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Christoblog

Articles avec #j'aime

La chambre d'à côté

On retrouve dans son dernier film ce qu'on aime chez le Almodovar vieillissant : un sens des décors imparable, une attention extrême aux visages des actrices, la musique d'Alberto Iglesias, une concision acérée et douce dans le déroulement du scénario.

Le contenu est toutefois ici un peu juste pour tenir la longueur d'un long-métrage : l'intrigue se délaye un peu dans des détours pas franchement indispensables (les flash-backs du début, le prof de la salle de sport, le personnage joué par John Turturro).

Il manque ici la densité narrative des grands films tardifs du cinéaste (Julieta, Douleur et gloire) pour nous emporter totalement. Le jeu impeccable de Tilda Swinton, que je n'ai jamais vu aussi finement expressive, tient le film sur ses épaules, même si son personnage est au final, de mon point de vue, franchement sadique : la pression psychologique qu'elle impose à son "amie" est au final insupportable, quand on y pense.

La fin du film est légèrement atone et un peu décevante. Une oeuvre mineure dans la filmographie du cinéaste espagnol, mais très au-dessus de ce qu'on peut voir en moyenne sur nos écrans, évidemment.

Pedro Almodovar sur Christoblog : Femmes au bord de la crise de nerf - 1989 (***) / En chair et en os - 1997 (***) / Etreintes brisées - 2009 (***) / La piel que habito - 2011 (***) / Les amants passagers - 2013 (**) / Julieta - 2016 (****) / Douleur et gloire - 2019 (****) / La voix humaine - 2020 (**) / Madres Parallelas - 2021  (**)

 

2e

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Maria

En se concentrant sur les derniers jours de la Callas, Pablo Larrain poursuit son exploration de la psyché de grands personnages féminins, après Jackie Kennedy et Lady Diana, en évitant toujours soigneusement les pièges grossiers du biopic.

Son style opératique, toujours d'un goût très sûr et magnant avec élégance l'emphase aussi bien que la litote, trouve ici l'occasion de s'exprimer avec justesse. Nous sommes littéralement dans la tête de Maria, avons avec elle d'étranges visions, revivons quelques moments clés de sa vie et ressentons cette dissociation progressive de l'esprit, du corps et de la voix.

Angelina Jolie est époustouflante d'élégance, Pierfrancesco Favino et Alba Rohrwacher sont formidables en domestiques souffre-douleurs énamourés de leur maîtresse, il faut dire captivante.

Le film possède certes un caractère un peu artificiel et compassé, mais ce style se marrie très bien au sujet, transformant l'agonie lente de la star en une sorte de marche funèbre d'une grande beauté : on appréciera l'exercice si on se laisse griser par les relents capiteux de la mort qui approche pour s'emparer d'une beauté déjà en partie disparue. 

 Pablo Larrain sur Christoblog : No - 2012 (***) / El club - 2015 (****) / Neruda - 2016 (***) / Jackie - 2016 (**)

 

3e

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Les chambres rouges

Rattrapage Canal+

Les chambres rouges est certainement un des films les plus étonnants de 2024.

Le réalisateur québécois Pascal Plante assume un pari osé : nous présenter le personnage d'une jeune femme, Kelly-Anne, fascinée par un tueur en série ayant sadiquement exécuté trois jeunes femmes en filmant ses actes pour les diffuser sur le dark web (au sein des mystérieuses chambres rouges).

Inutile de dire que l'empathie vis à vis de Kelly-Anne n'est pas forcément naturelle, d'autant plus qu'elle ne s'exprime que très peu, vit dans un appartement dépouillé et ne semble pas savoir elle-même ce qui la fascine chez le tueur.

On se demande où le film va nous emmener, tout au long de péripéties intrigantes qui laisse planer le doute sur les motivations réelles de l'héroïne. La mise en scène est d'une froideur assumée, à l'image de l'appartement qui abrite Kelly-Anne. L'ensemble est glaçant et finit par distiller dans l'esprit du spectateur un peu de la folie obsessionnelle qui est montrée à l'écran, tout en interrogeant habilement certains des travers du monde contemporain (l'omniprésence du numérique, l'interchangeabilité des images, les flux incontrôlés d'informations).

La tension va grandissante jusqu'à une accélération finale à laquelle on ne s'attend pas et qui conclut le film en en retournant (en partie) la perspective.

Du bel ouvrage, dérangeant et intrigant, très bien filmé, quelque part entre Seidl et Chabrol.

 

3e

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La voyageuse

Ces derniers temps, Hong Sang-Soo m'inquiétait. La dernière fois que nous l'avions vu en chair et en os, à Cannes en 2023, il semblait très diminué, presque aveugle et s'exprimant difficilement. Ces derniers films, minimalistes jusqu'à l'épure, touchaient à mon sens les limites du système HSS : trop peu de matière, un manque d'inventivité que je mettais sur le compte de la maladie.

Avec le retour d'Isabelle Huppert pour une troisième collaboration, Hong Sang-Soo retrouve me semble-t-il un peu de son énergie. On est d'abord rassurés par la présence rassérénante de quelques manies visuelles (les zooms et les dézooms), narratives (il est toujours plus agréable de parler en ayant bu de l'alcool - ici le makgeolli, un alcool de riz à l'apparence de lait fermenté) et conceptuelles (les mêmes dialogues sont dit au mot près dans des situations différentes, parfois par des personnages différents).

Nous sommes en terrain connu, et la petite musique du coréen est toujours agréable à entendre : mélange aérien de situations loufoques (la méthode d'Isabelle Huppert pour apprendre le Français aux coréens qui l'emploient est franchement bizarre), de moments de gêne captés sur le vif (la scène de jalousie de la mère, une pépite) et de poésie rôdante dans tous les plans.

La voyageuse est aussi zébré d'idées de mise en scène fulgurantes (le gilet vert d'Huppert sur une terrasse verte, un premier plan flou lors qu'elle est couchée sur le rocher) et de réflexions plutôt nouvelles sur la nature de la poésie, qui donnent lieu à des scènes intrigantes et profondes (les traductions sur Google). 

Sans atteindre la complexité et la richesse narrative des films de sa jeunesse, La voyageuse marque un retour en forme de Hong Sang-Soo, aidé ici par une Isabelle Huppert au sommet de son art, d'une précision chirurgicale dans son jeu blanc, à la fois incarné et mystérieux.

Hong Sang-Soo sur Christoblog : Le jour où le cochon est tombé dans le puits - 1996 (**) / Le pouvoir de la Province de Kangwon - 1998 (**) / La vierge mise à nu par ses prétendants - 2000 (***) / Turning gate - 2003 (***) / La femme est l'avenir de l'homme - 2003 (***) / Conte de cinéma - 2005 (**) / Les femmes de mes amis - 2009 (**) / HA HA HA - 2010 (***) / The day he arrives (Matins calmes à Séoul)  - 2011 (***) /  In another country - 2012 (***) / Sunhi - 2013 (***) / Haewon et les hommes - 2013 (**) / Hill of freedom - 2014 (***) / Un jour avec un jour sans - 2015 (**) / Yourself and yours - 2017 (**) / Le jour d'après - 2017 (**) / La caméra de Claire - 2017 (***) / Hotel by the river - 2020 (***) / Juste sous vos yeux - 2021 (***) / La romancière, le film et le heureux hasard - 2022 (**) / De nos jours - 2023 (**)

 

3e

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Mémoires d'un escargot

Le voici, le premier grand choc de 2025.

Nous n'avions plus de nouvelles de l'Australien Adam Elliot depuis 2009 et son formidable Mary and Max. Le voici qui revient avec un incroyable film d'animation pour adulte qui génère chez le spectateur toutes sortes d'émotions variées, de l'amusement à la tristesse en passant par l'étonnement le plus sincère.

Attention, il s'agit bien d'un film pour adulte ! Les thématiques abordées sont variées et ne conviennent pas à l'évidence aux petits bouts : dépression sévère, maltraitance des enfants, expériences sexuelles en tout genre dont l'échangisme, violence, obsessions et deuil. Il y a d'ailleurs un plaisir tout particulier à regarder un film en pâte à modeler capable de générer autant d'émotions diverses à partir d'idées aussi noires.

Adam Elliot réussit le prodige de nous intéresser tout du long par la grâce d'un scénario très malin et tortueux, et aussi parce que le montage de Mémoire d'un escargot est d'une précision millimétrique, générant un rythme emballant. Les trouvailles visuelles sont formidables.

Le film comprend également tout une série de référence littéraire, de mises en abîme et d'allusions à la France qui contribuent à nouer une connivence naturelle avec les spectateurs français.

Très, très beau.

Adam Elliot sur Christoblog : Mary and Max - 2009 (**)

 

4e

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City of darkness

Rattrapage DVD

Après son polar hyper stylisé Limbo, qui a rencontré un succès critique inattendu, on attendait au tournant le Hongkongais Soi Cheang.

Le voici qui revient avec une oeuvre encore plus ambitieuse, mais tout aussi formellement recherchée.

Le décor du film est un personnage en lui-même. La Citadelle de Kowloon, détruite en 1983, est reconstituée à l'écran d'une façon spectaculaire grâce à un décor incroyable. La ruelle des poubelles de Limbo, déjà très impressionnante, est ici ridiculisée par un entrelac d'étages, de patios, de balcons grillagés, de fouillis de câbles électriques, de passages improbables, qui est en soi une raison de voir le film.

La narration peut se découper en trois parties : la première dresse le portait de Kowloon à travers la découverte qu'en fait un jeune immigré, Chan Lok-kwun, la deuxième raconte l'histoire des gangs de la Citadelle et la façon dont cette histoire se raccorde à celle de Chan, enfin la troisième est un pur film de baston mâtiné de fantastique.

Si les deux premières possèdent une force romanesque indiscutable, la troisième est probablement un peu plus difficile d'accès pour les néophytes, malgré son côté très spectaculaire. Il faudra apprécier les chorégraphies stylisées et pas du tout réalistes pour profiter totalement de ces scènes de combat absolument too much.

City of darkness est un immense succès au box-office hongkongais. Il faut dire qu'il rassemble des stars du cinéma hongkongais (Lois Koo et Richie Jen), de jeunes révélations très prometteuses et des artisans hors pair, comme le spécialiste du cinéma d'action asiatique, le japonais Kenji Tanugaki.

Si vous êtes sensible à la fois au film de gangs et aux arts martiaux, City of darkness possède la force d'évocation d'un Scorsese ou d'un Coppola. 

Soi Cheang sur Christoblog : Limbo - 2023 (**)

 

3e

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Noël à Miller's point

Curieux film que ce troisième long-métrage du jeune prodige du cinéma indépendant US, Tyler Taormina.

Cela commence à peu près normalement : une famille est filmée avant d'arriver à la soirée de réveillon, où l'attend le reste de la famille, une tribu italo-américaine middle class.

Mais rapidement, on comprend que le film ne ressemblera pas à une oeuvre classique. On ne s'attache à aucun personnage, les enjeux des conversations (qu'on peine à suivre) sont évanescents, on a du mal à reconnaître les uns et les autres, les plans sont parfois entrecoupés de saillies surréalistes (une avalanche de smarties au ralenti). 

D'une certaine façon on n'est donc pas surpris quand la jeune fille de la famille s'échappe pour explorer la petite ville enneigée avec une bande de potes. La caméra de Taormina trouve alors une tonalité élégiaque, ménageant des plans d'une beauté qui prend aux tripes (le patin à glace, les jeunes dans les voitures). Le réalisme a alors totalement disparu et nous sommes dans une sorte de rêve qui tient à la fois de Wes Anderson et de Roy Andersson, mélange de visions bizarres, de nostalgie sourde et de béances presque métaphysiques.

Un film étonnant, qui révèle un réalisateur doué et prometteur. Pour la petite histoire, les rejetons Scorsese (Francesca) et Spielberg (Sawyer) y font les acteurs.

 

2e

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My sunshine

Paysages enneigés, format 4/3, image au gros grain : côté esthétique, on n'est pas chez Kore-Eda, mais pour ce qui est de l'attention portée aux enfants, on y est tout à fait.

Le jeune Takuya est timide, bègue, et joue mal au hockey et au baseball. Quand il voit la jolie Sakura patiner, il est émerveillé. Leur professeur, qui vit avec un autre homme (l'homosexualité est rarement montrée dans le cinéma japonais), se met en tête d'entraîner ce couple dissemblable pour les amener tous deux en championnat national.

L'intérêt de My sunshine est de bien rendre compte des instants de bonheur que vont vivre les trois personnages ensemble. Le réalisateur Hiroshi Okuyama possède une belle sensibilité pour filmer avec douceur des situations souvent lumineuses, avec une tendresse qui confine parfois à la mièvrerie. 

La résolution de l'intrigue est assez prévisible et sa tristesse diffuse est à l'image du film : charmante et inconsistante. On imagine que sur une trame similaire, Kore-Eda aurait injecté un plus de cruauté.

On suivra avec attention Okuyama dans l'avenir, il n'a que 28 ans.

 

2e

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Conclave

Le nouveau film d'Edward Berger ressemble un peu à un film Netflix : il brille, il fait des clins d'oeil aux spectateurs (effets faciles et mise en scène qui claque), manque d'originalité et de subtilité.

J'avais entendu à propos du film qu'il présentait des luttes de pouvoir et des conspirations dignes de Succession, mais que nenni : on est ici plutôt dans une gamme de combines qui évoque l'élection de délégués de classe au lycée (si tu votes pour moi, je te paye une bière).

Quant aux rebondissements, ils sont relativement peu nombreux et pour certains carrément improbables (l'attentat). Enfin la "surprise" finale n'en est pas vraiment une : on la voit arriver de très loin.

Restent cependant des décors impressionnants, une mise en place qui donne à voir ce que peut être l'ambiance d'un conclave, de bons acteurs (Ralph Fiennes en tête) et une micro-réflexion sur la foi et le rôle de la papauté. La mise en scène efficace fait le reste, pour donner un honnête divertissement qu'on peut aller voir sans rougir (il y a assez de pourpre à l'écran).

Edward Berger sur Christoblog : Jack - 2014 (***)

 

2e

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Everybody loves Touda

Le dernier film de Nabil Ayouch est un film simple.

Il commence par une scène mémorable, typique de l'efficacité sèche du réalisateur marocain, qui fit merveille dans Much loved.

Il s'agit d'une fête dans laquelle se produit une chanteuse qui rêve de devenir Cheika (chanteuse traditionnelle). La scène commence de façon solaire et se termine dans un chaos terrible.

Le film bascule ensuite dans une chronique sociale classique : il s'agit de dresser le portrait sensible d'une femme illettrée qui doit élever seul son fils sourd. Cet aspect est assez convenu, même s'il est très réaliste. Le véritable atout du film, presque documentaire, réside dans la découverte de ce chant très spécifique des Cheikhas, l'Aïta, une sorte de poésie très libre qui semble précurseur du raï. 

L'actrice Nisrin Erradi joue avec une force incroyable cette femme forte et volontaire, qui se heurte malheureusement à la misogynie extrême des hommes marocains, encore une fois ici exposée avec une grande âpreté par Nabil Ayouch. 

Everybody loves Touda est un film dur, parfois désespérant, qui se termine par une scène déchirante en écho de la première, jusqu'à ce que Touda explose dans un dernier cri de rage.

Nabil Ayouch sur Christoblog : Les chevaux de Dieu - 2012 (***) / Much loved - 2015 (****) / Haut et fort - 2021 (**)

 

2e

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Bird

Dieu sait si j'aime la façon de filmer d'Andrea Arnold, une cinéaste dont je ne rate aucun film.

Le début de Bird m'a d'ailleurs pleinement convaincu, dans un style dynamique qui m'a semblé synthétiser le meilleur de la Britannique : introduction en fanfare sur une formidable bande-son de Fontains DC, magnifique personnage de mec borné au bon coeur (Barry Keoghan qui joue à la Shia LaBeouf), impression saisissante de réalité, capacité de saisir l'essentiel des relations humaines en quelques plans.

Hélas, l'irruption du personnage joué par Franz Rogowski ne m'a pas vraiment convaincu. Le mélange de réalisme social et de fantastique m'a semblé artificiel, comme si deux films essayaient de coexister à l'intérieur d'un seul. Comme dans Le règne animal, la pauvreté des trucages m'a également gêné. 

J'ai enfin trouvé que le scénario s'égarait un peu dans la deuxième partie du film, certaines scènes s'éternisant ou ne servant pas directement l'intrigue.

Malgré ces quelques points négatifs liés principalement à l'écriture du film, le talent d'Andrea Arnold est tel qu'il est difficile de ne pas mettre Bird au-dessus de la majorité des films que l'on peut voir.

Andrea Arnold sur Christoblod : Red road - 2006 (****) / Fish tank - 2009 (****) / Les hauts de Hurlevent - 2011 (**) / American Honey - 2017 (**)

 

2e

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Motel destino

Karim Aïnouz n'est jamais là où on l'attend. Sa filmographie en atteste : mélodrame au long court, documentaire, film historique en costume et donc maintenant polar poisseux et coloré.

Motel Destino, mal accueilli par la presse, est pourtant très agréable, à condition d'aimer les films noirs crus et vénéneux. 

L'histoire est assez classique (elle rappelle celle du Facteur sonne toujours deux fois), mais le véritable intérêt du film se situe plutôt dans des considérations plastiques. Le décor du motel, labyrinthique et inquiétant, est fascinant, et les couleurs (impulsées par des néons rouges et verts) sont incroyablement suggestives. Le film regorge de détails (personnages secondaires, sons, objets et animaux présents à l'écran) qui renouvellent le genre.

Aïnouz parvient également à obtenir de ses acteurs une sensualité hors du commun qui sublime le caractère classique de l'intrigue, et qui contribue à donner au film son caractère moite et âpre. Le sexe est partout présent, et imprègne littéralement la pellicule. L'actrice Nataly Rocha est en particulier excellente, donnant à son personnage une forte densité charnelle, associée à une curieuse opacité.

Un film en mode mineur, à la fois acidulé et empoisonné.

Karim Aïnouz sur Christoblog : La vie invisible d'Euridice Gusmao - 2019 (****) / Le jeu de la reine - 2024 (***)

 

3e

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Le beau rôle

Bon petit film français qui hésite entre romcom piquante et réflexion sur les métiers du spectacle, Le beau rôle n'est pas désagréable à regarder.

On se foutrait cependant des péripéties assez oubliables que propose le scénario si les deux protagonistes principaux n'étaient pas Vimala Pons et William Lebghil.

La première conserve de film en film cette vivacité du visage qu'aucune autre actrice possède et qui avait marqué les cinéphiles dans La fille du 14 juillet, en 2013. Son charme, parfaitement adapté à la comédie, fait ici mouche. Quant à Lebghil, sa nonchalance résignée et parfois malicieuse trouve ici un cadre parfait, comme c'était aussi le cas dans Grand Paris et La vie de ma mère.

Sans être renversant, ce premier film du scénariste Victor Rodenbach (Platane, Dix pour cent) est donc une honnête comédie de fin d'année, teintée d'une pointe d'émotion liée à la magie du jeu et du théâtre.

 

2e

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LaRoy

Dans LaRoy, les clichés sont tellement nombreux et appuyés qu'on pense souvent être devant une caricature de film noir.

Un héros naïf, sa femme qui le trompe sans vergogne avec son bellâtre de frère, un tueur à gage froid et cruel, un détective incapable mais attachant, des gaffes à gogo et des cadavres qui pleuvent : il faut imaginer les frères Coen qui auraient décidé de se parodier eux-même.

Le talent de l'auteur réalisateur Shane Atkinson est de nous amuser tout en nous choquant, avec un sens du rythme très assuré. Malgré les invraisemblances et les exagérations, on finit par s'intéresser à l'évolution des personnages et à leur destinée. Il faut pour cela une interprétation impeccable de tout le casting, John Magaro (qu'on a plus l'habitude de voir chez Kelly Reichardt) en tête.

Un très honnête divertissement, joyeusement noir. 

 

2e

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Les reines du drame

Le cinéma queer avait pour l'instant pour moi surtout les couleurs du cinéma de Yann Gonzalez : une esthétique onirique recherchée, mais un peu froide.

Le film d'Alexis Langlois est donc pour moi une véritable surprise : il est chaleureux, romantique, amusant et lyrique. Il est aussi d'un kitsch absolument extrême, symbolisé par le personnage de Steevyshady, joué par un Bilal Hassani déchaîné.

L'histoire d'amour entre Mimi Madamour (Louiza Aura est formidable en poupée dont le physique semble infiniment malléable) et Billie Kohler (fascinante et musculeuse Gio Ventura) est bâtie sur une trame de rise and fall assez classique, ici encapsulée dans un monde complètement barré, irriguée par les réseaux sociaux et la société du paraître. 

Parmi les intérêts du film, il faut noter une série de seconds rôles azimutés particulièrement délectables, dont les deux cruelles présentatrices, vipérines à souhait, sont les joyaux. Les morceaux de musique originaux sont par ailleurs incroyablement efficaces : je peux vous assurer que vous gardez longtemps en tête l'air de "Pas touche" en sortant de la salle ! 

Les reines du drames sont un ovni qui ne ressemble à rien de connu, parfois déstabilisant par ses excès en tout genre et un peu irrégulier dans ses partis-pris formels, mais dégageant une telle énergie positive qu'il en devient férocement aimable.

 

2e

   

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Winter break

Chez Alexander Payne, la mise en place de l'histoire est toujours longue. Ici, il faut attendre un bon tiers du film avant de comprendre quels seront exactement les personnages principaux du film, et encore un autre tiers avant de véritablement saisir leur personnalité et leur histoire.

Le réalisateur américain possède une touche immédiatement reconnaissable, qui me semble comparable à la tradition du grand roman russe : le contexte est très important et il faut prendre le temps de le décrire, les personnages sont habilement caractérisés non parce qu'ils pensent, mais par ce qu'ils font, et enfin les digressions petites et grandes apportent toutes un élément du puzzle.

De cette approche méticuleuse résulte une oeuvre d'une grande profondeur, qui fourmille de détails significatifs et de situations aux multiples nuances. Ce qui paraît initialement cruel paraîtra bientôt touchant, ce qui semblait au début du film clair s'obscurcira progressivement, et réciproquement.

Au service de ce travail d'orfèvre se démène toute une troupe talentueuse. Les trois acteurs principaux, gueules atypiques chacun dans leur genre, font des miracles de sensibilité délicate, évitant en toute circonstance la mièvrerie qui rôde autour de l'intrigue. La direction artistique et la photographie servent parfaitement le propos du film, sublimant le décor étonnant d'une université désertée et enneigée, durant la trêve de fin d'année.

Le choc de ces trois solitudes malmenées par la vie est à la fois drôle, édifiant et émouvant. Winter break confirme le talent hors norme d'Alexander Payne pour dessiner de beaux portraits de groupe en prise aux difficultés existentielles.

Un des meilleurs films de 2023.

Alexander Payne sur Christoblog : The descendants - 2011 (****) / Nebraska - 2013 (****) / Downsizing - 2017 (**)

 

4e

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Vingt dieux

Je pensais que le cinéma français, avec sa production annuelle pléthorique, finirait un jour par avoir abordé tous les styles possibles... et puis arrive un film comme Vingt dieux, mélange improbable de Ken Loach (façon La part des anges) et de Raymond Depardon, tourné avec des acteurs non professionnels quelque part dans le Jura.

Un film solaire, tendre et dur à la fois, qui ne ressemble à aucun autre.

Il faut à la réalisatrice Louise Courvoisier un certain culot pour oser marier dans un premier film une âpre description sociale (outre Loach, j'ai également pensé au Wang Bing des Trois soeurs du Yunnan) à une romcom adolescente très crue, tout cela sur fond de fabrication artisanale ... du comté.

Si le film tient la route, c'est grâce à son écriture très précise, à la réalisation inventive et inspirée de la réalisatrice, mais aussi au charisme du couple des deux jeunes interprètes, Clément Faveau et Maïwène Barthelemy, irrésistibles en doux Roméo et Juliette du Doubs.

On est émus et on sourit sans barguigner.

 

3e

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Limonov, la ballade

Serebrennikov, c'est l'escalade permanente vers toujours plus de virtuosité.

Les mouvements de caméra dont le réalisateur russe est friand trouvent ainsi dans ce film une expression complètement folle, par exemple dans un plan qui voit l'acteur Ben Whishaw passer de décor en décor d'un seul élan, changeant d'époque à chaque fois qu'il ouvre une porte.

Limonov ménage aussi, et c'est moins fréquent, quelques moments de calme reposants, qui donnent lieu à de belles scènes d'intimité. 

Sinon, les tics habituels du Russe sont bien au rendez-vous : intertitres spectaculaires, morceaux rock tonitruants. Il sont ici accompagnés d'effets déjà vus chez d'autres réalisateurs (élargissement du cadre comme dans Mommy, acteur qui passe à l'envers du décor comme dans Les herbes sèches).

Tout cela donne une impression de superficialité clinquante, pas désagréable, mais un peu vaine.

Le personnage de Limonov, artiste peu entreprenant aux idées politiques assez flippantes (une sorte de nationalisme parfois fascisant, parfois apolitique), génère finalement peu d'empathie : c'est aussi un des problèmes du film. Je me suis demandé à plusieurs occasions si ce personnage méritait autant d'attention.

Limonov, la ballade est un pur exercice de style, plus digeste que les deux précédents pensums de Serebrennikov, dont on peut se demander s'il n'esquisse pas en creux un autoportrait du réalisateur.

Kirill Serebrennikov sur Christoblog : Le disciple - 2016 (**) / Leto - 2018 (**) / La fièvre de Petrov - 2021 (**) / La femme de Tchaïkovski - 2022 (**) 

 

2e

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En fanfare

Emmanuel Courcol, le réalisateur d'En fanfare, est un excellent scénariste. Outre le scénario de son premier film, le très agréable Un triomphe, on lui doit également ceux de Welcome ou de Mademoiselle, par exemple.

Il y a dans son écriture une sécheresse, un sens du rythme et une finesse qui rendent ses films extrêmement efficaces et émouvants. Ici, les personnages sont admirablement dessinés, y compris les seconds rôles. Leurs relations ne sont pas simplistes, et le propos de l'histoire, sur le papier très mélodramatique (un chef d'orchestre célèbre découvre qu'il a un frère génétique dans le Nord à l'occasion d'une maladie grave), est traité avec beaucoup de subtilité. 

Comme le rythme du film est enlevé, n'hésitant pas à utiliser de nombreuses ellipses bien venues, on ne s'ennuie pas une seconde. La convivialité du Nord donne à En fanfare une coloration bon enfant ch'ti qui rend cette histoire de fraternité particulièrement émouvante et chaleureuse.

On se régale, jusqu'à un final très réussi qui génèrera quasi-automatiquement des applaudissements dans toutes les salles où il est projeté : vous verrez, les derniers plans sont irrésistibles.

Du très bel ouvrage, qui mérite un succès public à la hauteur de plusieurs millions de spectateurs en France.

Emmanuel Courcol sur Christoblog : Un triomphe - 2021 (**)

 

3e

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Diamant brut

Premier film d'une jeune réalisatrice, Diamant brut révèle également une toute jeune actrice qui crève l'écran et dont on a pas fini d'entendre parler, Malou Khebizi. 

Nous sommes dans la banlieue de Fréjus, dans un milieu défavorisé et une famille exclusivement féminine : Liane, qui se rêve en star de télé-réalité, sa mère et sa petite soeur.

Agathe Riedinger filme tout ce petit monde caméra à l'épaule, avec beaucoup de style et de force. La vision qu'elle propose de cette classe sociale populaire est comme débarrassée des encombrants a priori qui caractérise habituellement ce type de film. Pas de misérabilisme surplombant, pas de jugement de valeur dans ce portrait d'une jeune fille biberonnée aux réseaux sociaux et qui ne se rêve qu'en personnalité instagrammable.

C'est vraiment le tour de force de Diamant brut : nous montrer sans fard une génération uniquement préoccupée par le paraître, lointaine descendante d'une ancêtre qui pourrait être la Loana du Loft, et nous la faire aimer. Liane devient par la grâce d'une direction d'actrice à fleur de peau une sorte de déesse de la superficialité épanouie, sûre d'elle et conquérante.

Diamant brut m'a rappelé le choc que j'avais ressenti en découvrant les trois premiers films d'Andrea Arnold : format 4/3, image un peu sale, inspiration parfois insensée de la mise en scène. Il réalise une sorte de miracle cinématographique : rendre la vacuité aimable par le seul vecteur d'une personnalité éclatante.

C'est une parfaite réussite.

 

4e

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