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Christoblog

Articles avec #andrea arnold

Bird

Dieu sait si j'aime la façon de filmer d'Andrea Arnold, une cinéaste dont je ne rate aucun film.

Le début de Bird m'a d'ailleurs pleinement convaincu, dans un style dynamique qui m'a semblé synthétiser le meilleur de la Britannique : introduction en fanfare sur une formidable bande-son de Fontains DC, magnifique personnage de mec borné au bon coeur (Barry Keoghan qui joue à la Shia LaBeouf), impression saisissante de réalité, capacité de saisir l'essentiel des relations humaines en quelques plans.

Hélas, l'irruption du personnage joué par Franz Rogowski ne m'a pas vraiment convaincu. Le mélange de réalisme social et de fantastique m'a semblé artificiel, comme si deux films essayaient de coexister à l'intérieur d'un seul. Comme dans Le règne animal, la pauvreté des trucages m'a également gêné. 

J'ai enfin trouvé que le scénario s'égarait un peu dans la deuxième partie du film, certaines scènes s'éternisant ou ne servant pas directement l'intrigue.

Malgré ces quelques points négatifs liés principalement à l'écriture du film, le talent d'Andrea Arnold est tel qu'il est difficile de ne pas mettre Bird au-dessus de la majorité des films que l'on peut voir.

Andrea Arnold sur Christoblod : Red road - 2006 (****) / Fish tank - 2009 (****) / Les hauts de Hurlevent - 2011 (**) / American Honey - 2017 (**)

 

2e

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American honey

A la vision du nouveau film d'Andrea Arnold, il m'est difficile de penser autre chose que "Quel gâchis".

Je pense en effet tellement que cette réalisatrice possède en elle le talent le plus pur, qu'il m'est douloureux de la voir s'égarer, ne serait-ce que légèrement, ou temporairement.

Entendons-nous bien : American honey possède des qualités intrinsèques énormes qui le place facilement au-dessus de la production moyenne. Le petit soucis, c'est qu'Andrea Arnold a de film en film une propension à accentuer ses tics de mise en scène : format carré, fréquents plans fixes du ciel, séquences de quasi-documentaires animaliers sur les insectes ou les oiseaux, redites et bégaiements donnant l'impression d'improvisation. Ajouter cette fois-ci une bande-son à base de rap tonitruant (trop forte en intensité quand le film a été projeté à Cannes) et une durée exagérément longue (2h43) et vous obtiendrez un film simplement impressionnant, alors qu'il aurait pu être superbe.

Restent par ailleurs toutes les qualités su cinéma d'Arnold : une sensualité exacerbée, une finesse magnifique dans la façon de filmer les visages et les corps, et la capacité à produire des scènes irréelles.

American honey laisse un souvenir durable au spectateur. Le tableau désastreux qu'il trace de l'Amérique profonde (et des marges) est sidérant, l'interprétation du couple Sasha Lane / Shia LaBeouf parfaite, mais au final, je crains quand même que le film ne rencontre pas son public.

 

2e

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Les hauts de Hurlevent

C'est avec peine que je rédige cette critique, moi qui adore le cinéma d'Andrea Arnold.

Son dernier film me laisse en effet perplexe, et si on ne peut nier qu'il est par bien des aspects impressionnant, il ne me semble pas aussi limpide que ses deux premiers opus (Red road et Fish tank)

Les hauts de Hurlevent commence pourtant sur les chapeaux de roue.

Les parti-pris de la cinéaste (format carré, très gros plans, jeu sur la profondeur de champ, naturalisme extrême) fonctionnent au départ admirablement bien. Nous découvrons la vie rude que mène la famille d'accueil du jeune Heathcliff avec un oeil quasi documentaire, d'une puissance esthétique inouïe.

L'ambiance du film, qui associe dénuement extrême et espaces immenses, rappelle beaucoup le sublime film de Wang Bing, Three Sisters. La caméra d'Arnold atteint parfaitement son objectif de nous fait ressentir les sentiments des protagonistes par les sens : toucher (caresser un cheval), goût (lécher une blessure), ouie (le bruit d'un arbre qui heurte une fenêtre), vue (le soleil qui éblouit), odorat (fleurs, boue, animaux).

Le sentiment amoureux naissant entre Heahtcliff et Catherine est ainsi très bien esquissé, et la tension sexuelle qui règne dans le film est étouffante. Dans la deuxième partie du film, tout ce qui a plu dans la première paraît soudainement virer à la recette, au placage formaté et sans imagination, comme si Arnold s'était laissée enfermer dans son système.

Les inserts de paysages sont bien trop variés pour être réalistes, ceux sur les animaux paraissent dresser un catalogue d'entomologiste, les plans montrant Heathcliff espionner la maison de Cathy deviennent exagérément répétitifs.

Les deux acteurs qui jouent les rôles des personnages adultes sont peu crédibles, contrairement à ceux qui jouent les personnages enfants. Kaya Scoledario ne ressemble pas du tout l'actrice qui joue Catherine jeune. Elle semble immature et ses états d'âme nous restent aussi étrangers que ceux de sa jeunesse nous paraissaient proches. James Howson, qui joue Heathcliff adulte, en ajoute beaucoup trop dans le mutisme. Dans son cas non plus, on ne comprend pas réellement le chemin psychologique parcouru.

Les personnages d'Isabella et d'Edgar sont sacrifiés. La fin du film laisse donc une impression de déception, de délitement, qui ternit un peu l'enchantement que la sensualité de la première partie procure. Dernier point : le film s'arrête approximativement au milieu du roman, et toute la suite de la vengeance de Heathcliff, ainsi que sa fin, est ignorée. Ce n'est évidemment pas un défaut en soi, mais cela rend le personnage de Heathcliff moins complexe, moins subtil et moins inquiétant que dans le roman.

 

2e

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Red road

Les mots manquent pour parler d'un film tel que Red Road, tant la décharge émotionnelle qu'il procure est forte.

Ceux qui ont été ébloui par le deuxième film d'Andrea Arnold (Fish Tank) le seront aussi par le premier, même si Red Road est plus sombre, plus désespéré, et moins facilement accessible que Fish Tank.

Pendant la première heure du film, on suit Jackie, un peu paumée, employée dans une société de vidéo surveillance. Jackie regarde la vie des rues de Glasgow à travers ses caméras urbaines .

Elle semble particulièrement s'intéresser à un homme, qu'elle n'a pas l'air de connaître. Elle va même passer "de l'autre côté du miroir" en rencontrant cet homme. Pourquoi ?

Dans la dernière demi-heure du film, le scénario va s'épanouir comme une fleur carnivore malfaisante et la réalité - mortifère, belle, insupportable - va exploser comme une bombe à retardement.

La mise en scène est déjà exceptionnelle : méticuleuse et parfaitement travaillée, et en même temps traversée par une sensibilité et une sensualité remarquables. Des situations triviales, sublimées par la grâce de la caméra.

Deux films, deux réussites majeures. Qui dit mieux ?

 

4e

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Fish tank

Le premier plan de Fish tank est déjà un bijou. Katie Jarvies est essouflée, elle vient de danser le hip hop dans un squat. C'est un plan fixe, en plongée, superbe
 
Suit une première partie qui expose le cadre de l'intrigue : paysages urbains de banlieue, insultes et violences, misère affective et sexuelle. Mia a 15 ans, elle n'aime personne et personne ne l'aime, même pas sa mère, ni sa petite soeur.
Elle ne va plus en classe et doit être prochainement placée dans un centre spécialisé. Elles est le poisson rouge qui tourne dans son bocal. Seule la danse semble donner un sens à sa vie.

Puis sa mère ramène à la maison un amant charismatique, Connor (Michael Fassbender, encore excellent), qui va bouleverser le train train quotidien de la mère et des deux filles.

Le scénario de Fish tank commence comme du Mike Leigh pour évoluer vers une intrigue à la fois fine et perverse. Les pistes narratives ouvertes en début de film (le gitan et son cheval, l'audition, le placement en centre) se bouclent progressivement avec élégance. Le sujet principal du film, l'éducation sentimentale et sensuelle de Mia, se développe dans une direction tout à fait inattendue et évite les lieux communs (comme le basculement dans le mélo) avec brio.

Katie Jarvis est une boule de volonté et de sensibilité, elle est bouleversante, exceptionnelle. Elle ne danse pas si bien que ça, mais quand elle le fait c'est avec une telle détermination qu'on ne peut s'empêcher d'être touché. Fassbender dégage une aura similaire à celle d'un Viggo Mortensen dans les films de Cronenberg, ou d'un Joaquin Phoenix.

La mise en scène est extraordinaire. D'une sensualité, d'une élégance qui fait de Andrea Arnold le pendant féminin d'un James Gray. Elle réussit à rendre sensible la beauté de la nature (un vol d'oiseau, un ciel d'orage, une libellule) comme celle de la ville (une barre d'immeuble, des camions nacelles, des poteaux électriques) avec la même virtuosité. Le jeu des focales, des profondeurs de champ, les légers ralentis, les angles de prises de vue inattendus restituent les sentiments de Mia à la perfection.

L'art du montage y est aussi totalement maîtrisé, témoin cette scène superbe dans la maison de Connor, au moment où Mia réalise quelle est la vraie vie de Connor : on croirait du Hitchcock.

Un deuxième film seulement, et déjà un chef d'oeuvre : Andrea Arnold prend rendez-vous.

 

4e

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