Je suis généralement assez bon
public pour les films asiatiques, même lents.
C'est donc plein d'a priori favorables que j'ai été voir mon premier film au cinéma en 2008, d'autant plus que ce juge Feng bénéficiait plutôt de bonnes critiques.
Déception : le film a certes les qualités de ce type de production (paysages magnifiques, dépaysement assuré, jeu des acteurs totalement surprenant, quelques situations cocasses qui arrachent un
sourire) mais aussi tous les défauts (anecdote élevée au rang d'intrigue, épaisseur psychologique des seconds rôles quasi nulle, lenteur soporifique de certaines scènes, prévisibilité absolue des
péripéties, incapacité à conclure).
C'est dommage, une vraie réflexion sur la confrontation justice / tradition aurait pu être développée.
Mon premier article 2008 sera consacré à la vision en DVD d'un des films qui m'a le plus marqué en 2007 : Les chansons d'amour.
Bon, je sais en ayant parcouru les blogs que les avis sont plus que partagés sur cette oeuvre, et .... c'est ce qui me plaît, car la cinéphilie déteste les tièdes.
Evidemment, si l'idée qu'une personne normalement constituée commence à pousser la chansonnette au moment d'avoir une relation homosexuelle avec un ado breton te semble peu naturelle, et t'empêche d'adhérer pleinement au film, c'est mal parti.
Mais sinon, la vérité est que ce film :
1 - est magnifiquement joué. Garrel est le digne héritier d'Antoine Doinel et tout son personnage est sous emprise truffaldienne (cabotine parfois, mais l'entendre dire "je suis très mélancolique" lors qu'il est complétement bourré est un grand moment). Les deux filles sont craquantes, tout en étant complètement dissemblables : la blonde, pleine et lumineuse, la brune, insaisisable et virevoltante. Chiara Mastroianni est bouleversante et même les seconds rôles sont parfaits (l'autre soeur, la mère) apportant chacun un personnage totalement consistant psychologiquement
2 - est doté d'un scénario résolument moderne et en phase avec son époque, en en reflétant toutes les subtilités et tous les antagonismes (engagement/détachement, plaisir/souvenir)
3 - est monté de façon magistrale. Ce qui marque le plus en revoyant le film est l'absence totale de plan inutile. La scène du jardin de la Pépinnière est exemplaire : un plan sur les enfants qui jouent puis sur Chiara qui chante (brièvement), un plan fixe sur une allée d'arbres nus (la mort) pointant vers un point de fuite indéfini (l'absence) : toute la tragédie du deuil est dite en quelques minutes
4 - montre Paris comme la ville n'a jamais été montrée, ses stations de métro, ses balayeurs, ses cafés, ses enseignes lumineuses, ses passants, ses gens qui téléphonent dans les cabines, ses ambulances, l'ange de la Bastille, les grilles des jardins, les bureaux de tabacs, les kiosques à journaux
5 - expose une mise en scène totalement virtuose : du balais des chaises à roulettes dans le premier plan à l'acrobatie en corniche sous observation du dernier plan, tout n'est que volte, arabesque, esquive et légèreté
Je sais que l'ombre de Demy plane sur le film (l'héroine s'appelle Pommeraye comme le nom du célèbre passage couvert nantais, la scène ou Julie semble flotter sur un tapis roulant etc...) mais il est bien plus que ça. Je pense qu'il est aussi plus que le film d'une époque comme Les nuits fauves ont pu l'être pour les années Sida. Il est simplement le premier film totalement abouti d'un cinéaste hyper doué qui pourrait être le plus grand réalisateur français sur la durée : Aime moi moins, mais aime moi longtemps.
De l'autre côté est un grand film classique : scénario complexe, acteurs attachants, mise en scène efficace, discrète, très élégante.
Les trois parties s'agencent remarquablement, les deux premières préparant le sommet de la troisième, dans laquelle Hanna Shygulla est époustouflante.
Fatih Akin confirme ici un talent exceptionnel. Les mouvements de caméra dans la rue, ou lors des déplacements en train, sont très fluides, très beaux, et me rappelle ce que disait Godard : le travelling est affaire de morale.
Deux heures très agréables avec des acteurs impeccables et une musique turque qui donne un indéfinissable vernis de mélancolie sereine à ce drame choral, qui n'est pas sans rappeler le Short Cuts d'Altman à la sauce germano-turc.
Fatih Akin est un futur grand, c'est sûr. Le seul point qui me freine un petit peu dans ce film, c'est le trop plein de sens et d'intentions, mais c'est souvent le cas des oeuvres de première partie de carrière.
Je n'avais pas été aussi enthousiaste en
voyant L'Esquive que la plupart des critiques.
Je trouvais le film verbeux, brouillon, "pas fini". Les mêmes critiques peuvent s'appliquer à La graine et le mulet, bien que le film possède cette fois ci une puissance romanesque qui balaye
presque les défauts cités ci dessus.
La galerie de personnages est exceptionnelle. C'est vraiment dommage que Kechiche n'ait pas resserré son film (il y a 30 minutes de trop) et n'ai pas non plus su le conclure (on ne saura jamais
ou est parti Magyd...).
Les gros plans et les allers retours caméra à l'épaule fatiguent un peu aussi. Globalement une bonne surprise quand même et des scènes très, très émouvantes. Une jeune actrice craquante aussi. A
voir.
Il arrive qu'un film d'animation soit un chef d'oeuvre (Le voyage de Chihiro), qu'il soit éblouissant (Azur
et Asnar), tout simplement réjouissant (Schrek, l'Age de glace) ou attachant (Le roi Lion, Ratatouille).
Mais complétement nul comme l'est Bee movie, c'est rare. Les personnages principaux, Bee et la fleuriste, n'ont aucune profondeur psychologique et leur relation est totalement
improbable, on n'y croit pas une seconde.
L'intrigue est à la fois squelettique et alambiquée, ce qui constitue un exploit en soi : quel gamin de 5 ans pourra s'intéresser à un procès de 15 minutes à propos du droit des adultes à
consommer le miel des abeilles ? Les morceaux musicaux et les personnages secondaires qui peuvent sauver ce genre ce film ne sont pas non plus au rendez vous.
En bref c'est le pire spectacle pour enfant vu depuis longtemps et une grosse déception de la part des studios Dreamworks qui nous avaient habitué à mieux.
Certains films sont physiquement éprouvants. 4 mois 3 semaines 2 jours fait partie de ceux-là.
Mungiu propose un cinéma physique, sensoriel, dans lequel un plan peut être un vrai coup de poing en pleine figure, et un regard un coup de poignard dans le coeur.
Ici, la nuit est vraiment noire, les bruits de repas sont assourdissants, le temps s'écoule comme de la colle.
Le film approche la perfection sur tous les plans, et la mise en scène discrète et efficace rappelle un peu maître Kieslowski (une utilisation des décors et une science du cadre hors du commun). Les actrices et acteurs - Monsieur Bébé !! - sont magnifiques et parfois terrifiants. La restitution de la vie quotidienne est impressionnante.
Le film réussit ce qui en cinéma est une sorte de Graal : montrer l'indicible avec la plus grande économie de moyen. C'est Bresson, Hitchcock, Kubrick qu'il faut convoquer.
Une palme d'or méritée, cela faisait longtemps. A voir absolument.
Ceux qui ont vu Prendre femme, le film réalisé et joué par Ronit Elkabetz, ne l'oublieront pas de sitôt tellement la prestation de l'actrice israélienne était époustouflante.
Ici, en simple actrice d'un premier film, elle est une nouvelle fois souveraine de sensualité impertinente et assumée.
Les autres acteurs sont tous quasiment parfaits à commencer par Sasson Gabai qui joue un Toufik a priori coincé et prude, mais qui réussit avec un simple haussement de sourcil à donner une profondeur psychologique insoupçonnée à son personnage.
Le film souffre de quelques (rares) imperfections de jeunesse, mais sinon, quel plaisir, quelle alternance de burlesque pur, d'émotion contenue, de fous rires (la boite à patins à roulettes !), et de vraies belles idées de mise en scène (la façon dont la caméra épouse le point de vue de la fausse mer, du faux jeu d'enfants, de la fausse pelouse dans le vrai faux parc).
Cronenberg n'a plus l'insolence souveraine et malsaine de ses débuts.
Il garde par contre un art de la mise en scène tout en subtilité et en sobriété.
A ce titre, les dix premières minutes des Promesses de l'ombre sont exceptionnelles : montage parfait, musique excellente, direction d'acteurs exemplaires (je suis tombé cinématographiquement amoureux de Naomi Watts dans Mulholand Drive, et là rebelotte), mise en scène fluide et discrète.
Les trois acteurs sont vraiment incroyables. Vincent Cassel impayable en gay refoulé, Viggo Mortensen aiguisé comme une lame de cutter dans un sauna, et Naomi : j'ai déjà dit. Progressivement le film perd son intérêt et je peine d'ailleurs à me souvenir précisément de son dénouement, mais peu importe, la petite musique Cronenbergienne fait son effet.
La scène dans le sauna est vraiment une scène d'anthologie. Vraiment.
Comme tous les cinéastes rares, James Gray s'était mis une pression maximum en tardant tant à sortir son troisième film.
Eh bien, c'est une déception, à la hauteur de l'attente. Jamais on entre véritablement dans le film qui est bourré d'incohérences et d'invraisemblances : comment imaginer qu'un magnat de la drogue fasse visiter son antre à un quasi inconnu sans avoir vérifier son pedigree et découvert que son père et son frère sont flics ?
Et pourquoi dans le champ de blé le héros est-il seul à chercher son ennemi ? Etc.
Joaquin Phoenix est inexistant, Eva Mendes traverse le film sans qu'on comprenne son personnage et "l'amour" entre les deux frères est très peu crédible. Le dernier plan est d'une mièvrerie à couper le souffle.
Restent quelques très belles scènes qui montrent que Gray peut être un cinéaste immense (la poursuite sous la pluie, l'attaque dans la cache). Ces quelques scènes méritent à elles seules une note correcte, assortie de la mention "J'aime".
Dès le début du film une froideur vous saisit. La lumière des premières scènes est blafarde, bleutée, glaciale.
Le jeu de Tommy Lee Jones et le visage de Charlize Theron sont figés, coupants comme des lames de rasoirs. Les pièces ou reposent les corps sont froides. Cette première partie est très réussie. Puis petit à petit le film se réchauffe.
Mais au fur et à mesure qu'il se réchauffe il s'essouffle. Les grosses ficelles scénaristiques se font voir : les vidéos du téléphone au compte goutte .
A la fin reste un polar pas désagréable, mais dont le rattachement à l'Iraq est anecdotique. Le même film à propos de la Bosnie, ou du Viet-Nam, fonctionnerait de la même façon.
Pour ceux qui connaissent Elephant, on voit les mêmes effets dans ce film : travelling
arrière dans un couloir de highschool, multiplication de ralentis, effet de flou, jeu avec la lumière, boucle temporelle, même scène vue plusieurs fois, bande son déstructurée, dialogues filmés
en ne montrant qu'un des deux personnages, etc...
Mais alors que dans Elephant la forme s'accordait parfaitement au fond (le destin, la folie, le temps) ici elle tombe un peu à plat. Peut être parce que
le sujet est trop anecdotique. Ou parce que l'acteur est moins charismatique que le groupe d'Elephant.
J'ai l'impression que Gus Van Sant a perdu la grâce, certaines scènes sont franchement gnan-gnan : la lettre dans le feu, l'arrivée des skaters au ralenti à la convocation du policier, façon 7
mercenaires, certaines musiques.... Cela étant dit, il y a de beaux moments, et on voit bien qu'il y a du talent là dedans, c'est dommage.
Comment avec un bon scénario et une réalisation honnête faire un film
moyen ?
Vous aurez la réponse en allant voir Michael Clayton.
Les principaux ingrédients de la recette sont une musique horripilante, et une direction d'acteur approximative. George Clooney (si vous êtes gentil) fait preuve d'une grande sobriété, (et si
vous l'êtes moins) a l'expressivité d'une potiche.
La directrice juridique ne nous intéresse jamais vraiment, malgré son dilemne dostoievskien, qui devrait captiver.
Bref, quelques bonnes idées, mais le film, sans être franchement mauvais, n'est vraiment jamais intéressant.
Secret Sunshine est une belle manifestation du talent subtil de Lee Chang-dong, ancien ministre de la culture de son pays de 2002 à 2004.
Le film, tout en étant un mélo d'une noirceur abyssale, arrive à multiplier les changements de ton.
Comédie de moeurs d'abord, à travers le personnage du garagiste simplet interprété par l'extraordinaire Song Kang-ho, probablement le meilleur acteur coréen. Mais aussi critique de la société sud coréenne (excellente analyse de l'influence des sectes), tragédie classique (la rencontre en prison), thriller flou, drame psychologique, voire farce burlesque.
Le tout est sobre, rarement ennuyeux, mis en scène de façon classique mais élégante. Un film attachant, empreint d'une sourde tristesse, mais aussi d'une belle espérance. L'actrice est exceptionnelle et mérite 1000 fois son prix d'interprétation à Cannes.
Parfait pour découvrir un cinéma coréen hors des polars et thrillers.