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Christoblog

Articles avec #j'aime

Yannick

Comme souvent (toujours ?) chez Dupieux, il y a cette excellente idée de départ : un spectateur qui trouve la pièce de théâtre qu'il regarde très mauvaise, décide de l'interrompre.

Sur cette idée originale porteuse de nombreux développements possibles, Dupieux brode une fable plutôt agréable, au texte souvent savoureux, magnifiquement servi par un Raphaël Quenard qui prend de film en film une épaisseur considérable. On n'oubliera pas de sitôt son interprétation à la fois calme et fiévreuse, émouvante et horripilante, amusante et inquiétante.

Yannick doit donc probablement son relatif succès à la prestation de son acteur principal (Pio Marmaï est aussi très bien), tant le film tourne assez vite un peu court, jouant un peu trop d'un même jeu de ficelles, certes efficaces, mais un poil lassantes. La fin ne m'a pas convaincu non plus, rompant le pacte burlesque grinçant qui fait le charme du film.

Un Dupieux plaisant, de plus agréablement court.

 

2e

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Mission : Impossible - Dead reckoning part 1

Rappelons-nous ce qui nous plaisait dans les James Bond de l'ancien temps : un héros charismatique, des personnages secondaires bien dessinés, des scènes d'action spectaculaires et réalistes, des décors somptueux, une écriture complexe mais lisible.

Aujourd'hui, ce que la franchise 007 n'offre plus, Ethan Hunt le dispense à foison. Mission Impossible 7 est en effet un film d'action comme on n'en fait plus beaucoup. Passé une première séquence un peu poussive dans le désert qui fait craindre le pire, on est entraîné dans une aventure aux multiples personnages reliés par des histoires complexes, trouvant souvent leur origine dans les épisodes précédents.

Le scénario évite ainsi les principaux écueils de ce type de production : le manichéisme et la superficialité. Les scènes d'action sont vraiment impressionnantes, revisitant les grands classiques (course poursuite en voiture, combat sur le toit d'un train) avec brio et une pointe d' humour bienvenue.

Les principaux décors (l'aéroport d'Abu Dhabi, Rome, Venise, le train) sont exploités à fond. Pas seulement comme carte postale (ce qui est maintenant le cas dans les James Bond), mais comme terrain de jeu à part entière dont il est plaisant d'explorer les coins et les recoins.

L'ensemble est teinté d'une réflexion plutôt réussie sur l'IA et la façon dont le numérique envahit nos vies, et d'un vague sentiment de nostalgie triste et désabusée, qui font des héros de véritables êtres humains.

Les 2h47 du film passent très vite, et franchement, vous auriez tort de vous priver de ce shoot de plaisir pur, à l'ancienne. Une réussite.

 

3e

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Les herbes sèches

Au fur et à mesure que la filmographie de Nuri Bilge Ceylan se remplit, son statut de plus grand réalisateur vivant se confirme.

Les herbes sèches permettent de retrouver la richesse exceptionnelle de Winter Sleep et de Il était une fois en Anatolie : tout dans le film respire l'intelligence et le talent. Les thématiques abordées sont diverses et profondes, triangle amoureux, accusation de harcèlement, corruption, terrorisme, propriété, rapport au corps, majesté de la nature,... on ne peut que s'épuiser à lister tout ce que film charrie comme interrogation, débat et interpellation.

Le propos pourrait sembler abscons s'il n'était servi par un sens incroyable de la mise en scène. Les paysages hivernaux sont sublimés par l'oeil de Ceylan, et les mouvements de caméra sont souvent d'une beauté à couper le souffle. La scène du repas entre le personnage principal et  Nuray (prix d'interprétation féminine à Cannes pour Merve Dizdar) est de toute beauté. Un immense moment de cinéma, bousculé par une scène qui rompt le quatrième mur dans un élan sidérant. Il y a dans cette séquence un plan filmé au-dessus de la tête du personnage féminin, qui marque un moment de bascule, et qui m'a littéralement sidéré par sa beauté.

Ajoutons à tout cela des photographies sublimes (c'est le premier métier de Ceylan), un souffle constant qui font passer les 197 minutes du films en un éclair, des idées à tous les plans, une immersion infiniment exotique dans l'Est de la Turquie, un sens de la nuance qui n'a aucun équivalent dans le cinéma mondial actuel, et vous obtiendrez un des tout meilleur film de l'année.

Nuri Bilge Ceylan sur Christoblog : Uzak - 2002 (****) / Les trois singes - 2008 (***) / Il était une fois en Anatolie - 2011 (****) / Winter sleep - 2013 (****) / Le poirier sauvage - 2018 (***)

 

4e

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Une nuit

Une nuit commence comme Before sunrise : un homme et une femme se rencontre dans les transports en commun (le train là, le métro ici), puis passent une nuit à errer dans une grande ville (Vienne là, Paris ici), à tomber amoureux l'un de l'autre et à se raconter leur vie jusqu'au petit matin. Dans les deux films, on voit les lieux qu'ils fréquentent vides, on découvre des pans de leur passé par éclair, et on ne sait pas jusqu'à la fin s'ils se reverront ou pas.

Il y a pourtant une différence de taille entre les deux films, que je ne dévoilerai pas ici pour ne pas gâcher le plaisir du spectateur (et même si le film lui-même donne un peu trop vite à mon goût des éléments à ce sujet).

J'ai vraiment accroché à cette histoire toute simple, racontée avec de très modestes moyens, et presque exclusivement basée sur la complicité amicale d'Alex Lutz et Karin Viard, tous deux excellents, que les deux protagonistes parviennent miraculeusement à transformer en chaleur amoureuse. J'ai trouvé notamment que le film parvenait très bien à donner à ressentir temps qui passe, et la façon dont évoluent les sentiments.

Une nuit confirme pour moi le talent d'Alex Lutz, qui donne ici, après Guy, une nouvelle preuve de son talent de directeur d'acteur et de scénariste.   

Un très bon moment.

Alex Lutz sur Christoblog : Guy - 2018 (***)

 

3e

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Elémentaire

Loin d'atteindre les sommets de la filmographie Pixar, Elémentaire marque un retour à une certaine qualité standard, susceptible de plaire au plus grand nombre.

J'ai apprécié l'animation parfaite, la construction logique d'un monde dans lequel chaque élément (feu, eau, terre, air) a son quartier, et les idées qui fourmillent en relation avec les propriétés physiques du feu et de l'eau. De ce point de vue, Elémentaire prend des airs de petit cours de physique (comment fabrique-t-on le verre ?).

Le propos sur la diversité est très consensuel mais bien mené, et la faculté de s'insérer dans un monde plus vaste quand on est issu d'une minorité est assez bien vue. Le réalisateur Peter Sohn a clairement indiqué que les personnages des parents de Flam étaient inspirés de l'histoire de ses propres parents, immigrés coréens.

L'histoire d'amour entre la volcanique Flam et le placide Flack, sans être très originale, est toute mignonne.

Il manque cependant une petite étincelle de folie, une once de cruauté bienveillante, un méchant convaincant, bref quelque chose de saillant, pour que le film soit pleinement satisfaisant pour un public adulte.

  

2e

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Wahou !

Les films de Bruno Poladydès sont à mon sens assez inégaux, mais celui-ci est véritablement délicieux !

Je ne m'attendais pas à voir un chef d'œuvre, tout juste un plaisant divertissement, mais au final Wahou ! s'avère à la fois plus profond et plus amusant que ce que j'espérais.

On rit en effet assez franchement au numéro des différents acteurs et actrices, qui semblent ici prendre un grand plaisir à jouer ensemble. Sabine Azéma, 74 ans, en fait 15 de moins, et sa malice enjouée continue à faire merveille : on n'oubliera pas de sitôt sa formidable tirade sur ce qui se passe dans les entrées de maison. Karin Viard rayonne littéralement, alors que Bruno Podalydès excelle en agent immobilier raté et mielleux. Son frère Denis réussit en une scène muette à nous faire rire, alors que Roschdy Zem livre une courte prestation très drôle de père possessif puis tout à coup enjoué suite à un amusant quiproquo.

On sourit et on rit en permanence donc, mais on est aussi gagné par l'émotion à plusieurs occasion. Une scène est en particulier réussie, qui montre une infirmière à bout de nerf jouée par l'excellente Florence Muller. Ce mélange d'émotion et de drôlerie est assez rare dans le cinéma français.

Le film est amusant et émouvant, mais il est aussi très bien réalisé, avec un mélange réussi de tendresse bienveillante et de subtil détachement, assaisonnée de petites pointes de malice (comme la caricature du jeune couple et de ses Bromptons). Les cartons de fin, qui parodient les messages de fin de film du style "Dix ans après, Paul est devenu père de trois enfants", sont irrésistibles de drôlerie.

A ne pas rater, pour passer un excellent moment.

 

3e

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Stars at noon

Pas facile de défendre (un petit peu) ce film fragile de Claire Denis, tant il cumule de faiblesses et d'approximations.

Alors, OK, son scénario filandreux n'est pas passionnant, son propos est ténu, ses développements approximatifs, son intrigue confuse et son rythme émolient.

Mais il me faut avouer, à rebours de la majorité de la critique, que j'ai été assez sensible à l'histoire d'amour naissant entre les deux personnages joués par l'excellente Margaret Qualley (une future grande, c'est clair) et Joe Alwyn. J'ai rarement eu cette sensation de voir un sentiment éclore à ce point à l'écran.

L'autre point fort du film, c'est la moiteur qui baigne le film, une moiteur symbolique et physique à la fois, qui m'a vaguement rappelé les romans de Graham Green et de Malcom Lowry, moiteur qui imbibe une atmosphère de complot permanent, d'embrouilles politique et de faux-semblants tropicaux.

Tel un cocktail bien chargé en rhum et arrosé par le score toujours délicieux des Tindersticks, le film m'a gentiment enivré, et bercé dans une molle torpeur dans laquelle l'apparition irréelle de Benny Safdie m'a ravi.

Un petit plaisir coupable, bien imparfait.

Claire Denis sur Christoblog : Les salauds - 2013 (**) / Un beau soleil intérieur - 2017 (**)

 

2e

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L'odeur du vent

Pas très facile d'expliquer ce que ce film a d'exceptionnel, si on le considère dans un premier temps uniquement sous l'angle de son synopsis : un électricien tente de dépanner l'installation d'un homme handicapé en trouvant (difficilement) la bonne pièce.

Si on ajoute le fait que le film doit comprendre une quinzaine de lignes de dialogue en tout (dont la moitié constituées de "Salam") et vous comprendrez que L'odeur du vent n'est pas le film le plus facile à conseiller.

Pourtant, cela faisait longtemps que je n'avais pas été ému de cette façon. Les plans tout d'abord sont tous, sans aucune exception, composés d'une façon admirable. Non seulement les paysages iraniens sont de toute beauté, mais la lumière, le cadrage et la durée de chaque plan rendent l'expérience de vision du film particulièrement immersive. La prise de son est également fantastique.

Si chaque scène est un véritable petit tableau, leur enchaînement mutique amène à ce qu'on se pose rapidement une question : pourquoi notre héros fait-il tout ça ? Et la réponse est toute simple : par bonté d'âme. Pour aider son prochain, sans en attendre de remerciements. C'est un argument fragile, mais qui remplit le film de la même façon qu'un gaz remplit une bouteille vide quelque soit sa quantité : la bonté irradie le film de bout en bout, lorsque un homme cueille un bouquet de fleur pour un aveugle, comme lorsqu'un autre répare silencieusement une voiture.

Une leçon de vie magnifiquement mise en image. A découvrir de toute urgence.

 

3e

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Love life

Le dernier opus de Koji Fukada (Suis-moi je te fuis / Fuis-moi je te suis) nous avait laissé un peu sur notre faim. Le format série resserré pour le cinéma ne fonctionnait pas très bien.

Avec Love life, le réalisateur japonais revient à ce que l'on préfère chez lui : une mise en scène élégante, une écriture au scalpel et des événements qui bousculent simultanément les personnages et les spectateurs.

Le film commence ici comme le tableau en demi-teinte d'un couple presque normal : elle a un enfant d'une première union, il a des parents un peu envahissants qui habitent dans l'immeuble d'en face. On sent vaguement que quelque chose d'anormal plane au-dessus de la famille : une curieuse cérémonie d'anniversaire pour le beau-père, l'ex petite amie du mari qui réapparaît, des paroles acerbes qui s'échangent.

Le style Fukada est là : le regard d'un entomologiste qui observe des fourmis humaines se débattre dans le labyrinthe de la réalité, se heurtant à leurs sentiments, leurs désirs, et surtout ici, leur culpabilité.

Dans Love life, la communication semble impossible entre les principaux personnages. La mise en scène excelle à décrire leur isolement par de multiples et subtils procédés : plan lointain, jeu de transparence et de reflets, bande-son travaillée. A l'image du sublime dernier plan, le maximum de connivence qui semble accessible dans ce monde absurde, c'est de marcher un petit bout de chemin l'un à côté de l'autre.

Un beau film, ample et délié, riche en signes et en symboles.

Koji Fukada sur Christoblog : Au revoir l'été - 2014 (***) / Harmonium - 2017 (****) / L'infirmière - 2019 (***) / Suis-moi je te fuis, Fuis-moi je te suis - 2022 (**)

 

3e

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My love affair with marriage

Au festival d'animation d'Annecy 2022, j'avais été accueilli à l'entrée d'une des salles du Pathé par une grande femme rayonnante qui m'avait tendu une carte postale promotionnelle, et m'avait souhaité bon film. La Lettonne Signe Baumane accueillait ainsi en toute décontraction les quelques spectateurs de son film (nous n'étions pas très nombreux).

My love affair with marriage est à l'image de sa réalisatrice : vif, enjoué, direct. Il regorge aussi d'imagination : effets visuels variés et plaisants, utilisation de la musique pour quelques scènes de comédie musicale irrésistibles, personnages délicieusement croqués.

On suit avec délectation les tribulations de Zelma, dans un voyage à la fois physique (la Russie profonde, la Lettonie, le Danemark), biologique et d'émancipation. Ses différents mariages, en incluant tentatives avortées et remariage, sont très drôles à suivre, et on ne s'ennuie pas une seconde dans ce périple intérieur qui mène une petite fille de sept ans à se libérer progressivement pour devenir une jeune fille de vingt-neuf ans.

Un formidable film, accessoirement d'animation.

 

3e

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L'amour et les forêts

On ne retrouve rien du style déjanté des premiers films de Valérie Donzelli dans cet exercice très sage de mise en image du roman d'Eric Reinhardt.

On sait que l'auteur a eu maille à partir avec la lectrice qui lui a inspiré cette histoire (l'affaire s'est soldée par un accord à l'amiable) : il est d'autant plus surprenant de constater que le résultat à l'écran est d'une incroyable neutralité. On est loin de songer à une histoire vraie, mais on a plutôt l'impression d'être devant la description minutieuse d'un cas archétypal.

Dans le cadre un peu formaté du film, au style très froid, Virginie Efira fait merveille en femme à la fois soumise puis finalement résistante et Melvil Poupaud s'avère être un salaud d'envergure, peut-être un peu trop désagréable dès les premiers plans. Le film est très écrit et bien réalisé. Il ne parvient toutefois pas à générer une véritable émotion (peut-être du fait de l'effet de flash-back qui annonce finalement assez tôt comment l'histoire va évoluer).

On appréciera toutefois la façon dont le mécanisme implacable de l'emprise est disséqué, à travers toutes ses composantes, et dans la durée.

A voir, ne serait-ce que pour Virginie Efira (et pour sa jumelle !).

Valérie Donzelli sur Christoblog : La reine des pommes - 2009 (**) / La guerre est déclarée - 2010 (****) / Main dans la main - 2011 (**) / Marguerite et Julien - 2015 (*)

 

2e

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Sur l'Adamant

Ours d'or au dernier festival de Berlin, le dernier film de Nicolas Philibert est un documentaire comme on les aime.

Nous suivons pour quelques jours des malades souffrant de problèmes mentaux se regrouper dans un centre de jour étonnant : l'Adamant, structure flottante amarré sur la Seine.

La caméra, comme toujours chez Philibert et la plupart des grands documentaristes, est discrète. Le réalisateur de "contente" souvent de la poser, et d'attendre que les personnages s'expriment, en gardant lui-même le silence. Il faut bien sûr une patience hors du commun et un grand talent pour l'écoute pour arriver finalement à capter ces moments précieux qui font la richesse du film.

L'intérêt que le spectateur éprouve en regardant ces témoignages tient bien sûr à la pertinence du montage et de la mise en scène, mais aussi à l'incroyable intensité avec laquelle les patients s'expriment devant la caméra : difficile de ne pas être ému et intrigué devant l'incroyable diversité des situations (et des pathologies) qui nous sont présentées. On se souvient très longtemps de tous les personnages du film, qui deviennent d'une certaine façon des parangons de l'espèce humaine.

On a hâte de retrouver une partie de ce petit monde dans deux autres films, puisque Philibert a annoncé que Sur l'Adamant était le premier d'une trilogie qui continuera d'explorer le milieu de la psychiatrie.

Une tranche d'humanité comme on en voit peu.

 

3e

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Charade

Pas facile d'évaluer ces films américains des années 60 qui n'ont finalement pas très bien vieillis formellement : décors surannés, photographie saturée, gimmicks datés, personnages stéréotypés.

Heureusement, Charade est sublimé par plusieurs éléments : le charme fou d'Audrey Hepburn (adorable quand elle drague lourdement Cary Grant), le scénario complètement loufoque de Peter Stone (Cary Grant change cinq fois d'identité) et une sorte de légèreté éthérée, complètement artificielle, mais qui parvient à séduire à force de rebondissements invraisemblables, menés tambour battant dans un Paris de carte postale. 

On regarde le film en étant complice de son parti-pris initial : je ne vous demande pas de croire en ce que je vous raconte, mais je vous prie de ne pas résister au plaisir qui viendra du seul jeu des acteurs. Le talent d'amuseur de Stanley Donen, qui fonctionne parfaitement dans le monde iréel de la comédie musicale (Chantons sous la pluie), trouve ici un terrain de jeu aussi fantaisiste, dans lequel il peut s'épanouir avec délice, tel un Hitchcock sous ecstasy.

Une comédie de masques, de dissimulations et de tromperies en tous genres.

Stanley Donen sur Christoblog : Voyage à deux - 1966 (**)

 

2e

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Suzume

Quelle autre cinématographie que le monde des anime japonais possède aujourd'hui ce mélange d'imagination infinie et de maîtrise technique exceptionnelle ? Aucune. 

On retrouve en effet dans Suzume toutes les qualités qu'on aime chez les cinéastes d'animation de ce pays, de Miyazaki à Hosoda : un sens inné de la poésie, une capacité à ne pas se brider dans la recherche de l'émotion pure et une faculté incroyable à aborder les thématiques lourdes (le deuil, la mort) avec légèreté. Lorsqu'on y songe, ce sont ces qualités qui ont permis, il y a bien longtemps, à Disney de conquérir le monde (je pense à Bambi ou Dumbo par exemple).

Bien loin des marvelleries franchisées et insipides, Makoto Shinkai réussit ici à produire une oeuvre d'imagination pure, qui suscite une sorte d'émerveillement perpétuel par la conjonction d'une technique irréprochable (les paysages sont d'une beauté à couper le souffle) et d'une rigueur d'écriture qui atteint ici des sommets.

Les précédents films de Shinkai étaient déjà brillants, mais certains pouvaient leur reprocher leur caractère touffu, leur BO envahissantes et leur boursouflures narratives. Dans Suzume, le réalisateur à mis en oeuvre ses qualités habituelles, et a gommé les petits défauts : la narration, bien que complexe, est parfaitement lisible, le rythme est parfait et la BO est un mix réjouissant de plusieurs genres (du jazz à la pop japonaise en passant par la musique symphonique hollywoodienne).

Ajoutez à tout cela des personnages (en majorité féminins) admirablement dessinés, des idées de génie (à l'image de cette chaise à trois pieds devenant personnage principal) et vous obtenez ce que l'animation peut proposer de mieux aujourd'hui en salle. 

Un bain continu d'émotions fortes, à découvrir absolument.    

Makoto Shinkai sur Christoblog : Your name - 2016 (***)

 

4e

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Conversation secrète

Palme d'or à Cannes en 1974, ce film du tout jeune Francis Ford Coppola est une leçon de cinéma sur le thème de la paranoïa.

Conversation secrète débute comme un film d'espionnage : le détective Harry Caul, joué par Gene Hackman, spécialisé dans les écoutes téléphoniques, nous est tout d'abord montré en pleine action, en train d'épier la conversation d'un couple.

Il acquiert rapidement le sentiment qu'un danger de mort menace ces deux-là, et renonce à livrer la teneur de leur conversation (on découvre qu'il a été responsable dans le passé de l'assassinat de toute une famille).

Mais le danger existe-t-il vraiment ? Les inquiétudes de Harry ne sont-elles pas le fruit de son imagination ?

Coppola nous égare avec brio dans un dédale de plans d'une virtuosité sans égale. Le personnage d'Harry, seul et mutique, semble se mouvoir dans un monde à double fond, à l'image de la multitude d'écrans et de surfaces transparentes qui l'environnent. Le film est oppressant, et génère une claustrophobie mentale, dont seule la musique jazz semble pouvoir permettre au héros de s'échapper.

Un grand moment de cinéma. Si certaines parties sont un peu longues, l'impression de spleen diffus que dégage Conversation secrète mérite de revoir cette oeuvre cinquantenaire, dont la maîtrise fascine encore aujourd'hui.

 

3e

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Searching

Fut un temps où de nombreux films se fixaient un principe limitant drastiquement le cadre dans lequel ils se déroulaient : un cercueil (Buried), un petit bateau (All is Lost), une cabine téléphonique (Phone game), un centre d'appel duquel on suit l'intrigue entièrement par le biais d'appels téléphoniques (The guilty).

Searching se situe dans cette lignée, puisqu'il nous fait suivre l'enquête d'un père dont la fille a disparue, exclusivement par le biais de divers écrans (ordinateur, caméra de surveillance, smartphone). Aucun plan ne représente donc "la réalité".

Comme il est de rigueur dans ce type d'exercice, on s'étonne d'abord que le parti-pris fonctionne relativement bien, guettant une erreur où une baisse de rythme liée à un subit manque d'imagination. Il y a toujours une sorte de jeu entre le réalisateur et le spectateur dans ce type d'exercice : ce dernier ne peut s'empêcher de se demander à plusieurs moments "bon, et maintenant tu vas t'en sortir comment ?".

Malheureusement, le caractère astucieux et séduisant du dispositif se dégrade nettement dans la dernière partie du film, qui sacrifie à un dénouement totalement irréaliste qui gâche un peu le plaisir.

Une curiosité divertissante.

 

2e

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Toute la beauté et le sang versé

Il y a beaucoup de films différents dans ce documentaire de Laura Poitras.

Le premier est le récit de la lutte qu'a menée la photographe Nan Goldin contre la famille Sackler, en grande partie responsable du drame de la dépendance aux opiacées aux USA. Cette partie éveille notre curiosité, mais j'aurais personnellement préféré qu'elle soit plus développée.

Le second est constitué de la projection à l'écran d'extraits d'œuvres de Nan Goldin, en particulier de sa cultissime The ballad of sexual dependency : sûrement instructif pour ceux qui ne connaissent pas du tout le travail de la photographe, frustrant pour les autres.

Le film propose enfin une biographie de l'artiste, constituée d'images d'archives et d'interviews. On apprend beaucoup de choses, et on est souvent ému (la tragique histoire de la soeur) et impressionné (l'hécatombe des années SIDA, la folle liberté de Nan Goldin et sa chance d'avoir survécu à cette période). Ce sujet passionnant aurait pu constituer l'unique sujet d'un long-métrage.

Au final, Toute la beauté et le sang versé ne choisit pas vraiment sa voie, et c'est probablement sa limite. Reste pour ceux que cela intéresse le beau portrait d'une artiste majeure de notre temps.

 

2e

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About Kim Sohee

Ce deuxième film de la très prometteuse July Jung dénonce l'exploitation des stagiaires scolaires par les entreprises coréennes.

Il met en avant l'absurdité de la compétition étendue à toutes les sphères de la société : compétition entre les employés d'un même centre d'appel, entre centres d'appels, entre écoles de formation, entre académies, etc.

Une pression sociale généralisée susceptible de broyer les plus faibles, mais aussi certains des plus solides. Un des points forts du film est d'ailleurs de s'attacher au sort d'une vraie combattante, qu'on ne s'imagine pas craquer facilement.

Le mécanisme d'humiliations successives (on pense aux Dardenne) de la première partie du film est assez éprouvant, mais son effet est contrebalancé par la deuxième partie du film, que la présence de la toujours rayonnante Doona Bae illumine.

Cette deuxième partie fait toute la qualité d'About Kim Sohee, en variant et en approfondissant les points de vue. La façon dont la policière s'approprie le destin de la jeune fille devient le coeur vibrant du film.

July Jung sur Christoblog : A girl at my door - 2014 (***)

 

2e

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Les trois mousquetaires : D'Artagnan

Les trois mousquetaires réussit tout ce qu'Astérix vient de rater.

Le casting par exemple est ici aussi équilibré et convaincant que celui du film de Canet était hétérogène et peu inspiré. Chacun semble en effet utilisé dans un registre qui lui va à merveille : Cassel en vieux mâle blessé, Civil en jeune chien fou naïf, Marmaï en jouisseur plantureux, Duris en aristocrate du geste, Garrel en roi malgré lui, Eva Green en diable en jupon, Lyna Khoudri en parangon d'innocence mutine, Vicky Krieps en préciosité de porcelaine, etc.

Les partis-pris esthétiques de Martin Bourboulon sont radicaux et assumés, là où ceux de Canet étaient timides et incohérents. Il y a dans Les trois mousquetaires une envie évidente de naturalisme poussé à l'extrême : les nuits noires sont noires, l'eau mouille, la boue salit, les épées tranchent et les coups de poings semblent vraiment faire mal. Les scènes d'action sont filmées avec un style que je n'ai pratiquement jamais vu dans un film français : caméra virevoltante, plan-séquence, caméra à l'épaule.

Comme la mise en scène est efficace et le montage vif, on ne s'ennuie pas une seconde à suivre cette version du roman de Dumas que certains esprits chagrins trouveront trop modernisée, au prétexte que Porthos se réveillent entre un homme et une femme après une nuit d'amour - alors que cette péripétie, qui est bien dans le style de ce fieffé jouisseur de Porthos, aurait pu à mon sens être écrite par Dumas (s'il vivait aujourd'hui).

Astérix a coûté 65 millions d'euros et Les trois mousquetaires 74. Alors que je disais qu'on ne voyait pas l'argent sur l'écran pour le film de Canet, c'est ici tout l'inverse : le moindre costume semble avoir plusieurs siècles, les décors sont somptueux et les grandes scènes (le mariage, le bal costumé) sont filmées avec virtuosité et humilité.

On n'a qu'une hâte à la fin du film : découvrir la suite, approfondir la complicité séduisante de nos quatre héros, et explorer la face sombre de Milady, qui s'annonce passionnante. Les trois mousquetaires : D'Artagnan est ce que le cinéma français a proposé de mieux en matière de divertissement sophistiqué depuis longtemps.

 

3e

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Saules aveugles, femme endormie

Drôle de projet que d'adapter plusieurs nouvelles de Murakami sous forme d'un film d'animation.

On ne voit pas trop quel peut-être le public visé. Les fans de l'écrivain n'iront probablement pas vers un film d'animation et préféreraient peut-être l'adaptation plus consistante d'un roman. Les cinéphiles fréquentent Murakami à travers des films qui sont souvent des chefs-d'oeuvres (Drive my car, Burning). Les fans d'animation peuvent être rebutés par l'austérité du projet. Les passionnés du Japon s'étonneront du fait que ce film se déroulant à Tokyo et mettant en scène des Japonais soit réalisé par un Européen.

Le résultat est pourtant intéressant. Comme souvent quand il s'agit d'assembler plusieurs histoires dans un film, les différentes parties du film de Pierre Foldes sont inégales. Celle qui met en scène la grenouille géante est délicieusement déstabilisante, d'autres sont poétiques ou amusantes sans être renversantes.

Saules aveugles, femme endormie est à l'image de son titre : doux, étrange, poétique, et peut-être inutilement complexe. Il n'enthousiasme pas vraiment, mais intrigue, déconcerte et séduit parfois par son ambiance onirique et mélancolique, et sa ligne claire.

 

2e

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