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Christoblog

Articles avec #pedro almodovar

La chambre d'à côté

On retrouve dans son dernier film ce qu'on aime chez le Almodovar vieillissant : un sens des décors imparable, une attention extrême aux visages des actrices, la musique d'Alberto Iglesias, une concision acérée et douce dans le déroulement du scénario.

Le contenu est toutefois ici un peu juste pour tenir la longueur d'un long-métrage : l'intrigue se délaye un peu dans des détours pas franchement indispensables (les flash-backs du début, le prof de la salle de sport, le personnage joué par John Turturro).

Il manque ici la densité narrative des grands films tardifs du cinéaste (Julieta, Douleur et gloire) pour nous emporter totalement. Le jeu impeccable de Tilda Swinton, que je n'ai jamais vu aussi finement expressive, tient le film sur ses épaules, même si son personnage est au final, de mon point de vue, franchement sadique : la pression psychologique qu'elle impose à son "amie" est au final insupportable, quand on y pense.

La fin du film est légèrement atone et un peu décevante. Une oeuvre mineure dans la filmographie du cinéaste espagnol, mais très au-dessus de ce qu'on peut voir en moyenne sur nos écrans, évidemment.

Pedro Almodovar sur Christoblog : Femmes au bord de la crise de nerf - 1989 (***) / En chair et en os - 1997 (***) / Etreintes brisées - 2009 (***) / La piel que habito - 2011 (***) / Les amants passagers - 2013 (**) / Julieta - 2016 (****) / Douleur et gloire - 2019 (****) / La voix humaine - 2020 (**) / Madres Parallelas - 2021  (**)

 

2e

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Madres paralelas

On est bien chez Almodovar : décoration intérieure et costumes aux couleurs pimpantes (le vert omniprésent !), Penelope Cruz en muse, Rossy de Palma en second rôle, une intrigue alambiquée, l'opposition campagne / Madrid, une mise en scène d'une élégance rare, la petite musique d'Alberto Iglesias, la sensation du temps qui passe, l'orientation sexuelle flottante, les dilemmes moraux, et la famille.

Tout est là, mais je suis resté un peu extérieur au film, comme si j'assistais à un cours d'Almodovar. Le film n'est pas désagréable à regarder et emporte le morceau grâce à l'incroyable Penelope Cruz qui irradie l'écran, mais Madre paralelas est un exercice de style qui manque un peu de chair et d'épaisseur. Il faut attendre la toute fin pour éprouver une véritable émotion, lors d'une scène qui n'est par ailleurs pas totalement satisfaisante.

Le film plaira aux inconditionnels du réalisateur espagnol, qui retrouveront avec plaisir la petite musique devenue depuis plusieurs films sa marque de fabrique, ici jouée adagio, sans morceau de bravoure ni étincelle géniale. 

 

2e

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La voix humaine

Pas facile de parler de cet objet curieux que j'ai du mal à appréhender : à peine plus qu'une publicité pour Nespresso, un peu moins qu'un moyen métrage, La voix humaine résiste à la catégorisation.

Le mieux est peut-être de l'envisager comme une dette vis à vis du temps qui passe : on se souvient que dans Femmes aux bord de la crise de nerf, il était déjà question de mettre en scène cette pièce de Cocteau. Ou peut-être comme une sorte de manifesto : moi, Almodovar, esthète devant l'éternel, je vais jouer avec les couleurs (je milite pour la création du rouge Almodovar), la réversibilité des décors, le sens du rythme et le choix des accessoires, l'utilisation judicieuse de la musique, la beauté insondable des vêtements, autant de sujets que je maîtrise et que j'aime.

Dernière option possible : le film est le compte-rendu de la rencontre d'Almodovar entomologue et de la mante religieuse Tilda Swinton, l'actrice qui ne perd jamais une occasion de tourner avec les plus grands.

Le résultat ne m'a pas réellement enthousiasmé, même s'il me faut admettre qu'il est admirable par certains aspects. La voix humaine est au pire une curiosité de cinéphile, au mieux une friandise pour les fans. Le contenu narratif de l'oeuvre est égal à son pitch, tout l'intérêt réside donc dans sa forme, almodovarienne en diable, sans déchet, sans graisse, mais aussi curieusement sans beaucoup de goût.

A vous de voir.

 

2e

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Femmes au bord de la crise de nerf

Revoir Femmes au bord de la crise de nerf 30 ans après sa sortie procure de curieuses sensations

En premier lieu, le souvenir d'une comédie complètement déjantée au style extrêmement choquant est balayé par ces retrouvailles.

Si la fin du film est effectivement un poil foutraque, toute la première partie est plutôt lente, douce et teintée d'une certaine tristesse. D'autre part, tout ce qui pouvait sembler résolument nouveau en 1989 (les couleurs criardes, les vêtements et la déco invraisemblables, une certaine crudité dans l'expression des femmes sur leur sexualité) semble aujourd'hui tout à fait sage et convenu.

Le deuxième point qui saute aux yeux, c'est à quel point tout le cinéma d'Almodovar est déjà présent dans ce film, derrière la façade sympathique mais un peu factice de vaudeville survitaminé, que ce soit en terme de mise en scène (les gros plans sur les objets et les visages), de scénario (la complexité et la profondeur), ou de thématiques (les corps hors norme, les femmes puissantes qui se réalisent à travers les drames, le pouvoir des coïncidences, les troubles mentaux).

Le film qui donna au réalisateur espagnol une renommée mondiale mérite vraiment d'être revu : sa mécanique imparable et complexe fonctionne encore très bien et Carmen Maura y est excellente (même si le tournage fut pour elle un cauchemar et marqua le début d'une brouille durable avec Almodovar).

Dans Etreintes brisées, sorti en 2009, un personnage du film tourne un film dans lequel sont repris de nombreux détails de Femmes au bord de la crise de nerf (le téléphone rouge à terre, la préparation d'un gaspacho aux somnifères) : une façon pour le cinéaste madrilène de rendre hommage au film jalon de son début de carrière.

A (re)voir.

 

3e

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Douleur et gloire

Ce soir vendredi 17 mai 2019, j'ai eu la chance d'assister à la projection de Douleur et gloire dans le Grand Théâtre Lumière de Cannes, en présence de l'équipe du film.

Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'étreinte qu'échangèrent il y a quelques minutes Antonio Banderas et Pedro Almodovar avait une intensité incroyable. 

Le film est en effet une mise en abyme à plusieurs niveaux concernant l'homme et le cinéaste, interprété magistralement par l'acteur espagnol. 

Après un départ plutôt sage, baignant dans la lumière dorée des souvenirs d'enfance, Douleur et gloire empreinte brutalement des chemins plus escapés : il va être question d'héroïne, d'écriture, de problèmes de santé et de souvenirs plus ou moins agréables. 

Le film décolle à partir du moment où la mise en abyme se résout dans la rencontre de Federico / Marcello avec Salvador / Pedro. Ce moment de cinéma, un des plus beaux en matière de sentiments amoureux que j'ai pu voir ces dix dernières années, fait décoller le film vers des hauteurs qui semblent compatibles avec l'idée d'une Palme d'or.

Justesse des sentiments, perfection de la mise en scène, intelligence du montage, performance exceptionnelles de tous les acteurs : dans sa deuxième partie, le film-somme d'Almodovar semble capable de cumuler tous les superlatifs dans tous les domaines.

C'est simple et beau.

 

4e 

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La piel que habito

Bon, allez, on ne va pas tourner autour du pot : c'est un Almodovar pur jus, tourné en roue libre par Pedro.

Voilà. Donc, vous savez déjà ce que vous allez y trouver avant de le voir : du sexe, de la violence, des histoires de famille, une réflexion sur le corps, des décors toujours choisis avec un goût à la fois kitsch et très sûr, des acteurs et actrices plutôt très bons et entièrement dévoués au maestro, la musique pseudo classique de Iglesias, une chanson culte, un scénario alambiqué avec retour dans le passé, de discrets mais élégants mouvements de caméra, un sens du cadre absolu, des coups de feu, une confusion des genres, etc...

L'émotion manque parfois, les péripéties sont un peu trop prévisibles (tout en étant complètement improbables, c'est la curiosité du film) et certaines scènes semblent tournées par un assistant peu inspiré, mais ça reste tout de même au global du bel ouvrage. 

 

3e

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Julieta

Avec Almodovar, on viellit ensemble. Quand il était en âge de tourner Femmes au bord de la crise de nerf, j'étais en âge de le regarder (avec un petit effet retard, car il a quand même 16 ans de plus que moi).

Aujourd'hui, je dois donc être particulièrement bien disposé à recevoir Julieta et ses thématiques (le temps qui passe, le rapport aux enfants qui grandissent, le retour sur le passé).

Il me semble qu'Almodovar, avec ce film, accentue ses rapprochements avec Hitchcock, déjà perceptibles dans certains de ses films précédents.

L'atmosphère créée au début du film est par exemple volontairement mystérieuse. Le flash-back du train est à ce titre exemplaire, et comporte tout ce que le film a d'excellent. Il commence par "J'ai rencontré ton père dans le train". On voit un homme s'asseoir en face de l'héroïne, on pense que c'est lui ! Mais non. Pourtant le rôle de cet homme va être décisif pour la suite. Il règne dans toute cette scène une ambiance qui n'augure rien de bon (le cerf est bizarre, le choc du train est montré à l'aide de ralentis anxyogènes) alors qu'elle est aussi la rencontre sensuelle de Julieta et de Xoan.

Autre similitude avec les films d'Hitchcock : l'attention extrême qu'accorde Almodovar à la forme. Le film est en tous points magnifique formellement : les décors sont sublimes (les couleurs de l'appartement de Julieta !), la musique est envoutante, la mise en scène d'une fluidité magistrale, à l'image de cette séquence incroyable où les deux actrices jouant le même personnage se succèdent dans le même plan. C'est très lentement et avec beaucoup de subtilité que l'intrigue se dévoile petit à petit.

Un très beau film porté par un groupe d'actrices magnifiques, incluant une fois de plus l'impayable Rossy de Palma en domestique acariâtre.

 

4e  

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Les amants passagers

Malheureusement pas grand-chose à sauver dans cet Almodovar mineur, si ce n'est le générique pimpant, typiquement movida revival

Les tics du réalisateur espagnol ne fonctionnent pas du tout dans cette comédie prétendument loufoque. Les stewarts sont tous gays façon Cage aux folles, mais ça ne fait plus rire grand-monde depuis que Michel Serrault est mort, j'imagine.

Les anecdotes concernant les différents personnages sont inintéressantes au possible, le summum de l'ennui étant généré par les scènes tournées en dehors de l'avion, complètement fades et inutiles.

L'impression générale est celle d'un laisser-aller coupable, d'une friandise bon marché bâclée, d'une bande-annonce dont on aurait allongé la sauce.

Le passage comédie musicale évoque un vieux clip des années 80 tourné à peu de frais dans le garage d'un étudiant en cinéma, la vulgarité atteint des sommets de non-drôlerie, et les dernières scènes ajoutent encore au ridicule du film. Indigne du maître.

 

2e

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En chair et en os

Démarrage en douceur au festival espagnol 2011 avec un bon petit Almodovar

C'est la première fois depuis longtemps que je revisite un film de Pedro en reculant aussi loin dans le temps (le film a 14 ans) ! Cela procure une étrange sensation, pas désagréable.

Almodovar apparaît clairement comme un cinéaste à la fois classique et majeur, à l'instar d'un Sirk, d'un Mankiewicz ou d'un Visconti. Sa mise en scène est brillante (voir cette scène d'ouverture époustouflante dans laquelle Penelope Cruz accouche dans un bus), sa direction d'acteur parfaite (tout le casting semble donner le meilleur de lui-même), son scénario retors (d'après Ruth Rendell), son montage réfléchi, ses tics déjà manifestes (sexe cru, intérieurs colorés, gros plans, musiques mélodramatiques).

Difficile de parler plus de Carne tremula (le titre original, difficilement traduisible - chair vacillante ? - est beaucoup plus beau que le titre français), sans en déflorer l'intrigue. Il s'agit de couples qui s'aiment - ou pas - et qui sur plus de 10 ans auront à faire avec la culpabilité, la jalousie, l'amour, le sexe, le handicap, la mort. C'est puissant, enlevé, rien à redire, c'est du mélo efficace servi par un Javier Bardem en fauteuil roulant, pivot malfaisant de l'histoire, impressionnant.

La soirée était dédiée à l'actrice Angela Molina, qui était présente et qui m'a fascinée : longs cheveux, silhouette magnifique, sourire solaire, nous gratifiant d'anecdotes croustillantes sur ces deux ans de vie nantaise, il y a 30 ans. Elle habitait près du château des Ducs et des oies la poursuivaient, elle et sa fille. Son premier mari est originaire des Sables-d'Olonne et elle nous a fait un beau récit de ces baignades dans l'Atlantique, elle qui ne connaissait que le liquide amniotique de la Méditerranée.

Une belle soirée.

 

3e

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Etreintes brisées

Ce n'est probablement pas avec ce film qu'Almodovar pouvait espérer gagner la Palme d'Or. Il n'est pas mauvais, ce n'est simplement pas le plus abouti de son auteur, loin de là

Moins alerte que Volver, moins complexe que La mauvaise éducation, moins intense que Parle avec elle, Etreintes brisées souffre un peu d'anémie.

On s'intéresse d'assez loin aux personnages, sans que je sache bien expliquer pourquoi : peut être sont ils un peu trop caricaturaux dans leur ensemble à l'image du fils gay Ray X, et même dans une certaine mesure du personnage de Lena elle-même.

De temps à autre, Almodovar, qui semble globalement tourner ce film avec le frein à main serré, se lâche et redevient un immense cinéaste le temps d'une scène (lorsque Pénélope "double" son propre personnage projeté sur l'écran par exemple, une scène sublime, ou lors des travelling latéraux entre Harry et celui qu'il ne sait pas être son fils, ou en filmant simplement des draps). 

Un petit creux relatif donc à mon sens dans la carrière de l'espagnol, en forme d'hommage passionné à Penelope Cruz, et un peu limité par cela peut-être. Pedro devrait peut-être se ressourcer en allant voir ailleurs et autre chose, comme Woody Allen l'a fait en allant tourner 3 fois en Angleterre, puis une fois en Espagne. Almodovar à New York, ça aurait de la gueule, non ?

A voir quand même bien sûr, ne serait-ce que pour Penelope en blonde.

 

3e

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