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Christoblog

Marguerite et Julien

Un accident industriel : voilà comment on peut qualifier le nouveau film de Valérie Donzelli, dont la filmographie se dégrade au fil des sorties.

Marguerite et Julien relève du pire dans tous les domaines : pire film en compétition à Cannes, plus mauvaises idées vues récemment dans un film (des gendarmes en képi au Moyen Age), histoire d'amour la plus plate filmée depuis longtemps, pire rôle d'Anaïs Demoustier, plus triste hommage à Jacques Demy (l'hélicoptère en souvenir de Peau d'âne), etc.

Il y a tellement de sujets de moqueries potentiels dans le film, tellement d'effets ratés, tant de tics inutiles (les scènes figées qui se débloquent, procédé d'une laideur insensée) que l'esprit critique s'affole. Sur quoi taper en premier ? Sur la banalisation ridicule de l'amour incestueux (qui ne peut quand même pas être la bluette décrite par le film) ? Sur l'extrême mauvais goût des anachronismes et de la direction artistique en général ? Sur l'aspect fauché des décors, dignes d'une kermesse de CM2 ?

Si le but de Valérie Donzelli était de suggérer une sorte d'intemporalité à travers ces grossiers artifices, c'est raté, et dans les grandes largeurs. Le film suinte la mièvrerie et la bêtise : pour évoquer l'amour, on montre un arc-en-ciel, pour la vie sauvage en forêt, un cerf ou un hibou. On est dans le degré zéro de la réflexion.

Les dialogues se mettent au diapason de la niaiserie absolue du film : "Si on a des enfants, tu seras à la fois le père et l'oncle? Oui ! Ah ben c'est grave !"

Un naufrage.

 

1e

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Les amitiés invisibles

Considéré comme l'un des cinéastes allemands les plus importants, pilier de l'Ecole de Berlin, Christoph Hochhausler produit des films qui m'ennuient profondément.

Il y a bien longtemps, je me souviens avoir pesté contre lui à la vision de son premier film, Le bois lacté (2003), pourtant encensé par la critique.

Son cinquième film est un catalogue de ce que le cinéma peut donner de plus présompueux. Hochhausler multiplie les effets de caméra et de mise en scène jusqu'à plus soif : effets de flou, reflets, travellings de toutes sortes (avec une prédilection pour les mouvements circulaires), angles bizarres, décadrage, contre-plongée, aberrations optiques. L'accumulation déraisonnable d'effets stylistiques rend Les amitiés invisibles pénible à regarder. 

Sur le fond, l'histoire est embrouillée à souhait. Si j'ai bien compris (mais rien n'est moins sûr), on assiste à une manipulation de journaliste par un consortium utilisant les réseaux sociaux. Le film nous égare auparavant sur de fausses pistes (une autre manipulation, plus traditionnelle, à base de politique et concernant l'armée, et des travers personnels sans lien avec la trame principale). 

Si je ne suis pas clair, c'est normal, le film ne l'est pas non plus. A éviter, sauf si vous voulez voir un cinéaste tenter de faire rentrer tout les trucs du cinéma de De Palma dans une intrigue politique aussi compliquée qu'un scénario de Christopher Nolan.

 

1e

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Je suis un soldat

Pour son premier film, Laurent Larivière réussit une entrée fracassante dans le cinéma français.

Je suis un soldat est d'abord un bijou en terme de réalisation. La photographie est magnifique : elle capte les ambiances du Nord avec une minutie et un grain limpide, et rend presque beaux les paysages plutôt tristounets de la région de Roubaix. 

Les mouvements de caméra élégants (notamment des travelings avant et arrière de toute beauté), les très beaux effets de focales et de profondeur de champ, le montage alerte : tout concourt à imposer Laurent Larivière comme un réalisateur à suivre.

Le deuxième point fort du film, c'est la présence magnétique à l'écran de Louise Bourgoin, absolument extraordinaire dans ce rôle de jeune trentenaire fauchée obligée de revenir vivre chez sa mère et sa soeur, elle-mêmes dans une grande précarité. Après La loi du marché, Je suis un soldat donne à voir le même type de pression sociale : le personnage de Sandrine doit travailler dans des conditions plus que précaires auprès de son oncle violent, alors que celui joué par Vincent Lindon devait se compromettre dans un job dégradant.

Il faut ajouter à toutes les qualités du film le tableau fascinant du milieu méconnu qu'est le commerce illégal de chiens, ainsi qu'un casting impeccable (Jean-Hugues Anglade inquiétant, Anne Benoit impeccable, Laurent Capelluto attendrissant).

A voir absolument.

 

4e  

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L'étage du dessous

Quelle déception ! 

J'avais adoré le film précédent de Radu Muntean : Mardi, après Noël. Avec Cristian Mungiu et Cristi Puiu, ce jeune réalisateur semblait s'imposer comme un des fers de lance du nouveau cinéma roumain. 

Malheureusement, son nouveau film est une sorte de caricature du cinéma roumain comme peuvent le caricaturer ceux qui ne l'aiment pas : scènes d'exposition longues et inintéressantes, intrigue minimaliste, dialogues squelettiques.

Si on retrouve par éclair le talent de réalisateur de Muntean (par exemple lors de la bagarre finale, empreinte d'une violence impressionnante), on peine à éprouver de l'intérêt pour cette histoire de quidam qui entend dans un appartement voisin des sons de violence conjugale, et qui ne témoigne pas lorsqu'il apprend le lendemain qu'une jeune femme est morte dans cet appartement.

Le problème de l'intrigue, dont on voit bien qu'elle s'inspire vaguement de Dostoievski et du thème de la culpabilité, c'est qu'on ne comprend jamais les raisons profondes qui motivent le comportement du personnage principal.

Si on ne comprend pas réellement non plus la nature de son activité professionnelle, cela est moins grave. On pourra considérer que le film donne à voir, presque d'un point de vue documentaire, le caractère kafkaien de la bureaucratie roumaine.

En hésitant entre plusieurs registre (la chronique sociale pointilleuse, le fantastique, le film d'irruption / séduction type Théorème), le film expose trop clairement l'indigence de son scénario.

Radu Muntean sur Christoblog : Mardi, après Noël (****) / et tout le cinéma roumain.

 

1e

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21 nuits avec Pattie

L'intérêt du nouveau film des frères Larrieu est double : la prestation des acteurs est somptueuse et le scénario est ébouriffant.

Commençons par les acteurs. Karin Viard est tout simplement bluffante, en nymphomane décomplexée narrant avec bonhomie ses aventures sexuelles en tout genre. Elle souffle sur tout le début du film comme les vents d'Espagne qui ne sont pas capable d'assécher l'humidité de ses parties intimes.

Isabelle Carré est son exact contraire en tout : réservée, timorée sexuellement (impuissante dit-elle joliment), poitrine menue contre attributs mammaires impressionnants. André Dussollier vieillit à merveille, jouant avec un brio délicieux le vieux beau. 

Les seconds rôles sont à un niveau rarement atteint dans le cinéma français : Denis Lavant qui donne l'impression de brûler la pellicule à chaque apparition, Laurent Poitrenaux excellent en gendarme perspicace et Sergi Lopez très convaincant en mari soucieux.

Deuxième point fort du film, le scénario nous entraîne dans un labyrinthe qui mélange habilement la logique la plus cartésienne et le surnaturel. Il parvient à le faire, il est vrai parfois de justesse, par le biais des fantasmes et des désirs. Comme toujours chez les Larrieu, le désir sexuel tient donc une place importante : il apparaît ici clairement comme le vecteur de réalisation personnelle, quelque soit son objet, et à condition qu'il soit bien détaché de ce vieux concept rétrograde qu'est l'amour.

Un festival d'acteur et un jeu intellectuel stimulant, pour un bon moment de cinéma.

 

3e

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Macbeth

Macbeth commence plutôt bien. 

On est impressionné par la rudesse des moeurs et l'âpreté des paysages, qui évoquent un côté sombre et brutal de l'univers shakespearien, rarement montré au cinéma. L'univers de Kurzel rappelle furieusement celui du Guerrier silencieux de Winding Refn.

Hélas, le caractère réaliste et sauvage des paysages écossais s'estompe rapidement pour laisser place à un long clip esthétisant.

La bascule d'un certain vérisme à un baroque boursouflé a lieu assez tôt, lors de la grande bataille, montrée avec force ralentis et jets d'hémoglobine. Elle se concrétise totalement dans le Palais du roi, dans lequel on allume des milliers de bougies, dans un style très "hommage à Lady Diana". Il ne semble manquer alors que la musique d'Elton John.

De chronique médiévale, Macbeth devient brouet new age dans lequel cieux rouge sang et musique envahissante noient l'impact de l'histoire.

Ce glissement est particulièrement triste : le film permettait de nous remémorer l'histoire de Macbeth, incroyablement forte, et l'interprétation est plutôt bonne dans l'ensemble. Quelques trouvailles fonctionnent très bien (les sorcières).

On se demande quelle mouche a piqué Kurzel pour que celui-ci transforme au fil des minutes son austère drame écossais en Game of Thrones sauce bolognaise.

 

 2e  

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L'hermine

Le dernier film de Christian Vincent entrelace subtilement plusieurs thèmes.

Le premier est passionnant. Il s'agit de suivre un procès d'assises très commun (un bébé de sept mois tué parce qu'il pleurait trop) de l'intérieur. Il n'est pas si courant de voir comment les jurés d'assises vivent leur expérience

Habituellement, les films de procès, dont le parangon est bien sûr Douze hommes en colère, s'attachent à bâtir un suspense sur la culpabilité de l'accusé. Ici, rien de ce type : le film s'attache à montrer les doutes, le travail de réflexion des jurés, les liens qui se tissent fugitivement entre eux. Le verdict est d'ailleurs d'une certaine façon expédié, escamoté.

Le deuxième thème du film est le personnage du juge lui-même : un homme sec, désagréable, mais qui réalise son travail avec précision et efficacité. On dit parfois que certains grands films sont des documentaires à propos de leur acteur principal, et c'est l'impression que l'on a en regradant L'hermine. Fabrice Luchini, qui est loin d'être mon acteur préféré, trouve ici un de ses tout meilleurs rôles : il ne surjoue jamais (un exploit pour lui !) et son personnage évolue tout en finesse. 

Le troisième thème du film est une histoire d'amour légère, aérienne, incroyablement ténue et fragile, entre le juge et un médecin urgentiste joué par la superbe Sidse Babett Knudsen (la présidente de Borgen). Il fallait sa classe naturelle et la formidable mobilité de son visage pour que l'on puisse croire à cette romance platonique, semblant provenir d'un autre espace-temps.

Le film permet à ces trois thématiques de ce répondre l'une l'autre. Sous ses dehors anecdotiques, il s'avère d'une belle et riche profondeur.

 

3e

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El club

Pablo Larraín s'affirme de film en film comme un immense réalisateur.

Avec ce petit bijou, tourné en vitesse entre deux projets plus importants, il nous scotche littéralement à notre siège.

Le début du film est sidérant : quatre prêtres catholiques sont retirés dans une maison en bord de mer, gardés par une soeur.

Qu'ont-ils fait ? Sont-ils prisonniers, malades ou en retraite ? On est littéralement happé par les tronches des acteurs et la mise en place de l'histoire. La mise en scène est magistrale, la photographie somptueuse, avec ses nuances de surexposition blanchâtre et son aspect éteint. On sent en quelques plans à quel point Pablo Larrain est doué pour installer une ambiance et raconter une histoire, en réussissant une parfaite osmose entre le jeu de ses acteurs (remarquables), les images pleines de force, la musique suggestive (classique dépouillé ou jazz aérien) et la profondeur des sentiments en jeu.

Après un début captivant mené sur un rythme d'enfer, l'arrivée d'un nouveau père dans la petite communauté va changer la tonalité du film, qui devient alors plus instrospectif, puis plus baroque. La fin est totalement inattendue. 

Cette oeuvre dépouillée va chercher haut dans les cintres de la foi des turpitudes qui pourront choquer les spectateurs : il ne faut probablement en conseiller la vision qu'aux aventuriers cinéphiles amateurs de sensations fortes. Pour ceux-ci, la jouissance esthétique sera extrême.

 

4e

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Les suffragettes

Il arrive que le sujet d'un film soit plus intéressant que le film lui-même.

C'est exactement le cas des Suffragettes, dont l'intérêt principal est de nous éclairer sur ce mouvement féministe né dans les années 1910 en Angleterre.

Non pas que la réalisatrice Sarah Gavron démérite : sa mise en scène, assez sage, ne manque pas d'élégance. Les décors sont bluffants, bien meilleurs en tout cas que ceux des Anarchistes, qui se déroule approximativement à la même époque. On appréciera l'immersion dans la blanchisserie, dans les rues de Londres ou les logements insalubres. 

Carey Mulligan est particulièrement convaincante dans son rôle de timide déterminée, Helena Boham Carter est parfaite comme d'habitude. Meryl Streep ne fait qu'une apparition, mais celle-ci est très bonne.

Bref, pas grand-chose à reprocher au film, si ce n'est son caractère gentiment émollient, son académisme suranné. Il manque un souffle, un frisson, qui nous fassent vraiment plonger dans l'histoire. Les péripéties parfois un peu alambiquées qui tentent de dynamiser le récit (le faux suspense du policier qui se rend aux courses par exemple) ne parviennent pas faire décoller notre intérêt qui restera donc poli.

 

 2e  

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Dope

Premier film du jeune américain Rick Famuyiwa, Dope est un feel-good movie parfaitement surdosé en vitamine.

Malcom, fan de hip-hop des années 90, habitant le quartier chaud d'Inglewood (banlieue de LA), se retrouve en possession d'une grande quantité de drogue suite à un concours de circonstance délirant.

Suivent de multiples péripéties parmi lesquelles il faut noter : une bombasse qui vomit sur notre jeune héros, des coups de feu dans un fast-food, du traffic de drogue sous couvert de concours de chimie, un sens inné du business sur internet, le piratage de comptes en banque et bien entendu, une histoire d'amour contrariée.

Tout cela est mené tambour battant avec toute la fantaisie d'un premier film, les idées jaillissant de tous les plans, ou presque. L'overdose de références (l'ombre tutélaire de Spike Lee plane sur le film) guette le spectateur, mais pour peu qu'on accepte la surenchère de rebondissements improbables, on se laissera volontiers séduire par la gentille manipulation du réalisateur qui nous emmène dans son délire rafraichissant.

Formidable Shameik Moore, un jeune acteur promit à un grand avenir.

 

2e  

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Nous trois ou rien

Difficile de savoir quoi penser de ce film, qui commence comme une chronique familiale orientale, se poursuit par un drame politique, tourne à la farce (Alexandre Astier qui joue le Chah d'Iran sur le mode Kaamelott) et se termine en hommage touchant à l'intégration.

Le film a des difficultés à trouver le ton juste sur la durée, mais il est vraiment très difficile de ne pas se laisser toucher à un moment ou à un autre par l'humanité des personnages, la justesse d'une scène ou le caractère édifiant d'une situation. 

On navigue donc des presque larmes (l'assassinat des amis) au presque rire (Chokri et sa manie du vol de vêtement) jusqu'à l'épilogue émouvant qui met en relation les images du film et les photos des personnes ayant inspiré chaque personnage. Ce qu'on pensait avoir été dessiné à trop gros traits (la fresque sur l'immeuble par exemple), s'avère alors tout à fait réel, et donne a posteriori au film un caractère fort respectable.

Touchant et amusant, à défaut d'être bouleversant.

 

2e  

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Gazette du festival du film d'Arras 2015

15 novembre

Dernier jour à Arras. L'hôtel de ville est éclairé en bleu, blanc et rouge. Nous voyons d'abord Les suffragettes, agréable et didactique film qui évoque l'histoire ... des suffragettes. Intéressant historiquement, mais un peu académique à mon goût.

Dans ces jours de tristesse et de deuil, l'irrésistible vent de fraîcheur et de plaisir que fait passer La vie est belge, de Vincent Bal, fait un bien fou. Il s'agit d'une comédie musicale mettant en scène deux fanfares en concurrence, une wallone et une flamande. Le film va être distribué en France et tant mieux pour vous : c'est la garantie d'une soirée décalée et ébouriffante, un peu comme si Christophe Honoré avait tourné une comédie chantée avec Benoit Poelvoorde.

En ce qui concerne le Palmarès:

-L'atlas d'or est remis au magnifique Virgin mountain de Dagur Kari (cf ci-dessous)
-L'atlas d'argent revient à Thirst de la bulgare Svetla Tsotsorkova
-Le prix de la critique est attribué a The red spider, que j'ai eu la chance de voir et dont j'ai dit du bien également (lire ci-dessous)
-Enfin le prix du public et décerné à The fencer, film finlandais de Klaus Haro

A l'année prochaine !

 

14 novembre

Ce matin, je me suis posé la question de retourner au Festival, avant de décider d'y aller : si nous sommes terrorisés par les terroristes, alors ces derniers ont gagné la partie. Je retourne donc à Arras, presque par principe, en signe de résistance. 

Virgin mountain (sortie le 26 mars 2016), film islandais en compétition, est une petite merveille de sensibilité et de délicatesse. C'est le portrait de Fusi, 43 ans et obèse, renfermé et peu adapté au monde moderne, qui tombe amoureux et s'ouvre progressivement à l'extérieur. Le film est en compétition et je le verrais bien remporter quelque chose.

The culpable est un film allemand qui tisse une belle intrigue autour d'un prêtre catholique pédophile. L'originalité du film, très solide et agréable, est de conter l'histoire à travers les états d'âme d'un ami du coupable. Longue discussion très intéressante après le film avec le réalisateur Gerd Schneider, qui fut lui-même prêtre.

Fin de journée en famille pour l'avant-première mondiale de Encore heureux, de Benoit Graffin (scénariste chez Pierre Salvadori ou Catherine Corsini), avec des acteurs en pleine forme : Sandrine Kiberlain, Edouard Baer et Bulle Ogier. La comédie a suffisamment de mauvais esprit pour être originale et de rythme pour être agréable. Benoit Graffin habite à une centaine de mètres de la rue de Charonne. Il n'est évidemment pas venu assister à ce moment pourtant si important de la vie de son film, et on le comprend. 

 

13 novembre

A 19h, l'ironie cruelle de la vie fait en sorte que j'assiste à la projection de Dough, comédie consensuelle mettant en scène l'amitié d'un vieux juif blanc et d'un jeune musulman noir. Nous discutons de tolérance entre religions avec le réalisateur John Golschmidt et le jeune acteur. 

Quelques minutes plus tard, les carnages parisiens vont commencer et se dérouler pendant que j'assiste à la projection d'un film en compétition, The red spider, du polonais Marcin Koszalka. Le film est formellement admirable, oprressant et très réussi. Il démontre la grande forme du cinéma polonais. 

C'est sur la route du retour à Lille que je découvre en écoutant la radio l'horreur de tout ce qui vient de se passer. Je ne peux faire autrement que regarder, hagard, les chaînes d'information continues jusqu'à deux heures du matin.

 

9 novembre

Béliers, prix Un certain regard à Cannes 2015, est mon deuxième coup de coeur du Festival. Le film de l'islandais Grimur Hakonarson est une épure merveilleusement filmée, dont aucun plan n'est superflu. Le film sort le 9 décembre et je le recommande très chaudement.

Le dernier film de la soirée, Les amitiés invisibles, de l'allemand Christoph Hochhausler, est d'une préciosité glacée qui m'a laissé complètement indifférent. J'avais vu le premier film de ce réalisateur il y a bien longtemps (Le bois lacté en 2003), qui m'avait fait cette même impression de prétention affectée. Si vous tenez vraiment à vous ennuyer, ce sera à partir du 18 novembre.

8 novembre

Ce matin, El cinco, de l'argentin Adrian Biniez (Ours d'argent à Berlin en 2009 avec Gigante), s'intéresse avec finesse à un sujet rarement traité au cinéma : la reconversion d'un joueur de foot, qui se rend compte qu'il ne sait rien faire. C'est doux-amer, peut-être un peu trop doux et pas assez amer, mais en tout cas plein de sensibilité.

Fin d'après-midi ratée : la projection au Casino du film de Guédigian, Une histoire de fou, est retardée pour un incident technique, et comme je travaille tôt demain matin, j'abandonne après trente minutes d'attente.

 

7 novembre

Ouverture du Festival avec un premier film de la suédoise Sanna Lenken, My skinny sister (sortie le 16 décembre). En partie autobiographique, le film traite avec talent et sensibilité de l'anoxérie. Le film est tourné du point de vue d'une enfant de 12 ans, un peu comme l'était Tomboy. Une réussite. J'enchaîne avec Chala, une enfance cubaine (sortie début 2016), un puissant mélodrame, énorme succès dans son pays, et qui ne se prive pas d'envoyer quelques piques au pouvoir cubain. Une chronique pleine d'une énergie débordante, mon premier gros coup de coeur.

La suite est d'un tout autre genre : Why me ? du roumain Tudor Giurgiu est un thriller politique rigoureux et éloquent, un peu sec dans son propos, mais édifiant sur l'état de déliquescence de la Roumanie au début des années 2000. Le film n'a pas de distributeur en France pour l'instant, comme d'ailleurs You're ugly too, de l'irlandais Mark Noonan. Un très joli premier film, très bien servi par ses acteurs, en particulier l'excellent Aidan Gillen, que les habitués de la série Game of thrones connaissent sous les traits de Petyr Baelish, alias Littlefinger.

Dernier film de cette journée dense avec le distrayant et enlevé A perfect day (sortie le 16 mars 2016) de l'espagnol Fernando León De Aranoa, qui est à l'humanitaire (dans les Balkans) ce que M.A.S.H. a été à la guerre (en Corée). En moins subservif, et en plus glamour. Benicio del Toro et Tim Robbins excellent dans leur rôle. Mélanie Thierry et Olga Kurylenko aussi.

 

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Les anarchistes

Comment autant de bons ingrédients peuvent-ils se combiner pour faire un si mauvais film ? C'est la question que l'on se pose à la vision du dernier film d'Elie Wajeman.

Le sujet est pourtant intéressant, les acteurs pas si mauvais, les décors plutôt beaux (sûrement un peu trop), la photographie jolie (au point de paraître fade).

Tout ce qui constitue le film semble engoncé, désincarné, amidoné. La lumière bleue dans laquelle baignent les personnages sent la naphtaline, et la mise en scène ne parvient pas à insuffler de la vie dans cette histoire d'amour et de politique, dont on se contrefout au final.

Le scénario est particulièrement indigent, survolant les aspects historiques en enfilant les clichés du film d'infiltration (l'entrant qui se laisse contaminer par les idées du groupe qu'il infiltre, etc). L'intrigue alterne les absences, les poncifs et les platitudes. 

Adèle Exarchopoulos n'est pas très à son aise, mais ne pourra-t-on jamais plus la voir autrement que comme l'Adèle de Kechiche ? Tahar Rahim joue un peu plus finement que d'habitude, mais ce sont les seconds rôles qui brillent surtout : Guillaume Gouix, Karim Leklou et Swann Arlaud sont tous très bons.

Dommage, ils ne parviennent pas à sauver le film.

 

1e

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007 Spectre

Le nouveau Bond représente le niveau zéro zéro de l'imagination.

Le scénario, pour commencer, est d'une platitude innommable : le dernier Mission Impossible  parait une mine infinie de nouveautés si on le compare au brouet de Spectre. Et je ne parle pas du feu d'artifice d'idées lancé par les artificiers de Kingsman en début d'année.

Chez Bond, le schéma est tellement éculé et désuet qu'il fait peine à regarder : le programme 00 est annulé et Bond est isolé (coucou MI6), il trouve un méchant, qui lui donne un indice pour trouver un méchant pire que lui. Bond le traque pour un combat final. Entre temps il tombe amoureux de la fille du premier méchant, qui est très gentille. C'est tout. Et c'est délayé pendant 2 longues heures et 30 interminables minutes.

Si la faiblesse du scénario est affligeante, les décors du film impressionnent par leur manque d'originalité : une Italie de pacotille (re-coucou MI6), une Autriche enneigée, un Mexique de carte postale (la meilleure séquence), et un Maroc dans lequel existe encore des trains dans lesquels des boys repassent des costumes. Mais dans quel siècle vivent les scénaristes ? Bond ne pourrait-il pas parfois se retrouver en banlieue, pour changer ?

Les scènes d'action ne présentent aucun signe de renouvellement : on est dans l'hyper traditionnel boum-boum-je te pousse à l'extérieur du train, du bâtiment ou de l'hélicoptère (la production a du avoir un prix de gros pour caser dans le film deux séquences du genre, une au début et une à la fin). 

Les gadgets sont pitoyables, les seconds rôles aussi. L'humour est pratiquement absent. Même Christoph Waltz n'arrive pas à paraître méchant, un comble ! 

Les deux scènes d'épilogue sont à pleurer. On a l'impression que la production, à court total d'idées, n'a rien su faire d'autre que filmer une voiture vintage, en mettant dedans une Léa Seydoux qui ne dépasse jamais dans le film le rôle de potiche consentante. 

Un naufrage.

 

1e

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Un état du monde et du cinéma - 7ème édition

Le Forum des images organise la 7e édition du festival Un Etat du monde… et du cinéma du 13 au 22 novembre. L'axe de la manifestation est de questionner l’état du monde par le cinéma de fiction.

Au menu, une programmation de près de 50 films et la présence d’une quarantaine d’invités qui confrontent leur point de vue, lors des projections et des rencontres.

Dans son décryptage de l’actualité internationale, la programmation de cette 7e édition déroule trois thématiques : « La Tunisie au féminin », « Cuba à l’heure de l’ouverture » et « L’homme face au climat ».

Parmi les films que vous pourrez y voir : les cannois de la sélection Un certain regard, Béliers de Grímur Hákonarson, An de Naomi Kawase, Taklub de Brillante Mendoza, mais aussi le dernier film de Pablo Larrain, El club, ou le magnifique film cubain Chala, une enfance cubaine, à ne manquer sous aucun prétexte.

Je suis heureux d'offrir à mes lecteurs parisiens 5 invitations pour deux personnes pour la projection du très beau Mountains May Depart de Jia Zhang-ke, le vendredi 20 novembre à 20h. C'est simple : les gagnants seront les cinq premiers à m'envoyer par ici le nom de leur film préféré de Jia Zhang-ke. Bonne chance.

Tous les détails sur le site du Forum des images.

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Le fils de Saul

Le fils de Saul, Grand Prix du dernier Festival de Cannes, est de cette étoffe dont on fait les Palmes d'Or.

Nul doute en effet que l'unanimité se serait aussitôt faite autour du film de Laszlo Nemes, s'il avait remporté la récompense suprême. 

Rappelons brièvement le sujet du film. Saul, Sonderkommando (c'est à dire déporté chargé de conduire les nouveaux arrivants vers les chambres à gaz), croit reconnaître son fils dans un cadavre d'enfant, et cherche à l'enterrer. On le suit pendant une journée et demi dans un camp d'extermination.

Sur cette trame franchement casse-gueule, le jeune hongrois réussit un chef-d'oeuvre, en évitant soigneusement tous les écueils possibles. Le film n'est ni voyeuriste, ni affecté, ni provocateur. Il réussit le prodige de réunir à peu près toutes les bénédictions des connaisseurs de la Shoah et des cinéphiles, à part bien sûr les Cahiers du cinéma, qui confirment leur statut de hater de la presse écrite, en comparant le film à l'émission de télé-réalité Vis ma vie.

Nemes utilise un procédé qui peut paraître artificiel lorsqu'on le décrit (la caméra reste perpétuellement attaché au personnage de Saul, et les horreurs entrevues en arrière-plan sont souvent floues), mais qui à la vision du film provoque un effet de sidération naturel et haletant, tout à fait hors du commun. Contrairement à ce qui est dit ici où là, cette façon d'être concentré sur le personnage principal n'évoque pas le jeu vidéo, dans lequel la profondeur de champ est forcément plus grande, mais plutôt une sorte d'asphyxie mentale, à laquelle seuls les derniers plans  permettront d'échapper.

L'impression qu'on a en découvrant le film est que Nemes a trouvé la seule façon acceptable de filmer son histoire.

D'un point de vue artistique, la performance est sidérante. La prestation de Géza Rohrig est inouïe, la complexité de construction des plans invraisemblable. Tout m'a semblé incroyablement parfait et novateur dans la conception du film, de l'utilisation du format carré à la bande-son d'une brutalité prodigieuse.

Les superlatifs se bousculent sur le clavier pour évoquer cet objet qui est autant une expérience de vie que du cinéma. Comme beaucoup d'autres j'imagine, je suis sorti de la salle hébété, abasourdi par le sentiment de précarité de la vie humaine que procure le film : on meurt évidemment pour (un) rien dans le film, et Saul ne s'en tire à chaque fois que par l'adéquation miraculeux de son comportement à des règles du jeu inhumaines. 

Le fils de Saul, c'est un voyage dans un train de l'horreur lancé à vive allure, une sorte de parcours initiatique dans les Cercles de l'enfer, dans lesquels brille, fragile et indestructible, une petite flamme d'humanité. C'est aussi et surtout un moment incroyable de cinéma, indépendamment, osons-le dire, du sujet qu'il traite.

 

 4e 

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