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Christoblog

Articles avec #bruno dumont

L'empire

Au début du film, tout semble frais et mystérieux. Ce qui est proposé à l'écran a des airs de "jamais vu".

J'ai adoré cette poésie diffuse qui sourd des premiers plans, dans une ambiance fantastique et solaire. La première apparition du bambin divin est par exemple sidérante.

Malheureusement, le film, en quelque sorte aplati, ne sait pas thésauriser sur cette bonne entame et piétine rapidement, ressassant les mêmes recettes en boucle, tout en changeant brutalement de ton, oscillant entre burlesque et métaphysique,  grand spectacle et tableau naturaliste.

Lucchini est en roue libre (alors qu'il était bien dirigé dans Ma loute), les développements narratifs sont pauvres, les apparitions en guests de Carpentier et Van der Weygen n'apportent rien à l'histoire, et globalement le niveau d'ennui s'accroit de façon logarithmique pour atteindre son maximum absolu en fin de film.

Seules véritables satisfactions à mes yeux : la prestation incroyablement juste d'Anamaria Vartolomei et la beauté visuelle des effets spéciaux, qui parviennent à sublimer la lumière verticale des paysages du Pas de Calais.

Dernière remarque : le personnage de Lyna Khoudri est grotesque et son asservissement au personnage de Jony m'a mis mal à l'aise. Globalement la façon dont les rapports hommes / femmes sont montrés dans le film est étrangement brutale : pour simplifier, c'est la position du missionnaire en moins de deux minutes et basta cosi.

Décevant.

Bruno Dumont sur Christoblog : L'humanité - 1999 (****) / Flandres - 2006 (***) / Hors Satan - 2011 (*) / Camille Claudel, 1915 (**) /  P'tit quinquin - 2014 (**) / Ma Loute - 2016 (****) / France - 2021 (***)

 

2e

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L'humanité

Incroyable deuxième film de Bruno Dumont.

Rarement un film m'aura à la fois autant dérangé, surpris et impressionné. 

Dérangé, parce que le début du film est profondément perturbant : un enchaînement d'images qu'on ne comprend pas, un personnage principal lunaire et mutique qui n'attire pas la sympathie, des images crues de cadavres et de sexe, une façon de filmer qui se plaît à jouer avec nos nerfs, entre naturalisme brut et stylisation à outrance.

Surpris, parce que la situation d'inconfort que le début du film installe se mue progressivement en interrogations : Que nous raconte exactement le film ? Qui a commis le crime abominable qui ouvre le film ? L'enquête de notre enquêteur emprunté aboutira-t-elle ? Quel est finalement mon rôle de spectateur : comprendre, deviner, ressentir, critiquer, imaginer ? Est ce que film va oser pousser à bout sa logique ?

Impressionné, parce qu'au final Dumont parvient à hausser progressivement le ton de son film pour aboutir finalement à une sorte de thriller métaphysique au goût de cendre. Les personnages endossent au cours du film des habits de nature presque divine, jusqu'au geste aberrant et christique qui clos cette incroyable aventure nordiste.

A la surprise générale, le film a obtenu Grand Prix, Prix d'interprétation masculine et féminine au festival de Cannes 1999 et a lancé la carrière de Bruno Dumont. L'acteur principal n'a jamais tourné dans un autre film. Au vu de sa prestation hallucinée, on comprend pourquoi.

 

4e

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France

France est sûrement un des films le plus abordable de Bruno Dumont : un scénario lisible, des péripéties, un propos caustique, des situations frappantes;

Il s'agit presque d'un film "normal". Presque, parce qu'il a tout de même une particularité notable, celle d'assembler plusieurs styles dans un ensemble bizarrement composite, ce qui explique probablement le mauvais accueil critique que le film a généré, beaucoup s'attendant à une ligne claire, que le film ne tient pas de façon continue.

France démarre par comme une satire au vitriol d'un certain style de journalisme, parodié de façon outrancière, notamment par le personnage d'assistante too much jouée par une Blanche Gardin en pleine forme. Il peut même virer au burlesque surréaliste (la scène de conférence de presse avec Emmanuel Macron, la rencontre chantée dans la neige, le capitaliste qui annonce tranquillement qu'il s'agit de devenir pauvre).

En cours de route, Dumont fait bifurquer son film vers un autre point de vue : la journaliste haïssable est elle-même sujette à état d'âmes, et passera du côté des victimes suite à une machination, avant une scène de quasi-rédemption sur les terres du cinéaste, dans le Boulonnais. Déroutant pour ceux qui s'attendaient à un dégommage au bazooka sur la durée...

Comme si cela ne suffisait pas, France est aussi un exercice de style formel (la magnifique scène de l'accident, absolument étonnante dans le cinéma de Dumont, les regards caméra) et une friandise baroque  en terme de direction artistique (l'intérieur de l'appartement, la garde robe de la journaliste, les superbes extérieurs).

Difficile donc de s'y retrouver, sauf à considérer, comme moi, que la dernière oeuvre du nordiste est avant tout un beau et sensible portrait de femme, saisie dans ses contradictions, et magnifiquement jouée par une Léa Seydoux parfois très enlaidie, dont le jeu distancié fait ici merveille. Je pense qu'il s'agit ici de son meilleur rôle.

 

3e

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Ma Loute

On trouve dans Ma Loute tout le cinéma de Bruno Dumont : le couple de policiers empruntés mais déterminés de P'tit Quinquin, Juliette Binoche comme dans Camille Claudel, les paysages du Nord superbement filmés dans Hors Satan, etc

Tout le cinéma, et un peu plus : il est assez rare de voir un réalisateur sublimer toute son oeuvre pour produire quelque chose de nouveau. Et beau.

Parce que oui, pour commencer, Ma Loute est d'abord une splendeur visuelle. Perfection de la photographie, direction artistique (décors, costumes, accessoires) hors du commun, cadrages démentiels, génie du paysage : le film est d'abord une réussite totale d'un point de vue esthétique.

Au-delà de cet aspect visuel, Dumont parvient à entremêler brillamment plusieurs strates de discours : du burlesque pur (Tati, Max Linder), de la critique social au vitriol (les bourgeois à bout de course consanguins, l'apologie tronquée du capitalisme) et - ce que personne ne semble relever - une merveilleuse histoire d'éveil amoureux.

Rien que pour ces raisons, Ma Loute mériterait déjà tous nos éloges (et peut-être une Palme d'Or), mais on peut encore ajouter que Bruno Dumont trouve en plus le moyen de nous émerveiller (ces superbes scènes de lévitation), de nous choquer (la soupe un peu gore) et de nous emporter (un sens du rythme inattendu, les belles scènes de mer).

Beaucoup de détails dans le film pourraient faire l'objet de longues exégèses (l'extraordinaire travail sur le son par exemple), mais pour aller directement au fait, je résumerai de la façon suivante :

Courez-y.

 

4e

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Pt'it quinquin

Si on confie à Bruno Dumont la réalisation d'une série, comme vient de le faire Arte, nul doute qu'il fasse bien du Bruno Dumont.

Pas de surprise donc à ce qu'on retrouve dans Pt'it quinquin les qualités et les défauts du réalisateur :  un sens prodigieux des éclairages et des paysages, des fulgurences de mise en scène saisissantes, mais aussi un penchant pour la destructuration du récit et un intérêt douteux pour la cohérence de l'intrigue.

A Cannes, ou le film fut présenté à la Quinzaine, l'accueil fut à la fois enthousiaste (l'effet de surprise jouant à fond, Dumont se permettant ici quelques traits d'humour, ce qui n'est pas son habitude) et violemment négatif pour une petite minorité du public, qui considérait que Dumont exploitait les handicapés qui constituent ici une partie de son casting.

Ce sont en fait les deux types de réactions que la série a alternativement généré chez moi : au début un grand plaisir de découverte et de curiosité (les paysages du Boulonnais prennent ici un air particulièrement exotiques), mélangé à quelques sourires, puis un ennui grandissant dû à une intrigue qui s'effiloche et à des scènes qui mettent mal à l'aise. 

Si Bernard Pruvost, qui joue le commisssaire, semble en effet bien être un handicapé qui joue l'acteur, on n'a pas forcément la même impression avec d'autres participants à l'aventure, je pense au frère et aux grands-parents du personnage principal par exemple.

On comprendra que les gens du Pas de Calais n'acceptent pas facilement cette vision d'auteur qui donne d'eux une image peu engageante : arriérés et raciste (car Pt'it quinquin l'est sans contestation). La banderolle déployée au Parc des Princes par les supporters du PSG il y a six ans («Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch'tis») a laissé des traces qui trouvent ici un écho. 

Au final, reste pour moi quand même une impression plutôt positive, le talent exceptionel de Bruno Dumont (les majorettes !) effleurant souvent la surface de cette OVNI télévisuel, qui au passage ne respecte aucun canon des séries habituelles. Les audiences sur Arte ayant été très bonnes, une suite est maintenant envisagée.

 

2e

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Camille Claudel, 1915

Juliette Binoche rit, renifle, chigne, pleure, bouge les sourcils, n'est pas maquillée, regarde au loin, hurle, se tait, gémit, se lamente, se coiffe, sourit, écrit, laisse un frisson parcourir ses joues, tremble, sanglote, etc.

Je pourrais continuer tout au long de l'article, mais je pense que vous l'avez compris, Camille Claudel, 1915 est un film à César, dédié à Juliette Binoche. On peut apprécier, bien sûr, c'est le cas de gens très bien, mais on peut aussi royalement s'ennuyer, ce qui fut mon cas.

Rappelons les faits : Camille Claudel, artiste maudite, ex-maîtresse de Rodin, est internée en asile psychiatrique (à tort ou à raison ?), et y restera jusqu'à la fin de ses jours, visitée de temps à autre par Paul Claudel, son frère. La deuxième partie du film est d'ailleurs consacré plutôt à ce dernier, et plus précisément à de longs monologues empreints d'une religiosité qui m'a laissé de marbre.

Le film n'a pas de ressort dramatique, et son propos aurait probablement plutôt convenu à un moyen métrage. Ceci étant dit, il faut reconnaître que Bruno Dumont est probablement le meilleur filmeur de bâtiments et surtout de paysages en activité. Les plans sur l'hospice et la nature environnante sont de toute beauté. L'utilisation de véritables malades mentaux dans le film ne m'a par contre pas du tout convaincu : leur intégration à la trame du film ne m'a paru si naturelle, et du coup le côté exhibitionniste m'a parfois gêné.

 

2e

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Hors Satan

Je comprends que sous l'emprise d'un tropisme mystico-élitiste (ou de substances illicites) on soit charmé par Hors Satan.

On écrira alors des choses de ce style : Bruno Dumont réussit à nous montrer l'âme à nu, sans autre artifice que le bruit d'une feuille morte qui crisse et que celui du vent dans les landes du Boulonnais, sans autre moyen que cette mise en scène que certains jugeront austère, mais qui rend sensible par la seule grâce de ses choix primordiaux (cadrage, focale, son, photographie) la puissance d'une transcendance toute pasolinienne, et bla bla bla.

En réalité, je vous le dis, ce film c'est Ribéry filmé par Bergman, ou Antonioni chez les Ch'tis, sans l'envol mystique de L'humanité et sans les fulgurances sauvages de Flandres.

Je m'emmerdais tellement durant le film que j'ai testé le jeu suivant : fermer les paupières pendant la moitié de chaque plan, et ne les réouvrir que lorsque la luminosité les traversant indique un changement de plan (jeu rendu possible par le fait que les plans sont fixes, donc de luminosité constante, et longs, trop longs).

Ce n'est pas un jeu facile, d'abord parce que le risque de s'endormir est non négligeable (cela m'est arrivé deux fois), ensuite parce que vous ne savez pas avant combien de temps va durer chaque plan. Le jeu a quand même réussi à me faire patienter les presque deux heures que dure le film, sans que je souffre trop. De plus je n'ai pas raté grand-chose de la narration, ce qui montre bien que le film aurait pu durer 45 minutes sans qu'on y perde.

Hors Satan est assez faible dans ce qu'il expose : un méli mélo Diable / Dieu / vengeance / sexe qui rappelle que Dumont était prof de philo avant d'être cinéaste, mais qui s'avère ici indigeste au possible. Un point culminant est atteint par le dénouement, qu'on peine à croire possible tellement il est lourdingue. Va-t-il oser ? Hé oui ! Les acteurs ne sont pas professionnels, et je suis triste de le dire, mais ça se voit tellement qu'on en a mal pour eux. On les voit chercher leur marque au sol pour savoir où aller, c'est terrible.

Rapidement on en vient à souhaiter méchamment la mort brutale de tous ces personnages qui ressemblent plus à des marionnettes conceptuelles qu'à des êtres de chair et de sang, ce qui vu le sujet du film, ne garantirait même pas que ce dernier soit écourté, malheureusement.

A mon sens le point faible du début de carrière de Bruno Dumont.

 

1e

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Flandres

Voilà un film dans lequel on a beaucoup de mal à entrer, et ... duquel on sort difficilement.

Cela commence dans le Nord, dans les Flandres. Les hommes, les femmes, les moeurs sont rudes. Demester est amoureux de Barbe, qui est amoureuse de plusieurs garçons. Tout cela est filmé d'une façon très abrupte, les dialogues sont parfois difficilement audibles, les rapports sexuels expéditifs et les sentiments à peine esquissés. Les Dardenne, en comparaison, semblent tourner des comédies tellement Flandres est dur, froid, triste.

Puis les quelques jeunes hommes que l'on vient de suivre partent en guerre dans une métaphore de pays désertique et semble-t-il plutôt arabe (l'Algérie, le Moyen Orient...). Il vivent là des expériences déjà montrées dans d'autres films (tuer des innocents, violer des femmes, perdre des amis au combat, être perdus, avoir peur, voir des hommes torturés...) comme Full Metal Jacket, par exemple. Dumont filme ces parties un peu maladroitement, même si certaines scènes sont très efficaces, abordées absolument frontalement, avec la volonté manifeste d'éviter toute fioriture.

Le film alterne alors des scènes de guerre dans le désert et des scènes dans les Flandres autour de la très belle actrice Adelaïde Leroux, trouvant dans cette alternance un équilibre fragile, intriguant et finalement assez séduisant. Il y a dans la façon de filmer de Dumont un petit quelque chose qui rappelle Terrence Malick.

Flandres n'est pas un film à regarder pour se remonter le moral un dimanche après-midi pluvieux de novembre (sauf avant une pendaison programmée, peut-être), mais c'est un film qui peut difficilement laisser indifférent.  Grand Prix du jury, Cannes 2006.

 

3e

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