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Christoblog

Articles avec #j'aime

Lupin

Lupin, la nouvelle production Netflix au casting d'enfer (Omar Sy, Ludivine Sagnier, Clotilde Hesme, Nicole Garcia), se regarde avec plaisir, comme on lit une BD d'aventure ou on mange un paquet de Haribo.

L'écriture de la série, qu'on doit au britannique George Kay, est assez élégante. L'idée du fan d'Arsène Lupin qui s'inspire des aventures de son héros pour concevoir ses propres actions est bien vue, et les trois premiers épisodes de la première saison se dévorent. Chacun de ses trois épisodes adopte un style dans lequel Omar Sy se glisse  avec délectation (film de casse, de prison, de séquestration), sur un ton léger et enlevé, qui parvient à être agréable sans être parodique.

Le quatrième épisode est superflu et franchement mièvre, et le cinquième est un épisode de transition qui nous laisse sur notre faim. J'attends la suite avec impatience : la question principale est de savoir si Kay va parvenir à maintenir le délicat équilibre que cette première partie propose, entre spectaculaire et intime, nostalgie et modernité. Je suis curieux de voir également comment certains personnages vont se développer ou non (Claire, Juliette, Benjamin).

La mise en scène est typique des productions Netflix : efficace, balisée, tape à l'oeil et utilisant plus de drones que nécessaire. A noter que Marcela Said (Mariana, L'été des poissons volants) a réalisé deux épisodes, ce qui est très étonnant. 

Lupin est un divertissement sans prétention, dans lequel Omar Sy fait merveille. La série est parfois gentillette, voire simpliste. Elle use de ficelles parfois grossières, mais il s'en dégage une atmosphère rétro et bon enfant qui n'est pas désagréable, et procure un plaisir régressif. 

 

2e

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Les derniers jours d'une ville

Sorti en 2017, ce film de l'Egyptien Tamer El Saïd est une curiosité a bien des égards. Il est passé par la Berlinale et a remporté la récompense suprême au Festival des 3 Continents de Nantes.

Sa première particularité est de présenter tous les atours d'un documentaire, ou du moins d'une auto-fiction, alors qu'il est entièrement scénarisé.

On suit un cinéaste qui cherche à changer d'appartement dans une ville du Caire pré-inserructionnelle. On croise sa mère gravement malade, sa copine qui part à l'étranger et des copains qui vivent dans d'autres villes (Berlin, Beyrouth, Bagdad). 

Le film est déroutant dans le rapport ambigu à la réalité qu'il entretient. Il n'est pas facile par exemple dans un premier temps de démêler ce qu'on voit à l'écran : le film lui-même ou les images du film autobiographique que le cinéaste est en train de tourner ?

Après une demi-heure, on a compris le principe du film, et on peut alors apprécier pleinement ce beau portrait du Caire, à la fois sous l'angle de la vie quotidienne (les cafés, les mendiants, les immeubles) et sous l'angle de la prémonition politique (la répression policière, l'islamisme qui s'infiltre partout, y compris dans les ascenseurs...). Les derniers jours d'une ville fourmille également de multiples détails qui intriguent et interpellent (une femme récurrente avec des fleurs blanche comme chez Kieslowski, l'aspect kafkaïen des visites d'appartement). 

Il se dégage de ce joli film ambitieux une douce mélancolie parfois un peu apprêtée, mais au final plutôt agréable.

 

2e

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Soul

Fut un temps où chaque nouveau Pixar parvenait à nous surprendre. 

Ce n'est plus réellement le cas aujourd'hui.

Même si Soul est agréable, il suit un chemin désormais bien balisé et facilement attribuable à la "patte" Pixar : une animation irréprochable à la pointe de la technique numérique (certains objets ont une apparence de réalité totale), une intrigue qui mêle habilement humour et considérations métaphysiques, et enfin une tentative de faire surgir en nous de profondes émotions liées à l'enfance. 

Les aspects métaphysiques sont ici assez limités. Il est vaguement question de ce qu'est l'âme, mais le sujet n'est qu'effleuré pour être rapidement remplacé par un ressort plus classique de changement de corps.  Quant aux émotions, qui faisaient tout le sel de Vice versa ou de Toy story par exemple, elles se résument à des poncifs assez éculés : l'amour d'une mère, le don de soi, la peur de mourir. 

La philosophie générale du film se résume à un banal (et un peu niais) "C'est beau la vie, profitons-en", énième revisitation du carpe diem, ce qui est un peu court.

Ces réserves étant faites, le savoir-faire est toujours là. Certaines scènes sont très réussies (celle du coiffeur par exemple), l'animation de l'au-delà est assez originale et les personnages sont globalement sympathiques. Les scènes de musique sont jolies (mais moins réussies que dans Coco), la construction du film habile. L'atmosphère new-yorkaise est particulièrement bien rendue.

Un divertissement honorable, pour moi toutefois en retrait de la moyenne des productions Pixar. 

 

2e

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Les affameurs

Deuxième des cinq westerns ayant réuni James Stewart et Anthony Mann, Les affameurs est une réussite. 

Il faut tout d'abord signaler le formidable décor que constitue l'Oregon, dans lequel est tourné une majorité du film, et en particulier le mont Hood, autour duquel les protagonistes semblent tourner, comme s'il y avait un esprit tutélaire dans cette montagne à la silhouette très particulière de petit mont Fuji.

Le rôle de méchant, joué par l'excellent Arthur Kennedy, est l'autre point fort de ce western rigoureusement classique. Il présente la particularité d'être pendant toute la première moitié du film absolument adorable, alter ego séduisant du gentil joué comme d'habitude par le gracile James Stewart. Les points communs entre ces deux personnages "miroirs"  (un passé identique, un amour partagé, un courage équivalent) donne beaucoup d'intérêt au début du film, et l'intérêt dramatique de l'intrigue est renforcé par le fait qu'ils se sauvent la vie mutuellement plusieurs fois. 

Les affameurs a donc une structure de drame épuré : décors signifiants dans lesquels on sent viscéralement les difficultés rencontrées par le convoi de pionniers, personnages complexes qui finissent par s'opposer dans un conflit fratricide, mise en scène inspirée (quelle séquence époustouflante dans la ville en proie à la fièvre de la ruée vers l'or !).

La deuxième partie, plus conventionnelle, m'a un peu moins plu, même si la poursuite invisible qu'effectue le personnage joué par Stewart a un aspect résolument moderne, et presque fantastique.

Un beau western.


3e

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Le jeu de la dame

Sensation surprise de l'année 2020, la mini-série Netflix consacrée à une jeune prodige des échecs dans les années 50 permet de passer un bon moment.

L'histoire est sympathique, bien qu'archi-rebattue (une vocation et une faiblesse, des apprentissages, des échecs, puis l'atteinte du graal). L'écriture ne brille pas par son originalité, et la réalisation est très sage, avec cet aspect propret et académique qui caractérise les produits Netflix.

Ce qui explique probablement le succès de la série, au-delà de l'aspect exotique du jeu d'échecs, c'est l'incroyable prestation de la jeune actrice Anya Taylor-Joy, qui crève l'écran. C'est peu dire que l'intérêt qu'on éprouve à regarder Le jeu de la dame réside principalement dans sa frimousse d'écureuil, son étude résolue et son allure déliée.

Les scénaristes ont bien aidé Anya Taylor-Joy en affublant son personnage d'une faiblesse qui la rend plus humaine, en développant son personnage dans une optique résolument féministe et en l'entourant d'un casting de seconds rôles exceptionnels, dont l'excellente Chloe Pirrie. Il faut également reconnaître que les décors sont magnifiques, et que les péripéties échiquéennes sont assez bien rendues à l'écran.

Un divertissement sans aspérité.

 

3e

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Hill of freedom

Hill of freedom marque dans la filmographie de Hong Sang-Soo le début d'un travail intense sur la destruction de la trame logique et temporelle de la narration, qui culminera dans ses deux films suivants, Un jour avec, un jour sans, puis plus encore Yourself and yours.

Ici, le montage obéit à un concept ludique assez bien trouvé  : une femme lit une longue lettre, les feuilles tombent dans un escalier et les scènes vont être assemblées dans cet ordre aléatoire. 

Le résultat est stimulant intellectuellement. S'il n'est pas très difficile de "recoller" les différents éléments de l'histoire pour en faire un tout cohérent, le procédé apporte au film une coloration légèrement décalée, qui est très agréable, renforcée par le caractère étrange de certains dialogues métaphysiques (sur le temps par exemple). L'aspect ludique de la construction du film va jusqu'à inclure (si je puis dire) des scènes "manquantes" (comme la bagarre), ou des rêves, pour mieux nous égarer.

Le sujet du film est probablement l'incommunicabilité entre les êtres humains (et surtout entre les hommes et les femmes), comme souvent chez HSS. Tout amène ici les protagonistes à mal se comprendre : le problème de la langue (le personnage principal est japonais et ne parle pas coréen), les malentendus, les occasions manquées, les histoires avortées.

Le cinéma du coréen trouve ici une expression quasiment parfaite dans sa forme : légère comme une fugue de Bach, ne s'encombrant d'aucun effet accessoire, parfaitement maîtrisée dans sa structure dépouillée. Les personnages du film semblent être des mouches se heurtant obstinément à une vitre, et une sorte de nihilisme forcené émane de Hill of freedom

 

3e

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The crown

On peut s'intéresser à la série The crown à trois niveaux différents.

Le premier est le contexte historique de l'Angleterre, et de sa place dans le monde, au fil des années. On découvre ainsi, si on est comme moi assez ignorant sur le sujet, les subtilités de la crise du canal de Suez, la valse des premiers ministres ou le fonctionnement étrange du Commonwealth.

Le deuxième niveau, ce sont bien sûr les anecdotes à propos de la famille royale. La découverte dans ce domaine, c'est que l'histoire des Windsor est plus proche de Détective que de Point de vue. En vrac, dans ce cercle familial élargi, on découvre des cousins nazis, une mère schizofrène nonne dans un monastère orthodoxe, des handicapés mentaux déclarés morts, des alcooliques, des pulsions de mésalliance, des abdications mal digérées, des pervers malfaisants, des troubles psychologiques de différente nature, des intrusions nocturnes, des morts violentes, des adultères en tout genre.

Enfin, le troisième niveau, qui est bien sûr le sujet principal de la série, ce sombre coeur qui palpite en son centre, c'est la royauté, qui justifie tout et n'excuse rien. La série réalise ce prodige de nous faire croire que quelque chose de spécial émane de ce ramassis d'idiots méprisants et d'incapables congénitaux, un mélange d'honneur dont on ne connaît plus le sens, et d'impassibilité éternelle (la reine ne subsiste qu'en en faisant le moins possible).

La réalisation de The crown est typique des productions Netflix : un peu engoncée, très formatée et pour tout dire parfois de mauvais goût. Alors que le plus souvent ces défauts nuisent aux séries concernées (Stranger things, La casa de papel), ils l'enrichissent plutôt ici : les moeurs sont ici immorales, mais elles sont filmées avec une solennité qui colle parfaitement à l'image de la famille royale, mais non à ses pratiques dissolues.

Chaque épisode est centré sur une thématique ou une anecdote et se concentre pratiquement sur ce seul sujet. C'est une écriture très spéciale, qui a peu d'équivalent à ma connaissance dans les séries modernes, et qui donne ce résultat rare de produire des épisodes ennuyeux dont on pourrait se passer, et des chefs-d'oeuvres comme ce sublime épisode 3 de la saison 3, centré sur la catastrophe d'Aberfan au Pays de Galles, digne d'un grand film.

C'est sûrement ce mélange étonnant de profondeur historique, de roman-photo, de film noir et de belles images (les voyages de Philip sont en particulier magnifiquement filmés) qui rend la série si addictive. Le casting est également impérial, Claire Foy et Olivia Coleman en tête. Les spécificités de la saison 4, avec l'introduction de deux personnages majeurs (Margaret Thatcher et Lady Diana), ne modifient en rien ce que je pense de la série.

Un régal.

 

4e

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La femme est l'avenir de l'homme

La femme est l'avenir de l'homme suit dans la filmographie de Hong Sang-Soo son manifeste de jeunesse, Turning gate.

Il reprend une partie des thèmes du film précédent (trio amoureux, femmes très entreprenantes sur le plan sexuel, spleen généralisé chez les hommes), sur un mode un peu moins dense et poétique.

La femme est l'avenir de l'homme est un Hong Sang-Soo très léger dans sa structure. Le film est court, avance rapidement et parfois même abruptement, ose des flashbacks qui éclairent brillamment le présent, et propose mêmes des scènes imaginées par les personnages. Il annonce ainsi nombre des films suivants, dans lesquels la trame temporelle sera malmenée avec une apparente désinvolture par le cinéaste.

Le film est aussi un des plus pessimiste de HSS. Pas beaucoup d'espoir dans la quête minable menée par ces deux hommes amoureux de la même femme, qui vivent nombre de situations embarrassantes tout au long du film.  Une fois retrouvée, la dite femme s'avère à la fois charmante et insaisissable, s'offrant curieusement et sans engagement aux deux jeunes hommes. La narration du film est d'une grande liberté, et le décor romantique de Séoul enneigé (qui sera magnifié plus tard dans Matins calmes à Séoul) forme un écrin parfait à ce film d'une grande noirceur.

Un bon cru.

 

3e

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Turning gate

Ce quatrième film de Hong Sang-Soo suit la trilogie initiale qui fit connaître le cinéaste coréen en France, et marque la mise en place des grands thèmes que HSS va ensuite développer durant toute sa carrière.

Nous avons donc ici des hommes qui cherchent l'amour, des femmes séduisantes et insaisissables, un simulacre d'amitié, des phrases qui se répètent dans la bouche de plusieurs personnages, des scènes de beuverie et de restaurant, des allusions sexuelles directes, des artistes plus ou moins ratés, des coïncidences, des situations qui rendent mal à l'aise, des défauts de mémoire, des objets symboles et un récit en deux parties.

Les seuls éléments vraiment nouveaux qui apparaîtront dans la suite de la filmographie de Hong Sang-Soo seront les déformations de la trame temporelle de la narration, complètement inexistantes ici.

Dans ce film fondateur de la grande période classique du coréen, on suit la trajectoire d'un beau personnage masculin, Gyung-Soo, qui promène sa grande carcasse dans la campagne coréenne : une vraie curiosité pour le coup, puisque Séoul est le théâtre habituel utilisé par HSS. Il rend visite à un ex-ami, couche avec la petite copine de celui-ci qui le manipule, rencontre ensuite une fille avec qui il était au collège et dont il ne souvient plus, en tombe amoureux, et se fait larguer.

On voit que tout cela n'est pas très gai, et l'acteur Kim Sang-Kyung interprète à merveille ce pauvre gars à la fois maladroit et poète (très jolie scène où il écrit une déclaration posée dans la rue à l'aide d'un kaki).

Turning Gate est une très bonne introduction à l'univers de Hong Sang-Soo, donnant à voir à la fois l'incroyable habileté du réalisateur à saisir les plus petits mouvements de l'âme, et sa capacité à parfois égarer le spectateur dans les méandres de plans plus ou moins utiles. Le film est à cet égard remarquablement long pour un HSS (1h55) : il semble rempli à ras bord des intentions de son réalisateur.

 

3e

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Mank

Mank souffre d'un trop-plein.

Trop de plans, trop de dialogues, trop de sous-entendus, trop d'intentions.

Quand le personnage de Mank cite approximativement Blaise Pascal : "Je n'ai fait cette lettre-ci plus longue que parce que je n'ai pas le loisir de la faire plus courte " (Les Provinciales) on a vraiment envie de dire à Fincher qu'il pourrait pu lui-même abréger. Après tout, il a eu six ans depuis Gone girl pour préparer ce film.

Certes, comme d'habitude, la mise en scène est propre, voir virtuose. Fincher essaye de retrouver la qualité des films hollywoodiens du passé : on a donc le droit à des trucages à l'ancienne, une musique et un générique rétros, un noir et blanc de circonstance (un peu sombre à mon goût) et divers tics qui démontrent l'inutile méticulosité du réalisateur (des défauts qui singent l'ancien usage des bobines de pellicule par exemple).

Les dialogues fusent, les plans aussi, les flashbacks se multiplient dans une intrication parfois néfaste à la dramaturgie du film, et les références se multiplient. A moins d'être un fin connaisseur de la vie politique américaine et du Hollywood des années 40, on est souvent un peu perdu, par exemple dans la constitution de l'actionnariat de la MGM.

Bien sûr, les à-côtés du film ravissent les critiques : les différents parallèles qu'on peut faire (ou pas) entre la situation de Fincher père / Fincher fils et Fincher / Welles sont intéressants pour la petite histoire du cinéma, mais ne rendent pas le film plus agréable ou plus profond.

Si finalement le dernier film de David Fincher n'est pas complètement ennuyeux, c'est principalement grâce à l'interprétation de Gary Oldman, bien que ce dernier me paraisse nettement trop vieux pour son personnage.

Le film est impressionnant techniquement et suffisamment bien fabriqué pour générer un minimum d'intérêt, mais aucune véritable émotion n'affleure à sa vision. 

David Fincher sur Christoblog : The game  - 1997 (**) / Panic room - 2002 (***) / L'étrange histoire de Benjamin Button - 2008 (***) / The social network -2010 (**) / Millenium - 2011 (**) / Gone girl - 2014 (**) / Mindhunter - 2017 2019 (***)

 

2e

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Petite fille

A voir sur Arte.tv

Comme dans ses films précédents, Sébastien Lifshitz déploie ici ses incroyables qualités de documentariste, qui lui permettent de s'immiscer avec une facilité fascinante dans l'intimité de ses sujets. 

Petite fille n'a certes pas l'ampleur d'Adolescentes qui s'étendait sur plusieurs années et s'infiltrait dans plusieurs milieux, mais il constitue une sorte de perle qui synthétise l'art de Lifshitz : de la patience, du respect, un sens affirmé du montage, un talent aigu pour concentrer les émotions dans les caractéristiques d'un plan (choix du cadre, de la durée, de la focale, des lieux et des objets filmés).

Le propos de Petite fille n'est pas militant. Il expose une situation particulière, sur laquelle la pédo-psychiatre pose d'ailleurs des mots simples et éclairants, avec un tact renversant. La vie de Sasha est simplement montrée, et ne peut entraîner aucun débat tellement l'exposition des faits est objective et factuelle. 

On mesure pleinement la souffrance de Sasha, au travers certaines scènes bouleversantes, alors que sa famille est une merveille de bienveillance et d'équilibre : Petite fille nous fait ainsi mesurer avec éclat quel enfer ce serait pour elle de grandir dans un milieu qui la rejetterait, ce qui doit malheureusement arriver bien souvent.

A voir absolument. 

Sébastien Lifshitz sur Christoblog : : Les invisibles - 2012 (***) / Adolescentes - 2020 (****)

 

3e

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Kaili blues

Acclamé par le Festival de Locarno où il a reçu en 2015 le Léopard d'or, puis à Nantes, où le Festival des 3 continents lui décerna la Montgolfière d'or, le premier film de Bi Gan est une oeuvre de première importance.

Avant d'en dire plus, il faut évoquer la structure très particulière du film : 1h de plans réalistes zébrés de flashbacks intrigants et de plans oniriques, puis un long plan séquence comme en apesanteur, dans lequel la réalité semble irriguée par le rêve, avant une conclusion plus traditionnelle.

Kaili blues est un sujet de réflexion inépuisable, et on peut revoir le film plusieurs fois, tellement l'intrication magique des trajectoires et des thèmes est complexe. La construction du film est brillante à un point qui force le respect. Quant au plan séquence, qui mêle le passé, le présent et le futur, il nous emmène en moto, en voiture, chez le coiffeur, en bateau, sur un pont, dans un magasin, chez une tailleuse et à concert de rock avec la même maestria souveraine. C'est une capsule de temps et d'émotion enchâssée dans le film. Le tout est magnifié par une belle photographie et comprend plusieurs plans d'anthologie, dont le dernier du film, saisissant.

Tout ce que j'écris à propos du premier film de Bi Gan, je l'ai écrit avec encore plus de force à propos de son deuxième film, construit exactement sur les mêmes principes, le sublime Un grand voyage vers la nuit.

Bi Gan sur Christoblog : Un grand voyage vers la nuit - 2018 (****)

 

3e

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Dix pour cent

On commence par regarder Dix pour cent avec l'espoir d'apercevoir la fausse vraie vie des stars, avant de plonger dans la série pour le plaisir de suivre les aventures professionnelles et sentimentales des employés de l'agence ASK.

Quand on parle de Dix pour cent, il faut signaler en premier lieu la grande qualité de son écriture. Les personnages sont bien développés, les intrigues intéressantes et les surprises convaincantes.

Cette qualité de scénario met en valeur un casting haut de gamme, à qui la série aura bien profité. Camille Cottin a enchaîné les rôles importants (avec une apparition chez Honoré, et un premier rôle convaincant dans Les éblouis). Grégory Montel a lui aussi tourné dans de jolis films (Les parfums), alors que Laure Calamy, elle, a connu un triomphe dans Antoinette dans les Cévennes. Nicolas Maury a même réalisé son premier film (Garçon chiffon), et Stéfi Selma a trouvé un joli rôle dans Miss, re-jouant ainsi un peu son rôle de Sofia.

Bien sûr, la série ne serait pas aussi connue sans le sel qu'ajoutent les stars présentes. Leur prestations sont d'un intérêt variable. Parmi les plus plaisantes, il faut citer les prestations touchantes de Nathalie Baye et Laura Smet, celle explosive de Julie Gayet et Joey Star. Juliette Binoche ose le ridicule au Festival de Cannes dans la saison 2, et Jean Dujardin a peut-être le plus joli rôle de la série dans l'ouverture de la saison 3. Isabelle Huppert courant les tournages dans un Paris nocturne est également un grand moment.

La saison 4 détonne par rapport aux autres. La bonne humeur qui irradiait les trois premières saison glisse progressivement vers une ambiance plutôt triste, les trahisons se succédant et une douce amertume envahissant la fin de saison. C'est à la fois beau et plutôt osé de finir ce cycle sur une note nostalgique de fin de règne. L'épisode avec Sigourney Weaver est à ce titre un moment magnifique.

Dominique Besnehard a annoncé qu'il y a aurait prochainement un épisode long format dans la suite de la saison 4 : tant mieux, on a hâte !

 

3e

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Hors de prix

Je considère que Pierre Salvadori bénéficie d'une réputation chez la critique qui excède largement ses réelles qualités, et ce n'est pas ce film qui va me faire changer d'avis.

Commençons par les quelques points positifs. Il tiennent principalement à l'interprétation de Gad Elmaleh, tout en composition corporelle burlesque, et surtout d'Audrey Toutou, dont l'abattage est inversement proportionnel au poids des vêtements.

Il y a aussi dans le film un petit parfum d'amoralité plutôt agréable, qui détonne dans le schéma codifié de comédie romantique que propose Hors de prix.

Pour le reste, pas grand-chose à signaler : la mise en scène est transparente, le scénario plutôt empesé et sans grande surprise, le rythme bizarrement ralenti.

Pas catastrophique, et complètement oubliable.

Pierre Salvadori sur Christoblog : Dans la cour - 2014 (***) / En liberté ! - 2017 (*)

 

2e

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Une valse dans les allées

Une valse dans les allées coche pratiquement toutes les cases de la liste des défauts qu'on prêtera bêtement à un film d'auteur allemand : glauque, lent, minimaliste.

Pourtant, on ne s'ennuie pas vraiment en regardant le film de Thomas Stuber.

Les acteurs sont d'abord très attachants. Le physique atypique de Franz Rogowki (devenu l'acteur fétiche de Petzold avec Transit et Ondine) sert bien son personnage borderline d'ex-délinquant lunaire. Sandra Hüller, inoubliable Ines de Toni Erdmann, est très touchante en employée maltraitée par son mari.

La romance distanciée entre ces deux oubliés de la vie est un exercice de style, certes un peu téléphoné, mais finalement conté de façon délicate et même poétique par instant.

Une autre des qualités du film est l'exploitation remarquable du décor que constitue un supermarché, ses parties ouvertes au public comme ses locaux techniques. La photographie, précise et blanchâtre, est très belle. La mélancolie attachée aux nombreux seconds rôles, détails et accessoires du film, par exemple l'irrésistible bruit de la mer que produit le chariot élévateur, rend le film définitivement sympathique.

 

2e

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Le Kid

Profitant du partenariat Netflix / MK2, me voici parti pour explorer la filmographie de Charlie Chaplin avec un oeil neuf.

Je commence donc par le commencement, et ce premier long-métrage de 1921.

Le Kid comprend de façon compressée tout l'art de Chaplin. Il y apparaît clairement que la plupart des techniques qui feront le cinéma du siècle à venir existent déjà chez Chaplin (à l'exception des mouvements de caméra) : la variété d'échelle des plans, les divers angles de prise de vue, les trucages, les différents types d'enchaînement de séquences, l'art du montage. 

Ce qui frappe également, c'est l'extrême concision et précision de chaque scène. Alors que les cinéastes modernes allongent parfois inutilement certains plans, Chaplin semble vouloir tout placer dans un minimum de temps. Cela entraîne un jeu d'une intensité incroyable de la part des acteurs qui doivent exprimer un maximum de sentiments en un minimum de temps. Chaplin s'avère être lui-même un performer hors du commun sur ce plan, évidemment : c'est une chose de le savoir, une autre de voir son visage transmettre en un éclair à notre cerveau trois ou quatre messages différents !

Le Kid parvient, grâce à son script très malin et son beau casting, à dépasser son statut initial de slapstick pour explorer les champs du mélodrame et de la critique sociale. C'est sans conteste un premier coup de force pour Chaplin.

 

3e

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Logan Lucky

Ce Soderbergh est un divertissement honorable, qu'on oublie très vite.

On est ici dans le film de casse, pas très loin finalement de la série des Oceans, car utilisant les mêmes ficelles : longue mise en place à travers des séances de préparation amusantes, puis longue opération émaillée de rebondissements (et qui ne nous montre qu'une partie de la réalité pour mieux nous surprendre ensuite), puis épilogue apportant un surcroît de surprises.

La spécificité de Logan Lucky, c'est le milieu dans lequel l'action se déroule : une Amérique rurale qu'on imagine sans peine voter Trump. Dans ce cadre agréablement pittoresque, Soderbergh essaye de nous faire prendre les protagonistes pour des benêts, sans y parvenir réellement.

Tout cela est assez sympathique à regarder (bien qu'un poil trop long), grâce notamment à la mise en scène virtuose et au casting impeccable (Daniel Craig, Adam Driver, Channing Tatum, Riley Keough). Un bon divertissement.

 

2e

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La reine Margot

La reine Margot est une splendeur visuelle. 

Tout ce qu'on voit à l'écran semble marqué par le sceau de la perfection. Les extérieurs et les décors, épurés et réalistes à la fois, forment un écrin exceptionnel pour une direction artistique hors du commun : costumes, lumières, photographie, musique sont portés au plus haut degré de professionnalisme.

La caméra de Chéreau est brûlante. Elle virevolte autour d'acteurs qui sont tous incroyables. Isabelle Adjani est somptueuse, sa blancheur laiteuse irradie l'écran et son jeu parcourt un spectre extrêmement large d'émotions et de sensations.

Autour d'elle chaque acteur semble jouer sa vie à chaque instant. Auteuil est méconnaissable, Perez est christique, Anglade sombre avec un brio bouleversant, Pascal Gréggory rode de façon terriblement inquiétante, et l'interprétation de Virna Lisi est dantesque. Les seconds rôles eux-mêmes forment un casting qui comblerait de bonheur n'importe quel réalisateur : Jean-Claude Brialy, Dominique Blanc, Asia Argento ! 

Les scènes de foule sont à elles seules des morceaux de bravoure comme on en voit peu souvent : à la fois frappantes par la densité du nombre de figurants (et la qualité de leur direction, chacun d'entre eux joue vraiment), et la façon dont Chéreau réussit à y incruster les dialogues entre les personnages principaux. On mesure dans ces scènes d'ensemble à la Scorsese (le mariage, la Saint-Barthélémy, la chasse au sanglier, le siège de La Rochelle) les moyens démesurés qu'a nécessité La reine Margot : six mois de tournage, un budget énorme pour l'époque. 

Le film, admirable de bout en bout, ne génère curieusement pas réellement d'émotions. Il séduit par sa sombre, cruelle et écrasante beauté.

 

4e 

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Un jour si blanc

Dans la droite ligne de plusieurs films récents de qualité, l'Islande a fourni une livraison intéressante à la Semaine de la Critique 2019 avec ce film de Hlynur Palmason.

Autant le dire tout de suite, nous sommes ici dans un registre de cinéma d'auteur exigeant (et, c'est vrai, un peu ennuyeux par moment) : format long, scènes étirées, tics de mise en scène, très lents travellings avant, mise en scène un peu rigide. Le cinéaste n'hésite pas à exploiter des idées très conceptuelles : par exemple filmer au milieu du film tous les personnages de face et de loin, comme des portraits, ou composer des natures mortes avec différents objets pour évoquer un accident de voiture.

Si vous êtes curieux, le voyage vaut tout le même la peine. Outre la nature islandaise, encore une fois très présente dans son immensité, le visage buriné de l'acteur Ingvar Egert Sigurdsson est magnifiquement filmé. L'acteur est décidément de beaucoup de films islandais importants de ces dernières années, dont Sparrows et Jar City.

Après un départ un peu pénible, Un jour si blanc décolle réellement dans sa dernière partie avec une série d'évènements prenants et plutôt inattendus. Il devient alors très intéressant, entrecroisant avec un certain brio des thématiques fort différentes (deuil, amour filial, jalousie, vengeance, violence).

A découvrir.

 

2e

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Steve Jobs

Ce film n'est pas une biographie classique de Steve Jobs. Il est curieusement construit autour de trois moments clés de la carrière du créateur du Macintosch, trois moments qui précèdent la présentation au public de trois produits différents, qui connaîtront des succès très variables.

Pendant ces quelques heures en coulisse, le scénario invente des rencontres récurrentes avec les personnes qui comptèrent pour Jobs : sa collaboratrice / assistante (incroyable Kate Winslet), sa fille, ses amis de jeunesse, ses patrons.

Les dialogues et la structure du scénario élaborés par Aaron Sorkin sont comme d'habitude complexes et virtuoses, mitraillette intellectuelle qui ne laisse aucun répit à notre cerveau. La mise en scène survitaminée de Danny Boyle, dont l'efficacité dépend tellement de son adéquation au sujet, trouve ici un beau terrain d'expression, tellement l'ébullition mentale permanente de Jobs est raccord avec la fluidité dynamique du réalisateur anglais.

On apprend beaucoup de choses (qu'on oublie immédiatement), y compris sur les zones d'ombre du personnage.

Ces qualités font de Steve Jobs est un divertissement agréable bien qu'un peu ronronnant.

Danny Boyle sur Christoblog : Trainspotting - 1996 (***) / Slumdog millionnaire - 2008 (***) / 127 heures - 2010 (*) / T2 Trainspotting - 2017 (**) / Yesterday - 2019 (**)

 

2e

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