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Christoblog

Articles avec #james gray

Armageddon time

S'il est arrivé que James Gray se perde, il faut reconnaître qu'il se retrouve ici, dans une veine autobiographique et nostalgique, qui rappelle un peu la démarche de PT Anderson dans Licorice pizza.

Le grand mérite du film est de mélanger chronique intime (un petit garçon et son grand-père qui va mourir, des parents imparfaits et attendrissants, une ambiance new-yorkaise des confins, délicieusement rendue) avec un tableau saisissant d'un racisme américain qu'on se surprend à penser (avec effroi) congénital.

Ce tour de force est réalisé sur un mode mineur, sans esbroufe et avec une délicatesse de tous les plans. L'introspection qu'il propose à ses personnages devient petit à petit un examen de conscience de la nation américaine.

Anti-spectaculaire dans sa construction, Armageddon time est un petit chef-d'oeuvre sotto voce. La distribution est parfaite, d'Anthony Hopkins au faîte de sa forme à un Jeremy Strong surprenant, pour ceux qui le connaisse surtout dans le rôle phare de l'excellente série Succession. Le jeune acteur Banks Repeta irradie la pellicule, en alter ego du réalisateur (le film pourrait s'appeler "portrait d'un jeune garçon en futur artiste"). Anne Hathaway est une nouvelle fois formidable.

A ne pas rater, c'est pour moi le meilleur James Gray depuis longtemps.

James Gray sur Christoblog :  La nuit nous appartient - 2007 (**) / Two lovers - 2008 (***) /  The immigrant - 2013 (*) / The lost city of Z - 2016 (***) / Ad astra - 2019 (**)

 

4e

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Ad astra

Le nouveau James Gray commence comme se déroulait le précédent, le très beau The lost city of Z :  une narration douce et empathique, quelques morceaux de bravoure relativement peu spectaculaires, un personnage éthéré et neurasthénique, des péripéties assez inattendues.  

La partie de déroulant sur terre puis sur la lune est ainsi assez plaisante à regarder, même si les films d'auteurs se déroulant dans l'espace commencent un peu trop à se multiplier, et parfois à se ressembler (de Seul sur Mars à Gravity, en passant par High life et  First man, en attendant Proxima).

Arrivé sur mars, les choses se gâtent. Alors que les qualités de filmeur poétique de Gray s'exacerbent (les salles de repos, le lac), les défauts du Gray scénariste s'aggravent. On est de moins en moins intéressé par cette relation au père beaucoup trop simpliste, et le personnage de ce dernier s'avérera tristement quelconque. 

Dans toute la dernière partie, le producteur Brad Pitt regarde beaucoup trop James Gray en train de se regarder filmer son acteur Brad Pitt, et je me suis bien ennuyé. Le film sombre progressivement dans une sorte de panthéisme malickien assez détestable pour se finir de la pire des façons possibles.

C'est dommage car Ad astra commençait plutôt bien.

 

2e

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The lost city of Z

Grand film classique (et très sage), The lost city of Z séduit avant tout par sa modestie.

On imagine le barouf qu'auraient immanquablement produit bon nombre de cinéastes avec un tel sujet : descente super spectaculaire de rapides, vision fugace de cités toute d'or recouvertes, indiens particulièrement combatifs.

James Gray a le grand mérite de présenter une vision douce de cette histoire rocambolesque : les rapides sont tout riquiqui, les traces de civilisation réduites à de simples tessons de poterie, et les indiens sont plutôt bienveillants.

Cette façon très délicate de conter une histoire est servie par une photographie sublime de Darius Khondji (pour une fois pas trop jaune), un casting épatant (idée géniale de prendre un visage assez peu connu pour tenir le rôle principal) et un scénario tout en circonvolutions, alternant raccourcis osés et étirements de scène signifiants.

Le résultat est un film dans lequel on pourra peut-être avoir un peu de mal à s'impliquer, mais qui dégage un charme indéfinissable, comme s'il se situait en dehors de toute époque. La mise en scène de James Gray est d'une intelligence et d'une sensibilité rare, à l'image du dernier plan, d'une immense beauté.

 

3e

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The immigrant

Le dernier film de James Gray est jaune. Il est aussi mauvais.

Je ne sais pas quelle mouche a piqué l'expérimenté directeur de la photo Darius Khondji pour appliquer de façon continue, ou presque, un filtre de tonalité jaune dans ce film, mais l'effet obtenu est particulièrement immonde.

Vous allez me dire que je pinaille sur une question de forme, mais le film n'est pas simplement sépia par son image, il l'est aussi par ses personnages et son scénario. Tout y est en effet pitoyablement vieux, artificiellement suranné.

Détaillons un peu : Marion Cotillard parle polonais comme moi l'araméen ancien, le scénario a été vu mille fois, il a la délicatesse d'un coït d'éléphant sur un lit de porcelaine. On se demande où est passée l'art délicat et feutré que montre habituellement James Gray pour filmer les sentiments.

Ici, tout n'est que trivialité classique, la mise en scène sans aspérité comme le jeu des acteurs. Le film sent la naphtaline, à l'image de ses décors qui ressemblent beaucoup trop à ... des décors.

Je crains fort que la médiocrité de Guillaume Canet n'ait contaminé le génie naturel de James Gray, lors de leur collaboration sur le calamiteux Blood ties.

 

1e

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Blood ties

On va me dire que je tire sur une ambulance, au vu des critiques désastreuses qui saluent le dernier poncif filmé de l'inénarrable Guillaume Canet, mais quand une ambulance a coûté aussi cher, c'est un plaisir de sortir le super bazooka M20, qui tire des obus de 4 kg.

Canet utilise les talents de James Gray (comme scénariste), de Matthias Schoenaerts, Mila Kunis, Clive Owen et James Caan (comme acteurs), de Marion Cotillard (comme femme et potiche), pour tourner le remake d'un film de Jacques Maillot dont tout le monde se fout (sauf sa seigneurie Canet lui-même, car il y a fait l'acteur) : Les liens du sang.

L'envie de hurler "Arrêtez le massacre" ne m'a pas quitté une seule minute tant tout est récité, balourd, factice et pauvre en imagination comme en réalisation. Je repense par exemple à ces gunfights qui semblent tournés avec des pistolets à eau, ou à ce montage à l'emporte-pièce. Le film n'est qu'une longue accumulation de clichés : par exemple, quand un personnage va faire quelque chose de difficile, il allume une cigarette.

C'est comme ça que Canet envisage le cinéma des années 70 et veut lui rendre hommage : à grand coup de nostalgie amidonnée et de grues planant au-dessus de voitures vintage.

Tout est mauvais dans Blood ties, rien n'accroche, on ne croit à rien, les méchants ne le sont pas assez et les gentils le sont trop : c'est de la guimauve à 25 millions de dollars qui ne sert qu'à combler les penchants onanistes de Canet.

A fuir, et vite.

 

1e

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Two lovers

James Gray a du mal à réussir un film entièrement. La nuit nous appartient, son film précédent, un pur polar, était zébré d'éclairs de génie mais souffrait d'incohérences et d'invraisemblances rédhibitoires. La moindre n'était pas la prestation calamiteuse de Joaquin Phoenix, difficilement légitime en malfrat repenti.

Two lovers raconte une histoire d'amour triangulaire assez classique : Leonard a vécu une histoire d'amour malheureuse, il rencontre Sandra la brune, raisonnable et rassurante, et Michelle la blonde, un peu déjantée et surtout déjà prise. Il tombe amoureux fou de l'une, amoureux, un peu, de l'autre. Et le sentiment des 2 filles est inversement proportionnel au sien.

A partir de cette trame peu originale, Gray invente un suspense psychologique filmé comme un polar (les 3 premiers films de Gray en sont). Phoenix est bien dans son rôle d'adulte encore enfant (quelquefois ses pitreries en font une sorte de Louis Garrel américain) et les deux actrices, sans être outrageusement séduisantes comme peut l'être Scarlett Johansonn, sont très attachantes. Gwyneth Paltrow trouve probablement ici son meilleur rôle.

Toute la première partie est un miracle de mise en scène. Les 5 premiers plans sont magiques, la suite est filmée à la fois nerveusement et souplement. La naissance de l'amour a rarement été montré avec autant de sensualité et de finesse. Chaque scène recèle son lot d'informations, de sensations. Leonard nous inquiète, nous séduit, l'ombre de la folie plane sur lui et le suspense lié à sa maladie nous fait redouter le pire (la scène du métro). Le film atteint alors un point culminant dans la scène d'anthologie de la boite de nuit.

Sur la fin, le film devient un peu plus conventionnel dans son traitement mélodramatique, même s'il renoue avec la densité du début ponctuellement : par exemple, lorsque Leonard attend Michelle dans la cour pour partir et que nous savons qu'il sait ce qu'il va se passer.

Dans l'entrelacs des sentiments amoureux et familiaux, se dessine une histoire simple et complexe où les scènes se répondent et s'opposent avec brio (la blonde dans l'air glacial du toit, la brune dans la chaleur du lit).

L'art de Gray s'impose de film en film comme l'un des plus solides du moment.

 

3e

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La nuit nous appartient

Comme tous les cinéastes rares, James Gray s'était mis une pression maximum en tardant tant à sortir son troisième film.

Eh bien, c'est une déception, à la hauteur de l'attente. Jamais on entre véritablement dans le film qui est bourré d'incohérences et d'invraisemblances : comment imaginer qu'un magnat de la drogue fasse visiter son antre à un quasi inconnu sans avoir vérifier son pedigree et découvert que son père et son frère sont flics ?

Et pourquoi dans le champ de blé le héros est-il seul à chercher son ennemi ? Etc.

Joaquin Phoenix est inexistant, Eva Mendes traverse le film sans qu'on comprenne son personnage et "l'amour" entre les deux frères est très peu crédible. Le dernier plan est d'une mièvrerie à couper le souffle.

Restent quelques très belles scènes qui montrent que Gray peut être un cinéaste immense (la poursuite sous la pluie, l'attaque dans la cache). Ces quelques scènes méritent à elles seules une note correcte, assortie de la mention "J'aime".

 

2e

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