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Articles avec #liban

Capharnaüm

Bien sûr, certains commentateurs critiqueront le film sur l'air bien connu du moralisme bien-pensant : en mettant en scène un enfant de deux ans qui n'a pas conscience d'être filmé Nadine Labaki exploiterait la situation comme les pires personnages du film le font, l'esthétisation de la misère serait insupportable, etc.

Ceux et celles qui critiqueront le film à partir de ces arguments (et de leur nombreux dérivés) ont une vision du cinéma qui est auto-centrée sur leurs propres convictions. Pour les autres, qui essayent de voir le film comme une oeuvre de fiction dont ils n'ont pas à connaître les secrets de fabrication, Capharnaüm procurera probablement un intense sentiment de sidération.

On a en effet rarement vu entremêlés aussi efficacement des ingrédients aussi différents : une intrigue captivante, un aspect documentaire saisissant, des personnages incroyablement bien dessinés et une réalisation qui pourra rappeler le meilleur des films d'action. 

Les détracteurs du film assimileront probablement Zaïn à une image universelle de la pauvreté et de la détresse enfantine, façon Gavroche du Proche-Orient. En réalité Zaïn n'est réductible à aucun stéréotype : il est un jeune garçon effronté, en colère, provocateur, débrouillard et décidé. Il porte sur ses épaules bien solides un film-tourbillon qui donne à voir beaucoup de misère et de complexité, mais aussi beaucoup de détermination et d'espoir.

En ce sens Capharnaüm n'est pas misérabiliste : il est plutôt le beau tableau d'une certaine rectitude morale, qui ne se résoud pas à échouer. On comprend que sous cet aspect, le final pourra paraître de mauvais goût aux inconditionnels de la tragédie dépressive.

 

4e 

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L'insulte

Le nouveau film de Ziad Doueiri marie une efficacité toute américaine (montage cut, rythme soutenu, scénario retors) à un sens oriental de la subtilité scénaristique.

L'insulte raconte comment un incident mineur (un homme en insulte un autre lors d'une altercation banale) dégénère progressivement. Il a ceci d'intéressant qu'il mêle dans sa chronique de la catastrophe annoncée des explications politiques, sociologiques, historiques mais aussi très trivialement humaines (pour simplifier, l'orgueil masculin mal placé). 

C'est vraiment très habilement fait, car notre jugement évolue au fil des minutes (un peu comme chez Farhadi), et les différents rebondissements, s'ils sont parfois un peu gros, sont somme toute très efficaces. On ne s'ennuie pas une seule seconde, et on est vraiment curieux de voir comment ce conflit qui parait insoluble, va pouvoir se terminer. La résolution proposée par le scénariste-réalisateur est particulièrement intéressante, et donne lieu à une fort jolie scène.

Les acteurs sont formidables et l'utilisation des décors naturels splendide. A défaut d'être une oeuvre cinématographique d'importance, L'insulte est un excellent exemple de cinéma intelligent et distrayant. Je le conseille.

 

4e 

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The lebanese rocket society

Ces dernières années, on a pu voir des documentaires dont on peut dire qu'ils étaient de très grands films de cinéma (Into the abyss, La vie moderne, Twenty feet from stardom), et d'autres oeuvres moins impressionantes, mais fort plaisantes, car révélant souvent le talent original de leur auteur.

Ces oeuvres sont souvent fortement scénarisées (Sugarman) ou flirtent avec l'auto-fiction (La Vierge, les Coptes et moi) : le documentaire n'est finalement que l'expression d'une démarche artistique globale, qui se nourrit à la fois de narration et d'images. C'est dans cette catégorie qu'on pourra classer le curieux film de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige.

Au début, rien que de très classique : nos deux auteurs découvrent un peu par hasard l'existence d'un programme de construction de fusées, développé au Liban dans les années 60. A Beyrouth, ils ne trouvent pas grand-chose sur le sujet, puis tout à coup retrouvent le principal protagoniste aux USA. De fil en aiguille ils reconstituent toute l'histoire, mélange (d)étonnant d'amateurisme brillant, de situations burlesques et d'implications politiques.

Si cette partie, très classique, est un peu ronronnante, bien qu'éveillant tout de même la curiosité, le film prend une toute autre dimension quand les deux artistes imaginent de construire une sculpture représentant une des fusées, puis de l'installer dans l'université où le programme fut conçu. Cette partie, la plus intéressante, interpelle la mémoire du Proche-Orient (tout le monde semble avoir oublié ce pan de l'histoire), et est intellectuellement très stimulante.

Le film se termine par une animation fantaisiste qui imagine le Liban actuel en puissance spatiale.

A noter dans les bonus du DVD à venir (sortie le 5 mars), des présentations très intéressantes d'oeuvres conçues par les deux réalisateurs autour du film, présentées lors de diverses manifestations d'art contemporain.

Une curiosité à découvrir.

 

2e

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L'attentat

http://fr.web.img3.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/medias/nmedia/18/94/75/45/20353844.jpgTiré d'un roman à succès de Yasmina Khadra, l'argument de L'attentat est simple : un médecin arabe de nationalité israélienne apprend que sa femme chrétienne, qu'il croyait bien connaître, vient de commettre un attentat suicide.

Le film se décompose en deux parties assez clairement distinctes.

Dans la première, le héros apprend progressivement la vérité, puis est interrogé par la police. C'est la partie la plus faible du film, qui manque alors cruellement de rythme. Le réalisateur libanais Ziad Doueiri filme un peu à l'américaine (il fut assistant de Quentin Tarantino), mais sans rythme et sans souffle. Alors que le scénario est potentiellement explosif (si on peut dire), le film ennuie profondément.

Dans la deuxième partie, légèrement meilleure, le héros rend visite à sa famille à Naplouse, y découvre que sa femme est traitée en héroïne, et tente de remonter la piste jusqu'aux commanditaires de l'attentat. Cette partie intrigue parfois, mais ne captive jamais.

Au final, on reste perplexe devant le propos de ce film, qui n'apporte pas beaucoup d'éclairages politiques sur la situation, et semble plus ou moins renvoyer tous les protagonistes dos à dos. Au-delà de la politique, il est frappant de constater qu'on ne s'identifie jamais au personnage principal, et qu'au final on ne saura même pas ce qu'il a véritablement ressenti. Si le propos du réalisateur était de traiter de la désagrégation d'un couple, c'est raté.

L'attentat est un échec total en ce qui concerne la tension dramatique. Il obtient pourtant quelques bonnes critiques, comme si traiter d'Israel et de la Palestine avec distance justifiait d'emblée un succès d'estime. Sur un sujet voisin, Omar, film palestinien projeté cette année à Cannes dans la section Un Certain Regard est autrement plus puissant.

 

1e

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