Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Christoblog

Articles avec #adele exarchopoulos

Planète B

Sur le papier, il y a beaucoup de choses intéressantes dans Planète B. L'idée de base du scénario (une prison virtuelle dans laquelle les avatars des prisonniers sont enfermés - et torturés) est intéressante. Le casting est aussi séduisant. Adèle Exarchopoulos est une fois de plus parfaite, comme Souheila Yacoub. 

Le début du film est plutôt séduisant, installant avec peu de moyens un monde dystopique assez crédible dans lequel des écoterroristes grenoblois sont pourchassés par des drones, dans une première scène prenante.

Hélas, il faut vite déchanter. Le scénario est à la fois brouillon et trop ambitieux, les idées développées sont maladroites et l'écriture du film sacrifie trop d'enjeux pour maintenir l'intérêt pendant deux heures. Certains personnages sont grossièrement dessinés (le chef de la police par exemple) et les péripéties finales sentent le manque d'imagination, à l'image du dernier plan, catastrophiquement vide. La direction d'acteur est aussi très mauvaise en ce qui concerne les personnages secondaires : je n'ai jamais vu India Hair jouer aussi mal.

Une déception à la hauteur des espoirs suscités.

 

1e

Voir les commentaires

L'amour ouf

Devant son casting incroyable et l'intense battage médiatique qui l'accompagne, j'ai quelques scrupules à dire du mal de ce film.

D'autant plus que la première partie, consacrée à l'adolescence des deux personnages, est tout à fait charmante.

Les deux interprètes principaux (la formidable Mallory Wanecque, remarquée dans Les pires, et Malik Frikah) présentent l'énorme avantage de ne pas être connus : on peut d'autant plus facilement se glisser dans cette histoire d'amour entre deux adolescents que tout oppose, un peu finalement comme dans Titanic. La reconstitution des années 80 est délicieusement réussie.

Rien de vraiment extraordinaire, mais la justesse de ton de Gilles Lellouche, qui était le point fort du Grand bain, nous emporte ici aussi.

Malheureusement, dans sa deuxième partie, le film perd en crédibilité et en cohérence. Si Adèle Exarchopoulos est une nouvelle fois convaincante, j'ai franchement eu du mal à croire en François Civil en mauvais garçon et en Benoit Poelvoorde en parrain de la pègre, cynique et cruel. De fait, chaque acteur est tellement cantonné dans "ce qui est attendu de son personnage" que le film perd en subtilité, à l'image du personnage joué caricaturalement par Vincent Lacoste.

L'amour ouf, (trop) plein de bonne volonté, ressemble à un repas trop long et trop copieux, dont certains plats sont plutôt bons, mais d'autres sont franchement indigestes : les couchers de soleils langoureux, la partie comédie musicale, les scènes de polar façon Scorsese franchouillard.

Ni vraiment bon, ni totalement raté, le film possède un vrai souffle romantique : à vous de voir.

Gilles Lellouche réalisateur sur Christoblog : Les infidèles - 2012 (***) / Le grand bain - 2018 (***)

 

2e

Voir les commentaires

Le règne animal

En opposition à la plupart des avis et critiques, je n'ai pas été enthousiasmé par le deuxième film de Thomas Cailley.

Si les premières scènes sont assez réussies, je trouve que Le règne animal s'égare assez vite, hésitant maladroitement entre plusieurs intentions. 

Le premier style auquel s'essaye le film est le body horror adolescent, dans lequel un jeune corps se transforme en monstre. C'est un sujet particulièrement à la mode (le film malaysien Tiger stripes, également à Cannes cette année, traite par exemple du même sujet) mais que Cailley ne maîtrise pas à mon sens. Il peine à faire ressentir le véritable malaise qui s'empare de la victime, ce que réussissait parfaitement le Teddy des frères Boukherma, dont on a parfois l'impression de voir une redite (les griffes sous les ongles, les bosses sous la peau, les poils).

Il faut dire qu'Anthony Bajon est un acteur mille fois meilleur que le transparent Paul Kircher, dont l'éternel moue boudeuse m'horripile ici autant que dans Le lycéen.

Le règne animal est aussi le portrait d'un couple père poule / enfant confronté à une catastrophe extraordinaire, comme l'est d'ailleurs le récent Acide. Mais dans les deux cas, le papa est un peu à la remorque de l'action, et comme dans le film de Just Philippot, les scènes les plus spectaculaires dans lesquelles le paternel essaye de sauver son enfant, qui devraient être des climax, sont assez mal filmées (les trucages avec l'homme oiseau sont faiblards et la course dans le champ de maïs trop longue et sans enjeu dramatique).

Dans sa valse hésitation, le film fait un peu semblant d'être une romance (Adèle Exarchopoulos erre comme un personnage en quête d'auteur) et la relation avec la mère est trop sommairement traitée pour être intéressante (on peine d'ailleurs à l'identifier).

Le ton n'est jamais vraiment établi, tour à tour poétique, voire mystique (la nature, les écailles, les plumes), humoristique, angoissant, et même sociétal (le harcèlement, l'acceptation de la différence).

Il manque au film les moyens de son ambition, trop grande pour les capacités de Thomas Cailley et son équipe : le vertige métaphysique du franchissement de la frontière entre l'homme et  l'animal n'est que le prétexte à fournir des jolies images, au lieu de constituer le coeur vibrant du film, ce qu'il devrait être.

C'est donc raté.

Thomas Cailley sur Christoblog : Les combattants - 2014 (****)

 

2e

Voir les commentaires

Un métier sérieux

Un métier sérieux, peut-être, mais un film passablement ennuyeux.

Comme souvent, Lilti écrit une sorte de pensum qui coche toutes les cases de la bien-pensance à la mode Télérama, poursuivant son exploration des "métiers éprouvants pour lesquels on a pas assez de considération".

Les profs sont donc tous sympas, très unis et confrontés à toutes une série de personnes incapables (inspectrice distante, principal azimuthé, principal adjoint ridicule) et de circonstances contraires.

La dialectique qui préside à l'évolution de l'action est une dialectique de comptoir, comme il existe une psychologie de comptoir : les (rares) péripéties s'enchaînent sans surprise, dans le seul but apparent de valoriser de beau et noble métier d'enseignant.

On est donc nullement surpris, ni émus, sauf peut-être par la scène finale dans laquelle Adèle Exarchopoulos est seule dans sa salle de classe, comme un écho lointain de son personnage d'institutrice dans La vie d'Adèle.

Un métier sérieux est un film sensible, démonstratif et peu incarné, qui séduira probablement ceux et celles qui ont aimé Hippocrate et Première année.

Thomas Lilti sur Christoblog : Hippocrate - 2014 (**) / Première année - 2018 (**)

 

2e

Voir les commentaires

Je verrai toujours vos visages

J'ai beau chercher, je ne vois pas ce que je pourrais reprocher au nouveau film de Jeanne Herry.

Je verrai toujours vos visages est d'abord magnifiquement écrit. Les dialogues sont ciselés, jamais triviaux. Les destins s'entrecroisent avec brio, avec un sens du rythme et de l'ellipse confondant. L'idée de ne jamais voir le personnage du frère jusqu'à la fin est par exemple extrêmement forte.

Le casting est exceptionnel. Si Adèle Exarchopoulos domine le film et trouve ici son meilleur rôle depuis La vie d'Adèle, il faut signaler l'homogénéité du niveau de jeu de tous les autres protagonistes.

Il peut arriver qu'un bon scénario et un excellent casting soient illustrés par une mise en scène insipide. Ce n'est pas le cas ici. Jeanne Herry utilise avec brio toutes les possibilités qu'offre le cinéma pour ne pas ennuyer le spectateur (variétés des plans, plongées, variation de rythme et de lieu).

Le film parvient enfin, et ce n'est pas la moindre de ses qualités, à éviter le chantage lacrymal et l'effet facile. S'il arrache aux spectateurs de nombreuses larmes, il ne le fait que par la qualité de l'écriture et la puissance de jeu des acteurs, indépendamment de tout effet de manche. Le symbole de cette sécheresse narrative est la magnifique séance finale de rencontre, et sa chute ultime, bouleversante.

Une réussite qui concrétise toutes les promesses de Pupille.  

Jeanne Herry sur Christoblog : Pupille - 2018 (**)

 

4e

Voir les commentaires

Fumer fait tousser

A part Hong Sang-Soo, je ne pense pas qu'il existe un cinéaste aussi prolifique en activité.

Voici donc le nouvel opus de Quentin Dupieux, quelques mois après le calamiteux et bâclé Incroyable mais vrai.

On est ici dans la veine où je trouve que Dupieux réussit le mieux : un absurde poétique et assumé, qui ne semble pas connaître de limites, comme dans Le daim et Mandibules. On se dit plus d'une fois "il ne va pas oser", avant de constater que... si ! Le film alterne avec bonheur trouvailles visuelles (l'épisode de la broyeuse avec Blanche Gardin), acrobaties scénaristiques, numéros d'acteurs et réparties qui font mouche (Vincent Lacoste est au top de sa forme). Le tout dans une plaisante esthétique rendant hommage à la pop culture du siècle dernier.

Les trois-quarts du film sont donc un délicieux petit bonbon modeste et coloré. Malheureusement, et c'est souvent le problème avec Dupieux, Fumer fait tousser ne tient pas la distance et la fin semble tourner en rond, échouant à renouveler l'intérêt et se terminant même en cul-de-sac narratif.

Un divertissement tout de même à conseiller aux fans de non-sens, ne serait-ce que pour son casting ahurissant, et sa durée récréative (1h20 seulement).

 

2e

Voir les commentaires

Les cinq diables

Le deuxième film de Léa Mysius contient plusieurs films.

Le premier est le portrait d'une petite fille qui possède un pouvoir surnaturel : voyager dans le temps en sentant une odeur. L'idée est très jolie et donne lieu à de beaux moment poétiques (les "bocaux à odeurs") et à un moment d'une grande intensité, un des plus beaux jumpscare vu récemment au cinéma.

Le second serait la chronique de la vie en province d'un couple mixte dont les liens se distendent doucement sur fond de non-dits. L'utilisation pertinente des décors (on songe à La nuit du 12, tourné dans la même région), la délicatesse de l'approche de Léa Mysius et l'intensité du jeu d'Adèle Exarchopoulos rendent cet aspect du film attachant, même s'il ne brille pas par son originalité.

Le troisième est une histoire de sorcellerie ancrée dans le passé, resurgissant à l'occasion du retour d'un membre de la famille. Cette partie du film est plus lourde que les autres, plus convenue et surtout un peu énervante par son aspect "je vous distille les indices petit à petit, tout en vous laissant deviner rapidement le tableau d'ensemble". Cette partie fantastique se double elle même d'une boucle temporelle paradoxale. 

Les trois parties du film ne parviennent pas tout à fait à s'emboîter les unes avec les autres et semblent coexister artificiellement. Le film est trop écrit, ne laissant pas l'émotion surgir de la mise en scène. L'impression générale est toutefois positive, le talent de Léa Mysius réalisatrice surpassant (de peu) les carences de Léa Mysius scénariste.

Léa Mysius sur Christoblog : Ava - 2017 (***)

 

2e

Voir les commentaires

Rien à foutre

Ce premier film présenté à la Semaine de la Critique 2021 commence comme du Stéphane Brizé. On se dit qu'il s'agit de nous montrer les conditions de travail difficiles des hôtesses de l'air de compagnie low cost : management à la fois mielleux et impitoyable, objectifs individuels de vente, absence de perspectives, planning démentiel.

Mais on se rend vite compte que la sécheresse didactique de Brizé ne conduira pas le film. Il s'agit plus ici de partager le vague à l'âme étrangement détaché de Cassandre, magnifiquement interprété par Adèle Exarchopoulos, qui tient ici son meilleur rôle depuis La vie d'Adèle.

Plutôt que d'explorer les arcanes sociologique de ce milieu professionnel peu montré au cinéma, on voit donc notre hôtesse de l'air se promener désoeuvrée dans des villes indéterminée, coucher avec des hommes au gré des rencontres d'une nuit, se griser de musique dans des clubs en s'alcoolisant, ou discuter avec ses collègues. Ces déambulations se teintent rapidement d'une connotation plus grave : on comprend que sa mère est décédée récemment dans un accident de voiture.

Rien à foutre change alors de tonalité et devient progressivement un film sur le deuil. C'est lors d'une séquence magnifique (un coup de fil d'Orange), dans laquelle Adèle Exarchopoulos est bouleversante, que l'on perçoit pleinement quel est véritablement le coeur du film.

La dernière partie de Rien à foutre se concentre sur ce sujet et le métier de Cassandre disparait alors au second plan. Elle est un peu plus convenue que la première, mais est très efficace et se conclut sur un dernier plan de toute beauté.

Un première oeuvre d'une grande sensibilité, qui capte parfaitement l'air du temps, à découvrir.

 

3e

Voir les commentaires

BAC Nord

Le problème de Bac Nord ne réside pas dans la polémique qui a accompagné sa sortie. Après tout, le tableau qu'il dresse des quartiers Nord de Marseille n'est qu'une toile de fond, dont on se doute bien qu'elle est à la fois représentative d'une certaine réalité et probablement caricaturale.

Non, le problème de Bac Nord réside dans l'incurie de son scénario, le manque de caractérisation de ses personnages, la maladresse de sa construction et le mauvais goût intrinsèque qui semble présider à tout ce que l'on voit à l'écran : comment peut on oser choisir comme musique Le pénitencier (même dans sa version originale) pour une scène de sortie de prison ? 

Gilles Lellouche n'est pas pour rien dans la faillite du film. Il joue comme une enclume le rôle d'un policier tellement bête qu'on n'arrive jamais à avoir de l'empathie pour lui et ses collègues. Les scènes d'action ne sont que correctes et ne parviennent pas à faire surnager le film : en matière de western urbain le film danois Shorta, sorti l'année dernière, est bien meilleur.

C'est donc raté de bout en bout.

 

1e

Voir les commentaires

Mandibules

Plus la filmographie de Quentin Dupieux progresse, plus ses films gagnent en qualité technique et en cohérence. 

Le bricolage un peu foutraque des débuts laisse la place à une loufoquerie moins provocatrice, plus maîtrisée mais aussi plus inoffensive, alors que la confection du film devient plus "pro". Dans Mandibules comme dans Le daim, il faut en effet noter la qualité de la photographie, la vivacité du montage et l'unité de ton : autant de points faibles des premiers films que Dupieux a su gommer.

Comparé à son prédécesseur, Mandibules m'a toutefois semblé en retrait. La profondeur psychologique que Dujardin parvenait à insuffler à son personnage laisse ici la place à un premier degré qui ne laisse quasiment aucune place à la surprise. Le contenu programmatique du film (filmer la connerie pour ce qu'elle est) n'est troublé que par le personnage joué par Adèle Exarchopoulos, qui apporte tout à coup un peu de spontanéité inattendue et de vraie loufoquerie dans le train-train un peu ennuyeux des deux compères demeurés.

Pour ma part, mon premier vrai rire est survenu lors de la scène où Agnès pénètre dans la chambre, voit la mouche et crie. Jusqu'alors, je m'étais un peu ennuyé à écouter quelques spectateurs s'esclaffer, tentant vainement de comprendre ce qui pouvait causer cette hilarité, sonnant parfois un peu forcée, il faut le dire.

La deuxième partie de Mandibules est plus enlevée que la première, ce qui permet au film de finir sur une note sympathique, même si l'impression générale est celle d'une superficialité agréable mais un peu vaine.

 

2e

Voir les commentaires

Sibyl

Qui trop embrasse mal étreint : voilà qui pourrait résumer Sibyl

Sur le papier tout est formidable : un scénario hitchcokien, une actrice au sommet, une réalisatrice en pleine phase ascendante. 

Pourtant, rien ne parvient à fonctionner à l'écran. Les tonalités tout le temps changeantes du film, le découpage inutilement compliqué, les commentaires en voix off qui alourdissent le film, les redites qui surlignent le propos : Sibyl croule finalement sous l'accumulation de ses intentions. 

Si Virginie Efira est magnifique et Sandra Hüller parfaite, les autres acteurs tournent un peu en mode automatique : Adèle Exarchopoulos excelle dans ce qu'elle sait le mieux faire (pleurer avec excrétion), Niels Schneider est joli à regarder et Gaspard Ulliel n'est pas très bon.

En somme, le film aurait pu être bon, mais il patine, faute à une surabondance d'effets. On n'en voudra pas à Justine Triet, qui ne parvient jamais à nous intéresser vraiment à ces personnages, et on attendra l'essai suivant.

 

2e

Voir les commentaires

The last face

Oui, The last face est bien le pire film que j'ai vu dans mon existence de cinéphile.

Certains films sont mauvais, d'autres ratés, ou énervants parce que prétentieux. The last face est tout cela à la fois, et bien plus encore : il est haïssable.

Je ne sais pas trop par où commencer tellement le film multiplie les ignominies, alors je vais commencer par le début. 

Le carton introductif du film donne le ton (je cite de mémoire) : "pour un occidental, le meilleur moyen de suspendre les guerres est d'envisager l'impossible amour". OK, les habitants d'Alep apprécieront : quand Bardem batifole avec Charlize Theron, les horreurs sont moins horribles. Dégueulasse.

La façon esthétisante qu'à Sean Penn de filmer les ravages de la guerre en Afrique est à vomir : c'est non seulement une insulte au continent noir, mais aussi à l'intelligence du spectateur. Respecter la souffrance des peuples impliquerait de poser sa caméra et de regarder, plutôt que de se regarder (le nombril) comme le fait ce film immonde.

Un des sommets du ridicule est atteint quand sont envoyés dans les airs des dizaines de cylindres d'air chaud : on dirait une animation de GO du club Med dans un camp de réfugiés, c'est scandaleux.

L'histoire d'amour est plaquée, mal jouée, dans un style basé sur les ralentis et les clins d'oeil extatiques qui ressemblent à du Malick de pub pour shampoing. Mais le pire du pire est peut-être l'ahurissante médiocrité des seconds rôles : Adèle Exarchopoulos est nulle, et Jean Reno s'offre deux répliques ridicules dont le public se gausse immanquablement.

Je crois que c'est la première fois de ma vie que j'ai eu l'irrésistible envie de siffler le film pendant sa projection.

On devrait rembourser les spectateurs qui ont vu The last face, et leur verser une prime pour préjudice d'anxiété : le film est à la fois une insulte au bon goût et à la morale.

 

1e

Voir les commentaires

Les anarchistes

Comment autant de bons ingrédients peuvent-ils se combiner pour faire un si mauvais film ? C'est la question que l'on se pose à la vision du dernier film d'Elie Wajeman.

Le sujet est pourtant intéressant, les acteurs pas si mauvais, les décors plutôt beaux (sûrement un peu trop), la photographie jolie (au point de paraître fade).

Tout ce qui constitue le film semble engoncé, désincarné, amidoné. La lumière bleue dans laquelle baignent les personnages sent la naphtaline, et la mise en scène ne parvient pas à insuffler de la vie dans cette histoire d'amour et de politique, dont on se contrefout au final.

Le scénario est particulièrement indigent, survolant les aspects historiques en enfilant les clichés du film d'infiltration (l'entrant qui se laisse contaminer par les idées du groupe qu'il infiltre, etc). L'intrigue alterne les absences, les poncifs et les platitudes. 

Adèle Exarchopoulos n'est pas très à son aise, mais ne pourra-t-on jamais plus la voir autrement que comme l'Adèle de Kechiche ? Tahar Rahim joue un peu plus finement que d'habitude, mais ce sont les seconds rôles qui brillent surtout : Guillaume Gouix, Karim Leklou et Swann Arlaud sont tous très bons.

Dommage, ils ne parviennent pas à sauver le film.

 

1e

Voir les commentaires

La vie d'Adèle

 

Plus qu'un film, une expérience

Ce qu'il y avait de curieux, en discutant avec les spectateurs qui avaient eu la chance de voir La vie d'Adèle à Cannes, c'est que pour beaucoup d'entre eux, la séance semblait avoir été une expérience physique. Les avis des personnes rencontrées étaient souvent ponctués d'expression comme "j'avais les jambes en coton", ou "le souffle coupé", "j'ai fini en larmes" ou "j'étais lessivé". Beaucoup ont eu l'impression de vivre une sorte d'aventure collective. Lors de la projection cannoise, des applaudissements nerveux en cours de film ont eu lieu, lors des scènes de sexe, sans qu'on sache exactement quel sentiment les déclenchait : embarras, émotion, ressentiment, admiration. Enfin, pour la quasi-totalité des spectateurs, le temps a semblé subir une brusque contraction, puisque beaucoup déclarent que les trois heures de projection leur ont paru durer moins de deux heures.

Si je commence mon article par ces observations, c'est qu'elles montrent l'emprise assez exceptionnelle que le film a sur l'esprit - et le corps - de ceux qui le regardent. Cette emprise vient d'un état de fait qu'on pourrait résumer ainsi : on n'a peut-être jamais montré avec autant d'empathie le sentiment amoureux, de sa naissance à son exaltation, puis à sa transformation en douleur. Kechiche réussit ce prodige en filmant ses deux actrices au plus près, et le jury mené par Spielberg a fait preuve d'un discernement remarquable en remettant la Palme à Kechiche et à ses deux actrices. La caméra ne quitte jamais vraiment les visages et les corps de Léa Seydoux et d'Adèle Exarchopoulos, elle réussit à capter leur moindre tressaillement, que ce dernier soit de douleur, de désir, de plaisir ou de dépit.  Ce travail de sismographie des émotions est formidable de minutie et de précision.

Le film n'élude pas les scènes de sexe, qui sont montrées d'une façon frontales, ni d'ailleurs, et c'est peut-être pour certains esthètes encore plus choquant, les réalités physiologiques. Ainsi, quand Adèle a de la morve au nez, personne ne lui essuie le visage.

Cette façon d'être au plus près des personnages procure au final un sentiment d'immersion totale. La vie d'Adèle, c'est un bain de 3D émotionnelle.

Le montage magique

Un des points qui me semble crucial dans le film, c'est la perfection du montage. On sait que Kechiche retournera peut-être en salle de montage pour retoucher le film avant sa sortie, mais j'espère que cela ne changera pas le rythme du film, qui est parfait.

Etirement des scènes-clés, plans larges comme des tableaux lorsque ceci est nécessaire, écoulement du temps suggéré par de subtiles variations (une coupe de cheveux, un changement infime dans le jeu) : Kechiche tire de ses centaines d'heures de rush une symphonie qui tantôt nous entraîne dans le tambour d'une essoreuse en fin de cycle, tantôt dans l'atmosphère languissante d'une errance nocturne.

Le montage de La vie d'Adèle magnifie l'histoire, et atténue le caractère réaliste du film, qui est loin d'être naturaliste. Même si le film dure trois heures, il choisit de ne montrer que ce qu'il montre, et il ne se disperse pas. Ainsi seront bien malheureux ceux qui tenteront de voir dans l'histoire d'amour entre ces deux femmes un manifeste pour le mariage gay. Le film ne traite pas du tout de l'homosexualité sous un angle social ou sociétal (ou très peu, seulement à travers la discrétion d'Adèle sur le sujet de sa relation à Emma, et de la réaction des lycéennes). Et d'ailleurs, comme trop peu de personnes l'ont signalé, le film ne tranche même pas sur la sexualité d'Adèle : elle aime Emma, c'est tout, et il se trouve qu'Emma est une femme.

Naissance d'une femme

Si le film parle d'amour, il décrit aussi le passage de l'enfance (premier plan dans lequel Adèle, les cheveux en bataille, mal fagottée, rejoint un bus scolaire) à l'âge adulte (dernier plan dans lequel elle s'éloigne vers son destin, venant de vivre un moment de souffrance définitive qui lui permettra - peut-être ? - de continuer à vivre), sur une durée d'une dizaine d'année.

On se prend alors à rêver d'une saga qui s'étendrait sur plusieurs films et constituerait ainsi une oeuvre gigantesque montrant une destinée unique dans la durée. Le fait que Kechiche ait adossé la mention Chapître 1 et 2 à son titre milite dans ce sens, puisque rien dans le film ne justifie cela.

La construction d'Adèle est sentimentale, sexuelle, mais elle aussi sociale - car c'est aspect n'est jamais absent des films de Kechiche. C'est d'ailleurs une des autres forces exceptionnelles du film : Adèle et Emma évoluent dans des milieux sociaux très différents : bourgeoisie bobo ouverte d'esprit pour Emma, milieu beaucoup plus modeste pour Adèle. Une scène, splendide, montre d'ailleurs Adèle préparer avec inquiétude le repas destiné aux invités d'Emma, reproduisant un type de schéma classique - dans un couple hétéro - d'aliénation aux tâches ménagères, vaisselle comprise. Et si la catastrophe arrive (je ne peux pas être trop explicite sans dévoiler l'intrigue du film), elle trouve entre autre ses racines dans cette différence de classe.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des choses, Adèle a choisi un métier symbolique dans le cinéma de Kechiche, attaché à la transmission du savoir : institutrice. Kechiche la montre dans l'exercice de son métier avec une délicatesse infinie. Cette dernière partie du film, qui entre en résonnance avec la première (les lycéens parlaient, merveilleusement bien d'ailleurs, de Marivaux), est baignée d'une atmosphère de tristesse nostalgique qui est presque insupportable de par son intensité.

La vie d'Adèle est une oeuvre qui touche chacun de nous parce qu'elle traite de ce qui nous unit tous : éprouver des sentiments, exister au monde, souffrir.

Et vivre quand même.

A voir aussi : La BD à l'origine du film : Le bleu est une couleur chaude / L'avis des blogueurs sur La vie d'Adèle / Le jour où j'ai vu La vie d'Adèle pour la deuxième foisLe jour où j'ai vu La vie d'Adèle pour la deuxième fois / 4 choses que vous n'avez pas (ou peu) lu à propos de La vie d'Adèle

 

4e

Voir les commentaires