De rouille et d'os
Deuxième film vu de la sélection officielle (après le délectable Moonrise kingdom) et deuxième coup de coeur : on peut dire que Cannes 2012 commence fort.
Dès les premiers plans, il apparaît clairement qu'Audiard fait désormais partie des plus grands réalisateurs actuels. Il compose des images de générique absolument éblouissantes, mixant plusieurs thèmes du film comme dans un rêve. C'est de toute beauté.
Le récit embraye ensuite avec une belle efficacité, et nous happe rapidement, donnant une impression de réalité extrêmement intense. Audiard excelle dans la reconstitution d'un milieu, d'un évènement, d'une ambiance (le parc marin, l'appartement d'Anna et de son mari, la salle de sport...). On est tellement ébloui par la beauté des images qu'on tarde un peu à se rendre compte de la qualité de jeu des interprètes : Marion Cotillard, qui signe son plus grand rôle (j'ai envie de dire son premier vrai rôle), Matthias Schoenaerts, Marlon Brando belge et Corinne Louise Wimmer Masiero
Le film enfin n'est pas qu'un mélo de haute volée, il est aussi un puissant révélateur de l'état de la société, et il donne à voir un renversant tableau de la façon dont le système amène aujourd'hui les pauvres à surveiller les pauvres (étonnant écho dans l'actualité du jour avec l'affaire Ikea).
La bande-son est osée et bourrée de références : les plus anciens apprécieront de voir Stéphanie se déchaîner en fauteuil sur le toujours énergisant Love Shack des B-52. Pour ma part, j'ai particulièrement aimé le remix ébourriffant du State trooper de Springsteen par Trentemoller (écoutez), dont les paroles entrent parfaitement en résonance avec le film. Un grand moment de cinéma.
Seul petit bémol : la toute dernière partie dans la neige m'a semblé ne pas éviter complètement le piège de la sensiblerie. Mais c'est un détail au regard de la puissance de cette oeuvre, qui en fait - évidemment - une Palme d'or en puissance.
Audiard sur Christoblog : Un prophète