, la torpeur formaliste atteint son acmé dans le très long plan de l'homme marchant le long d'une route.

Des idées et une vraie sensibilité, mais noyées dans le formol.

 

1e

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Magma

Les intentions de Cyprien Vial sont estimables.

Décrire une profession peu montrée au cinéma (vulcanologue), donner de la Guadeloupe une vision non touristique, tenter une illustration de ce qu'est la gestion du risque par les autorités publiques : autant d'idées ambitieuses qui auraient pu donner un film original.

Malheureusement toutes ces bonnes intentions se heurtent à un manque de moyen criant qui finit par nuire au film. Difficile en effet de faire monter un suspense de film catastrophe sans avoir les moyens de montrer autre chose qu'un petit panache de fumée à l'horizon.

Si Marina Foïs est très bien, elle ne trouve pas de quoi vraiment s'exprimer dans un scénario un peu scolaire qui tente trop de choses. Aux thématiques déjà évoquées, il faudrait en effet encore ajouter le racisme latent dans l'île, la transmission du savoir, les couples mixtes, le sacrifice de la vie privée au profit de la carrière, l'identité culturelle guadeloupéenne. C'est trop pour qu'un seul de ces thèmes puisse être correctement illustré. 

La mise en scène ne présente aucune aspérité, elle est aussi transparente que le scénario est évanescent. 

Le principal intérêt du film est donc finalement presque documentaire : on approche de près la réalité du travail de vulcanologue, dans sa vérité scientifique un peu austère.

 

2e

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Black dog

Le personnage principal de Black dog, ne parle quasiment pas. Juste sorti de prison, il se contente, pendant une bonne partie du film, de contempler les ruines de sa ville d'enfance qui se meurt, menacé par la famille du jeune garçon qu'il a tué.

On pense donc d'abord que ce film se situe dans une série d'oeuvres chinoises très noires, souvent déprimantes, comme People mountain, People sea, ou le polar Black coal

Et puis Lang fait une série de rencontres qui change son existence : une jeune femme artiste dans un cirque ambulant et un chien retourné à l'état sauvage, à la silhouette extraordinaire (pour simplifier, une mante religieuse à pattes). Un chien tellement séduisant que l'acteur Eddie Peng l'a adopté à la fin du tournage.

Black dog devient alors une chronique attachante, d'une grande richesse. De grands évènements (les JO de Pékin, une éclipse de soleil, l'industrialisation du pays à marche forcée) viennent alors heurter avec douceur la vie quotidienne de Lang. Les évènements prennent des tours inattendus (j'ai eu plusieurs fois l'impression d'assister à la scène finale du film... qui rebondit alors).

Doté d'une image splendide, de décors qui constituent un personnage à part entière, et d'une interprétation de très haut niveau (à noter la présence du grand cinéaste Jia Zhang Ke dans un petit rôle), Black dog est captivant de bout en bout. Il offre en bonus plusieurs scènes d'anthologie, notamment la première, dans laquelle on voit une meute de chiens sauvages se précipiter sur une route, dans un décor de far-west.

Prix Un certain regard à Cannes 2024, et un des plus beaux films de cette année, assurément.

 

4e

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