Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Christoblog

Articles avec #j'aime

Mémoires d'un escargot

Le voici, le premier grand choc de 2025.

Nous n'avions plus de nouvelles de l'Australien Adam Elliot depuis 2009 et son formidable Mary and Max. Le voici qui revient avec un incroyable film d'animation pour adulte qui génère chez le spectateur toutes sortes d'émotions variées, de l'amusement à la tristesse en passant par l'étonnement le plus sincère.

Attention, il s'agit bien d'un film pour adulte ! Les thématiques abordées sont variées et ne conviennent pas à l'évidence aux petits bouts : dépression sévère, maltraitance des enfants, expériences sexuelles en tout genre dont l'échangisme, violence, obsessions et deuil. Il y a d'ailleurs un plaisir tout particulier à regarder un film en pâte à modeler capable de générer autant d'émotions diverses à partir d'idées aussi noires.

Adam Elliot réussit le prodige de nous intéresser tout du long par la grâce d'un scénario très malin et tortueux, et aussi parce que le montage de Mémoire d'un escargot est d'une précision millimétrique, générant un rythme emballant. Les trouvailles visuelles sont formidables.

Le film comprend également tout une série de référence littéraire, de mises en abîme et d'allusions à la France qui contribuent à nouer une connivence naturelle avec les spectateurs français.

Très, très beau.

Adam Elliot sur Christoblog : Mary and Max - 2009 (**)

 

4e

Voir les commentaires

City of darkness

Après son polar hyper stylisé Limbo, qui a rencontré un succès critique inattendu, on attendait au tournant le Hongkongais Soi Cheang.

Le voici qui revient avec une oeuvre encore plus ambitieuse, mais tout aussi formellement recherchée.

Le décor du film est un personnage en lui-même. La Citadelle de Kowloon, détruite en 1983, est reconstituée à l'écran d'une façon spectaculaire grâce à un décor incroyable. La ruelle des poubelles de Limbo, déjà très impressionnante, est ici ridiculisée par un entrelac d'étages, de patios, de balcons grillagés, de fouillis de câbles électriques, de passages improbables, qui est en soi une raison de voir le film.

La narration peut se découper en trois parties : la première dresse le portait de Kowloon à travers la découverte qu'en fait un jeune immigré, Chan Lok-kwun, la deuxième raconte l'histoire des gangs de la Citadelle et la façon dont cette histoire se raccorde à celle de Chan, enfin la troisième est un pur film de baston mâtiné de fantastique.

Si les deux premières possèdent une force romanesque indiscutable, la troisième est probablement un peu plus difficile d'accès pour les néophytes, malgré son côté très spectaculaire. Il faudra apprécier les chorégraphies stylisées et pas du tout réalistes pour profiter totalement de ces scènes de combat absolument too much.

City of darkness est un immense succès au box-office hongkongais. Il faut dire qu'il rassemble des stars du cinéma hongkongais (Lois Koo et Richie Jen), de jeunes révélations très prometteuses et des artisans hors pair, comme le spécialiste du cinéma d'action asiatique, le japonais Kenji Tanugaki.

Si vous êtes sensible à la fois au film de gangs et aux arts martiaux, City of darkness possède la force d'évocation d'un Scorsese ou d'un Coppola. 

Soi Cheang sur Christoblog : Limbo - 2023 (**)

 

3e

Voir les commentaires

Noël à Miller's point

Curieux film que ce troisième long-métrage du jeune prodige du cinéma indépendant US, Tyler Taormina.

Cela commence à peu près normalement : une famille est filmée avant d'arriver à la soirée de réveillon, où l'attend le reste de la famille, une tribu italo-américaine middle class.

Mais rapidement, on comprend que le film ne ressemblera pas à une oeuvre classique. On ne s'attache à aucun personnage, les enjeux des conversations (qu'on peine à suivre) sont évanescents, on a du mal à reconnaître les uns et les autres, les plans sont parfois entrecoupés de saillies surréalistes (une avalanche de smarties au ralenti). 

D'une certaine façon on n'est donc pas surpris quand la jeune fille de la famille s'échappe pour explorer la petite ville enneigée avec une bande de potes. La caméra de Taormina trouve alors une tonalité élégiaque, ménageant des plans d'une beauté qui prend aux tripes (le patin à glace, les jeunes dans les voitures). Le réalisme a alors totalement disparu et nous sommes dans une sorte de rêve qui tient à la fois de Wes Anderson et de Roy Andersson, mélange de visions bizarres, de nostalgie sourde et de béances presque métaphysiques.

Un film étonnant, qui révèle un réalisateur doué et prometteur. Pour la petite histoire, les rejetons Scorsese (Francesca) et Spielberg (Sawyer) y font les acteurs.

 

2e

Voir les commentaires

My sunshine

Paysages enneigés, format 4/3, image au gros grain : côté esthétique, on n'est pas chez Kore-Eda, mais pour ce qui est de l'attention portée aux enfants, on y est tout à fait.

Le jeune Takuya est timide, bègue, et joue mal au hockey et au baseball. Quand il voit la jolie Sakura patiner, il est émerveillé. Leur professeur, qui vit avec un autre homme (l'homosexualité est rarement montrée dans le cinéma japonais), se met en tête d'entraîner ce couple dissemblable pour les amener tous deux en championnat national.

L'intérêt de My sunshine est de bien rendre compte des instants de bonheur que vont vivre les trois personnages ensemble. Le réalisateur Hiroshi Okuyama possède une belle sensibilité pour filmer avec douceur des situations souvent lumineuses, avec une tendresse qui confine parfois à la mièvrerie. 

La résolution de l'intrigue est assez prévisible et sa tristesse diffuse est à l'image du film : charmante et inconsistante. On imagine que sur une trame similaire, Kore-Eda aurait injecté un plus de cruauté.

On suivra avec attention Okuyama dans l'avenir, il n'a que 28 ans.

 

2e

Voir les commentaires

Conclave

Le nouveau film d'Edward Berger ressemble un peu à un film Netflix : il brille, il fait des clins d'oeil aux spectateurs (effets faciles et mise en scène qui claque), manque d'originalité et de subtilité.

J'avais entendu à propos du film qu'il présentait des luttes de pouvoir et des conspirations dignes de Succession, mais que nenni : on est ici plutôt dans une gamme de combines qui évoque l'élection de délégués de classe au lycée (si tu votes pour moi, je te paye une bière).

Quant aux rebondissements, ils sont relativement peu nombreux et pour certains carrément improbables (l'attentat). Enfin la "surprise" finale n'en est pas vraiment une : on la voit arriver de très loin.

Restent cependant des décors impressionnants, une mise en place qui donne à voir ce que peut être l'ambiance d'un conclave, de bons acteurs (Ralph Fiennes en tête) et une micro-réflexion sur la foi et le rôle de la papauté. La mise en scène efficace fait le reste, pour donner un honnête divertissement qu'on peut aller voir sans rougir (il y a assez de pourpre à l'écran).

Edward Berger sur Christoblog : Jack - 2014 (***)

 

2e

Voir les commentaires

Everybody loves Touda

Le dernier film de Nabil Ayouch est un film simple.

Il commence par une scène mémorable, typique de l'efficacité sèche du réalisateur marocain, qui fit merveille dans Much loved.

Il s'agit d'une fête dans laquelle se produit une chanteuse qui rêve de devenir Cheika (chanteuse traditionnelle). La scène commence de façon solaire et se termine dans un chaos terrible.

Le film bascule ensuite dans une chronique sociale classique : il s'agit de dresser le portrait sensible d'une femme illettrée qui doit élever seul son fils sourd. Cet aspect est assez convenu, même s'il est très réaliste. Le véritable atout du film, presque documentaire, réside dans la découverte de ce chant très spécifique des Cheikhas, l'Aïta, une sorte de poésie très libre qui semble précurseur du raï. 

L'actrice Nisrin Erradi joue avec une force incroyable cette femme forte et volontaire, qui se heurte malheureusement à la misogynie extrême des hommes marocains, encore une fois ici exposée avec une grande âpreté par Nabil Ayouch. 

Everybody loves Touda est un film dur, parfois désespérant, qui se termine par une scène déchirante en écho de la première, jusqu'à ce que Touda explose dans un dernier cri de rage.

Nabil Ayouch sur Christoblog : Les chevaux de Dieu - 2012 (***) / Much loved - 2015 (****) / Haut et fort - 2021 (**)

 

2e

Voir les commentaires

Bird

Dieu sait si j'aime la façon de filmer d'Andrea Arnold, une cinéaste dont je ne rate aucun film.

Le début de Bird m'a d'ailleurs pleinement convaincu, dans un style dynamique qui m'a semblé synthétiser le meilleur de la Britannique : introduction en fanfare sur une formidable bande-son de Fontains DC, magnifique personnage de mec borné au bon coeur (Barry Keoghan qui joue à la Shia LaBeouf), impression saisissante de réalité, capacité de saisir l'essentiel des relations humaines en quelques plans.

Hélas, l'irruption du personnage joué par Franz Rogowski ne m'a pas vraiment convaincu. Le mélange de réalisme social et de fantastique m'a semblé artificiel, comme si deux films essayaient de coexister à l'intérieur d'un seul. Comme dans Le règne animal, la pauvreté des trucages m'a également gêné. 

J'ai enfin trouvé que le scénario s'égarait un peu dans la deuxième partie du film, certaines scènes s'éternisant ou ne servant pas directement l'intrigue.

Malgré ces quelques points négatifs liés principalement à l'écriture du film, le talent d'Andrea Arnold est tel qu'il est difficile de ne pas mettre Bird au-dessus de la majorité des films que l'on peut voir.

Andrea Arnold sur Christoblod : Red road - 2006 (****) / Fish tank - 2009 (****) / Les hauts de Hurlevent - 2011 (**) / American Honey - 2017 (**)

 

2e

Voir les commentaires

Motel destino

Karim Aïnouz n'est jamais là où on l'attend. Sa filmographie en atteste : mélodrame au long court, documentaire, film historique en costume et donc maintenant polar poisseux et coloré.

Motel Destino, mal accueilli par la presse, est pourtant très agréable, à condition d'aimer les films noirs crus et vénéneux. 

L'histoire est assez classique (elle rappelle celle du Facteur sonne toujours deux fois), mais le véritable intérêt du film se situe plutôt dans des considérations plastiques. Le décor du motel, labyrinthique et inquiétant, est fascinant, et les couleurs (impulsées par des néons rouges et verts) sont incroyablement suggestives. Le film regorge de détails (personnages secondaires, sons, objets et animaux présents à l'écran) qui renouvellent le genre.

Aïnouz parvient également à obtenir de ses acteurs une sensualité hors du commun qui sublime le caractère classique de l'intrigue, et qui contribue à donner au film son caractère moite et âpre. Le sexe est partout présent, et imprègne littéralement la pellicule. L'actrice Nataly Rocha est en particulier excellente, donnant à son personnage une forte densité charnelle, associée à une curieuse opacité.

Un film en mode mineur, à la fois acidulé et empoisonné.

Karim Aïnouz sur Christoblog : La vie invisible d'Euridice Gusmao - 2019 (****) / Le jeu de la reine - 2024 (***)

 

3e

Voir les commentaires

Le beau rôle

Bon petit film français qui hésite entre romcom piquante et réflexion sur les métiers du spectacle, Le beau rôle n'est pas désagréable à regarder.

On se foutrait cependant des péripéties assez oubliables que propose le scénario si les deux protagonistes principaux n'étaient pas Vimala Pons et William Lebghil.

La première conserve de film en film cette vivacité du visage qu'aucune autre actrice possède et qui avait marqué les cinéphiles dans La fille du 14 juillet, en 2013. Son charme, parfaitement adapté à la comédie, fait ici mouche. Quant à Lebghil, sa nonchalance résignée et parfois malicieuse trouve ici un cadre parfait, comme c'était aussi le cas dans Grand Paris et La vie de ma mère.

Sans être renversant, ce premier film du scénariste Victor Rodenbach (Platane, Dix pour cent) est donc une honnête comédie de fin d'année, teintée d'une pointe d'émotion liée à la magie du jeu et du théâtre.

 

2e

Voir les commentaires

LaRoy

Dans LaRoy, les clichés sont tellement nombreux et appuyés qu'on pense souvent être devant une caricature de film noir.

Un héros naïf, sa femme qui le trompe sans vergogne avec son bellâtre de frère, un tueur à gage froid et cruel, un détective incapable mais attachant, des gaffes à gogo et des cadavres qui pleuvent : il faut imaginer les frères Coen qui auraient décidé de se parodier eux-même.

Le talent de l'auteur réalisateur Shane Atkinson est de nous amuser tout en nous choquant, avec un sens du rythme très assuré. Malgré les invraisemblances et les exagérations, on finit par s'intéresser à l'évolution des personnages et à leur destinée. Il faut pour cela une interprétation impeccable de tout le casting, John Magaro (qu'on a plus l'habitude de voir chez Kelly Reichardt) en tête.

Un très honnête divertissement, joyeusement noir. 

 

2e

Voir les commentaires

Les reines du drame

Le cinéma queer avait pour l'instant pour moi surtout les couleurs du cinéma de Yann Gonzalez : une esthétique onirique recherchée, mais un peu froide.

Le film d'Alexis Langlois est donc pour moi une véritable surprise : il est chaleureux, romantique, amusant et lyrique. Il est aussi d'un kitsch absolument extrême, symbolisé par le personnage de Steevyshady, joué par un Bilal Hassani déchaîné.

L'histoire d'amour entre Mimi Madamour (Louiza Aura est formidable en poupée dont le physique semble infiniment malléable) et Billie Kohler (fascinante et musculeuse Gio Ventura) est bâtie sur une trame de rise and fall assez classique, ici encapsulée dans un monde complètement barré, irriguée par les réseaux sociaux et la société du paraître. 

Parmi les intérêts du film, il faut noter une série de seconds rôles azimutés particulièrement délectables, dont les deux cruelles présentatrices, vipérines à souhait, sont les joyaux. Les morceaux de musique originaux sont par ailleurs incroyablement efficaces : je peux vous assurer que vous gardez longtemps en tête l'air de "Pas touche" en sortant de la salle ! 

Les reines du drames sont un ovni qui ne ressemble à rien de connu, parfois déstabilisant par ses excès en tout genre et un peu irrégulier dans ses partis-pris formels, mais dégageant une telle énergie positive qu'il en devient férocement aimable.

 

2e

   

Voir les commentaires

Winter break

Chez Alexander Payne, la mise en place de l'histoire est toujours longue. Ici, il faut attendre un bon tiers du film avant de comprendre quels seront exactement les personnages principaux du film, et encore un autre tiers avant de véritablement saisir leur personnalité et leur histoire.

Le réalisateur américain possède une touche immédiatement reconnaissable, qui me semble comparable à la tradition du grand roman russe : le contexte est très important et il faut prendre le temps de le décrire, les personnages sont habilement caractérisés non parce qu'ils pensent, mais par ce qu'ils font, et enfin les digressions petites et grandes apportent toutes un élément du puzzle.

De cette approche méticuleuse résulte une oeuvre d'une grande profondeur, qui fourmille de détails significatifs et de situations aux multiples nuances. Ce qui paraît initialement cruel paraîtra bientôt touchant, ce qui semblait au début du film clair s'obscurcira progressivement, et réciproquement.

Au service de ce travail d'orfèvre se démène toute une troupe talentueuse. Les trois acteurs principaux, gueules atypiques chacun dans leur genre, font des miracles de sensibilité délicate, évitant en toute circonstance la mièvrerie qui rôde autour de l'intrigue. La direction artistique et la photographie servent parfaitement le propos du film, sublimant le décor étonnant d'une université désertée et enneigée, durant la trêve de fin d'année.

Le choc de ces trois solitudes malmenées par la vie est à la fois drôle, édifiant et émouvant. Winter break confirme le talent hors norme d'Alexander Payne pour dessiner de beaux portraits de groupe en prise aux difficultés existentielles.

Un des meilleurs films de 2023.

Alexander Payne sur Christoblog : The descendants - 2011 (****) / Nebraska - 2013 (****) / Downsizing - 2017 (**)

 

4e

Voir les commentaires

Vingt dieux

Je pensais que le cinéma français, avec sa production annuelle pléthorique, finirait un jour par avoir abordé tous les styles possibles... et puis arrive un film comme Vingt dieux, mélange improbable de Ken Loach (façon La part des anges) et de Raymond Depardon, tourné avec des acteurs non professionnels quelque part dans le Jura.

Un film solaire, tendre et dur à la fois, qui ne ressemble à aucun autre.

Il faut à la réalisatrice Louise Courvoisier un certain culot pour oser marier dans un premier film une âpre description sociale (outre Loach, j'ai également pensé au Wang Bing des Trois soeurs du Yunnan) à une romcom adolescente très crue, tout cela sur fond de fabrication artisanale ... du comté.

Si le film tient la route, c'est grâce à son écriture très précise, à la réalisation inventive et inspirée de la réalisatrice, mais aussi au charisme du couple des deux jeunes interprètes, Clément Faveau et Maïwène Barthelemy, irrésistibles en doux Roméo et Juliette du Doubs.

On est émus et on sourit sans barguigner.

 

3e

Voir les commentaires

Limonov, la ballade

Serebrennikov, c'est l'escalade permanente vers toujours plus de virtuosité.

Les mouvements de caméra dont le réalisateur russe est friand trouvent ainsi dans ce film une expression complètement folle, par exemple dans un plan qui voit l'acteur Ben Whishaw passer de décor en décor d'un seul élan, changeant d'époque à chaque fois qu'il ouvre une porte.

Limonov ménage aussi, et c'est moins fréquent, quelques moments de calme reposants, qui donnent lieu à de belles scènes d'intimité. 

Sinon, les tics habituels du Russe sont bien au rendez-vous : intertitres spectaculaires, morceaux rock tonitruants. Il sont ici accompagnés d'effets déjà vus chez d'autres réalisateurs (élargissement du cadre comme dans Mommy, acteur qui passe à l'envers du décor comme dans Les herbes sèches).

Tout cela donne une impression de superficialité clinquante, pas désagréable, mais un peu vaine.

Le personnage de Limonov, artiste peu entreprenant aux idées politiques assez flippantes (une sorte de nationalisme parfois fascisant, parfois apolitique), génère finalement peu d'empathie : c'est aussi un des problèmes du film. Je me suis demandé à plusieurs occasions si ce personnage méritait autant d'attention.

Limonov, la ballade est un pur exercice de style, plus digeste que les deux précédents pensums de Serebrennikov, dont on peut se demander s'il n'esquisse pas en creux un autoportrait du réalisateur.

Kirill Serebrennikov sur Christoblog : Le disciple - 2016 (**) / Leto - 2018 (**) / La fièvre de Petrov - 2021 (**) / La femme de Tchaïkovski - 2022 (**) 

 

2e

Voir les commentaires

En fanfare

Emmanuel Courcol, le réalisateur d'En fanfare, est un excellent scénariste. Outre le scénario de son premier film, le très agréable Un triomphe, on lui doit également ceux de Welcome ou de Mademoiselle, par exemple.

Il y a dans son écriture une sécheresse, un sens du rythme et une finesse qui rendent ses films extrêmement efficaces et émouvants. Ici, les personnages sont admirablement dessinés, y compris les seconds rôles. Leurs relations ne sont pas simplistes, et le propos de l'histoire, sur le papier très mélodramatique (un chef d'orchestre célèbre découvre qu'il a un frère génétique dans le Nord à l'occasion d'une maladie grave), est traité avec beaucoup de subtilité. 

Comme le rythme du film est enlevé, n'hésitant pas à utiliser de nombreuses ellipses bien venues, on ne s'ennuie pas une seconde. La convivialité du Nord donne à En fanfare une coloration bon enfant ch'ti qui rend cette histoire de fraternité particulièrement émouvante et chaleureuse.

On se régale, jusqu'à un final très réussi qui génèrera quasi-automatiquement des applaudissements dans toutes les salles où il est projeté : vous verrez, les derniers plans sont irrésistibles.

Du très bel ouvrage, qui mérite un succès public à la hauteur de plusieurs millions de spectateurs en France.

Emmanuel Courcol sur Christoblog : Un triomphe - 2021 (**)

 

3e

Voir les commentaires

Diamant brut

Premier film d'une jeune réalisatrice, Diamant brut révèle également une toute jeune actrice qui crève l'écran et dont on a pas fini d'entendre parler, Malou Khebizi. 

Nous sommes dans la banlieue de Fréjus, dans un milieu défavorisé et une famille exclusivement féminine : Liane, qui se rêve en star de télé-réalité, sa mère et sa petite soeur.

Agathe Riedinger filme tout ce petit monde caméra à l'épaule, avec beaucoup de style et de force. La vision qu'elle propose de cette classe sociale populaire est comme débarrassée des encombrants a priori qui caractérise habituellement ce type de film. Pas de misérabilisme surplombant, pas de jugement de valeur dans ce portrait d'une jeune fille biberonnée aux réseaux sociaux et qui ne se rêve qu'en personnalité instagrammable.

C'est vraiment le tour de force de Diamant brut : nous montrer sans fard une génération uniquement préoccupée par le paraître, lointaine descendante d'une ancêtre qui pourrait être la Loana du Loft, et nous la faire aimer. Liane devient par la grâce d'une direction d'actrice à fleur de peau une sorte de déesse de la superficialité épanouie, sûre d'elle et conquérante.

Diamant brut m'a rappelé le choc que j'avais ressenti en découvrant les trois premiers films d'Andrea Arnold : format 4/3, image un peu sale, inspiration parfois insensée de la mise en scène. Il réalise une sorte de miracle cinématographique : rendre la vacuité aimable par le seul vecteur d'une personnalité éclatante.

C'est une parfaite réussite.

 

4e

Voir les commentaires

No other land

L'immense mérite de ce film documentaire réalisé à huit mains (deux réalisateurs palestiniens et deux israéliens) est de faire ressentir presque physiquement la violence de la colonisation en Cisjordanie. 

L'arbitraire des actions de destruction des Israéliens, la résilience digne de Sisyphe des Palestiniens qui semblent toujours en capacité de reconstruire leur village séculaire, la violence décomplexée des colons couverte par l'armée : tout ici concourt à rendre les actions israéliennes profondément cruelles, sous des dehors de justifications froidement administratives.

Par ailleurs, mis à part le tableau d'une belle amitié entre l'activiste palestinien Basel et le journaliste israélien Yuval, le film ne propose pas grand chose en terme narratif. Il est aussi parfois très pauvre techniquement (beaucoup de plan sont tournés avec des téléphones portables) et un peu répétitif dans ses développements - la répétition servant en partie son propos, puisqu'il s'agit de rendre la réitération des persécutions littéralement insupportable.

Même si on peut regretter également que No other land ne donne pas de profondeur contextuelle à ce que l'on voit à l'écran, il faut tout de même aller voir ce film, qui donne comme nul autre une vision profondément immersive, et sur une longue durée, de ce qu'était la vie en Cisjordanie avant octobre 2023.

 

2e

Voir les commentaires

Trois amies

Rien de bien original dans cette nouvelle production d'Emmanuel Mouret.

Nous sommes toujours dans la gamme à la fois drôle, caustique et légèrement dépressive de ses derniers films. Ici la narration se déplace à Lyon, et débute par une voix off d'outre tombe, ce qui constitue deux (légères) nouveautés.

Pour le reste on se retrouve en terrain connu : des histoires d'amour qui se font et se défont, des sentiments qui fluctuent au fil du temps, des rapports humains souvent basés sur le non-dit ou les mensonges. Le seul personnage qui choisit de dire la vérité (sublime India Hair, qui trouve enfin ici un rôle à son niveau) provoque une tragédie.

Avec l'âge, l'intérêt frontal pour le sexe s'efface un peu du cinéma de Mouret pour laisser place à des réflexions de plus en plus grave au fil des films : c'est une progression que la filmographie de Woody Allen a connu et qui a culminé dans le chef-d'oeuvre September. Espérons que le réalisateur marseillais connaisse le même sort.

Les dialogues sont comme toujours ciselés à la perfection, le casting est formidable et la mise en scène, sobre et efficace), exploite à la perfection les décors lyonnais. On retrouve ici ou là les petits clins d'oeil qui donnent beaucoup de charme au cinéma de Mouret : quand Camille Cottin évoque une aventure extra-conjugale, son regard ne peut s'empêcher de glisser avec gourmandise vers les parties intimes d'une statue romaine du musée de Fourvière. 

Un cru classique mais solide, qui manie assez habilement la tragédie et la légèreté, tout en donnant des relations humaines une vision assez noire.

Emmanuel Mouret sur Christoblog  : Promène toi donc tout nu ! - 1999 (**) / Laissons Lucie faire ! - 1999 (**) / Vénus et Fleur - 2003 (**) / Changement d'adresse - 2006 (***) /  Un baiser s'il vous plait  - 2007 (****) / Fais moi plaisir - 2008 (**) / L'art d'aimer - 2011 (**) / Caprice - 2014 (**) / Mademoiselle de Jonquières - 2018 (***) / Les choses qu'on dit, les choses qu'on fait - 2020 (****) / Chronique d'une liaison passagère - 2022 (***)

 

3e

Voir les commentaires

Juré N°2

Une fois n'est pas coutume, j'ai beaucoup aimé ce film de Clint Eastwood.

Le mérite en revient probablement en grande partie au scénario de Jonathan Abrams, d'une finesse remarquable. L'intrigue (dont la bande annonce révèle un peu trop facilement le pitch) progresse rapidement au-delà de son point de départ, et ses développements sont très bien conçus.

Les retournements de situation sont excitants, les dilemmes des différents personnages captivants. Les cas de conscience qu'exposent élégamment le film se reflètent d'ailleurs dans le cerveau de chaque spectateur : qu'aurions nous fait à la place de Justin Kemp ?

Comme la mise en scène est d'une grande fluidité, que les dialogues sont ciselés et que le jeu des acteurs est impeccable, on passe un excellent moment. Nicolas Hoult (qui se fit d'abord remarquer dans A single man) est convaincant en juré anxieux, alors que Toni Collette offre une prestation remarquablement nuancée.

Un excellent film de procès et un très bon cru pour Eastwood, peut-être l'ultime pour le réalisateur de ... 94 ans.

Clint Eastwood sur Christoblog : Mystic river - 2003 (***) / Gran Torino - 2008 (***) / Invictus - 2009 (**) / Au-delà - 2010 (*) / J. Edgar - 2011 (**) / American sniper - 2015 (**) / Sully - 2016 (***) / La mule - 2019 (**) / Le cas Richard Lewell - 2020 (**)

 

3e

Voir les commentaires

Monsieur Aznavour

On peut aller voir Monsieur Aznavour simplement pour en savoir plus sur le chanteur.

De ce point de vue, le film de Grand corps malade et Mehdi Idir est une réussite : il est informatif et jamais ennuyeux. Le propos est donc intéressant pour ceux qui ne connaissent pas sur le bout du doigt la carrière d'Aznavour, et en particulier il apporte beaucoup d'éléments sur la période précédant la célébrité.

Mais pour moi, l'intérêt ultime du film réside dans l'interprétation étonnante de Tahar Rahim. Celle-ci oscille en effet durant tout le film entre un mimétisme troublant et une libre réinterprétation. C'est comme ci l'acteur Rahim contenait un océan intérieur constitué d'Aznavour : on ne voit parfois que Charles, puis à l'occasion d'un sourire les yeux rieur de Rahim s'imposent, puis, par la grâce d'un mouvement d'épaule, Aznavour repasse à la surface. Parfois, on voit dans la même scène plusieurs facettes à la suite : Aznvour sous un vernis de Rahim, Rahim tentant de faire émerger Aznavour, un hybride monstrueux des deux personnages. 

Pour le reste, l'écriture faiblit un peu dans la deuxième partie du film (l'histoire de Patrick est par exemple salement expédiée) et la mise en scène est parfois maladroite (les mouvements de caméra aériens qui n'apportent rien).

Mais la puissance d'évocation et la force interne des chansons (qu'on a le loisir d'entendre ici en entier) l'emportent toutefois : Monsieur Aznavour est un vrai beau film populaire à ne pas manquer.

Grand corps malade et Mehdi Idir sur Christoblog : Patients - 2016 (**) / La vie scolaire - 2019 (*)

 

3e

Voir les commentaires

<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 20 30 40 50 60 70 > >>