Il y a un paradoxe terrible dans le film d'Adam McKay : il est à l'évidence à charge, mais il nous amène quasiment, de par son ton gentiment ironique, à apprécier le personnage de Dick Cheney, sûrement un des hommes politiques américains les moins aimables de ces trente dernières années.
Georges W. Bush et Donald Rumsfeld sont dépeints comme tellement idiots que Cheney en paraît intelligent...
La mise en scène tape à l'oeil, les anecdotes croustillantes et le montage foutraque nuisent finalement au propos, qu'on aimerait plus dense et profond. Alors que Vice doit être probablement très documenté, il apparaît comme une plaisante satire, pas désagréable à regarder mais qui ne nous apprend presque rien de nouveau.
Malgré ces réserves, le film mérite d'être vu pour au moins une raison : la performance irréelle de Christian Bale, qui habite magnifiquement son personnage avec une taiseuse intensité.
J'avais beaucoup reproché à Tom Ford dans son précédent film (A single man), de privilégier la forme au fond.
Dans Nocturnal animals, il me semble que c'est bien l'inverse qui se passe : il utilise sa brillante façon de filmer pour rendre passionnant un scénario intelligemment construit.
Pour résumer succinctement (et sans spoiler), le principe du film est de rendre intéressante une vie somme toute quelconque en l'entremêlant avec le récit d'une fiction (terrifiante) écrite par un des personnages : c'est un procédé qui me semble assez original, et qui place le film quelque part entre Hitchcock et Almodovar.
Au service de l'exercice, de style Tom Ford parvient à mettre : une direction d'acteur irréprochable (excellente prestation de Michael Shannon par exemple), une photographie admirable et un sens du montage redoutablement efficace (par exemple dans la scène nocturne des voitures, un vrai morceau de bravoure).
Du coup, le film est passionnant à regarder, nous entraînant dans un labyrinthe dont on ne distingue pas facilement l'issue. Le contraste entre les couleurs chaudes du Texas fantasmé et les couleurs froides de la métropole est un ravissement visuel.
Je ne comprends pas trop la frilosité de la critique à l'encontre du film. Son seul point faible se situant peut-être dans la grossièreté de certaines coutures dans le montage alterné fiction / réalité, et dans la répétitivité des séquences "Amy Adams émerge de sa lecture en jetant ses lunettes de surprise".
Pour ma part, je le recommande aux amateurs de films étranges et romanesques.
Tom Ford sur Christoblog : A single man - 2009 (*)
De film en film, Denis Villeneuve gagne en assurance et en finesse.
Après un polar très réussi (Sicario) dans lequel il dépoussiérait le genre, le réalisateur canadien revisite ici avec brio le film d'anticipation.
Avec une économie de moyens qui devient sa marque de fabrique, Villeneuve parvient dès le début du film à nous captiver. Les extra-terrestres viennent d'atterrir, mais il n'est pas facile de communiquer avec eux : Louise (somptueuse Amy Adams), linguiste de haut vol, est appelée pour aider à rentrer en contact.
Comme dans Sicario, Denis Villeneuve excelle à filmer une héroïne sensible, peu portée sur le maquillage, et qui ne manque pas de personnalité pour s'imposer dans un univers a priori peu amical.
Par la qualité de sa photographie un peu froide, la fluidité de sa caméra, la précision diabolique de son scénario, l'ampleur virtuose de ses cadrages et l'excellence de sa bande-son, Premier contact nous projette littéralement dans une intrigue qui paraît dans un premier temps ressortir de la veine hard science avant de devenir quelque chose de ... très différent, dont je ne peux ici dévoiler la nature.
Le plaisir procuré par le film change plusieurs fois de nature : sensitive, intellectuelle, ludique, émotionnelle et esthétique.
Un film qu'on peut à coup sûr conseiller à tous, sans crainte de se tromper, et que beaucoup iront voir une deuxième fois.
Il y a quelque chose d'irrémédiablement raté dans ce film de David O. Russell.
Les dialogues par exemple sont incroyablement mal écrits : parfois confus, d'autres fois artificiels ou inconsistants. Les scènes s'enchaînent très mal, le montage et le scénario sont mal fagottés, mal pensés.
Les décors et costumes sont trop ostentatoires. On nage dans une nostalgie Années 70 qui ne parvient jamais à s'assumer et oscille pendant tout le film entre la parodie et l'hommage énamouré. Le jeu des acteurs est aussi très mauvais : réduits à de simples caricatures (sauf peut-être le personnage joué par Amy Adams), ils n'entraînent aucune sorte d'empathie.
Le film par bien des aspects rappelle par contraste la récente réussite de Scorsese. Alors que Le loup de Wall Street emballait le spectateur et l'entraînait dans une folle spirale de jouissance, American bluff ne parvient qu'à déjouer sur la longueur (2h18 minutes qui semblent sans fin), égarant son spectateur en route.
Un film qui pourrait concourrir dans la catégorie : "Portent si bien leur titre".
J'espérais bêtement quelque chose de Man of steel, le reboot de Superman, et j'avais tort.
Le film est terriblement mauvais, qu'on le regarde sous n'importe quel angle. Les acteurs sont nuls. Henry Cavill est très probablement l'amas de muscles testostéroné le plus insipide jamais filmé. Son expressivité est inversement proportionnelle au carré de la grosseur relative de ces triceps.
A un moment du film, il tente de faire passer un sentiment sur son visage (il se concentre pour décoller), mais le pauvre n'arrive qu'à mimer le drame de la constipation avancée. Il est lamentable.
Entraînés par tant de nullité, les autres acteurs/trices semblent accorder leur violon à la médiocrité de Cavill. Même le petit nez retroussé d'Amy Adams semble affadi dans le brouet de sentiments primaires et d'hyper-premier degré qui constitue le film.
Les dialogues sont en effet d'une banalité consternante. Ils reflètent un scénario écrit avec un manche à balais, dans lequel les méchants sont hyper-méchants et les gentils hyper... bêtes. Cela donne des scènes d'un stupidité abyssale, comme celle où le père se sacrifie avec un geste de la main auguste pour sauver un petit toutou, alors qu'une tempête gigantesque épargne sa fille et son fils, à l'abri sous un simple pont.
Quand aux scènes d'action, elles n'ont rien d'original et sont beaucoup, beaucoup trop longues. On y voit un nombre d'immeubles détruits qui bat tous les records. Tous ces immeubles tombent bien proprement, sans avoir l'air de faire beaucoup de morts : on voit par là que les américains pensent toujours très fort au 11 septembre, sans évacuer le trauma par une représentation un tant soit peu réaliste.
J'ai beau chercher, je ne vois aucune circonstance atténuante à ce film qui est aussi insupportable par les trailers de placements de produit qui l'accompagnent, et en font une gigantesque pub plutôt qu'une oeuvre de cinéma.
A éviter absolument. En terme de blockbuster recyclant une franchise de légende, il vaut 1000 fois mieux aller se délecter du second degré, de la subtilité et de la malicieuse virtuosité de Star trek into darkness.
Prétentieux : voilà le mot qui me venait constamment à l'esprit durant la (trop) longue projection de The master.
Dès les premières images, il est clair que l'expérience va être éprouvante. Le plan inaugural sur le sillage du bateau est ainsi à la fois moche, peu signifiant et plein d'orgueil, accompagné qu'il est par une musique pompière (ba da ba boum, ba da ba boum).
Le deuxième plan sur le visage du soldat est aussi poseur et vide : décadré juste comme il faut, dans un genre très "je me regarde filmer". La séquence sur la plage multiplie ensuite les effets, sans qu'on comprenne bien de quoi il est question.
La première moitié du film décline les tares de ces premiers plans, la palme de l'énervement revenant à une bande-son INSUPPORTABLE, alternant les morceaux dissonants (tsiiii, ploc, tsi, tsi, plac, tsiiiiiiii, tsi, plac, plaaaac), les surimpressions sonores, les morceaux à contre-emploi. Bref, tout ce qui semble avoir été possible d'inventer pour être dérangeant dans une bande originale est dans le film.
Côté visuel, c'est du même tonneau. Les vignettes s'enchaînent sans que jamais un sens ne semblent les relier. PTA réussit le prodige de nous rendre absolument ennuyeuse une histoire qui, potentiellement, possédait tous les atouts pour nous intéresser. L'analyse du pourquoi d'un tel prodige pourrait nous occuper un bon moment, mais je pense pouvoir dire qu'il résulte, entre autre, de l'incroyable grand écart entre le manque de véritable talent dans la mise en scène (ces champs / contrechamps d'un classicisme éprouvant) et d'autre part les afféteries pompeuses que PTA utilise comme une sorte de passeport valant "cinéma d'auteur".
Dans la deuxième partie du film, le comble de l'hermétisme auto-centré est atteint lors d'une séquence mémorable, chef d'oeuvre de montage raté dans les grandes largeurs, qui intercale plusieurs scènes d'origine disparate dont on se demande bien ce qu'elles peuvent signifier (il s'agit de la séquence durant laquelle Freddie Quell fait l'aller-retour entre les deux murs).
A partir de ce moment, PTA se fait du spectateur un ennemi juré, tellement ce dernier est largué et s'estime trahi dans sa dignité de public-payeur. Le réalisateur se fout à l'évidence de la gueule du monde dans une poussée narcissique de première bourre, méprisant à la fois son histoire et ses acteurs (qui se démènent comme des pauvres diables tous les deux). Parmi le long chapelet de reproches objectifs qu'on peut faire au film, un des plus net est sa faculté de penser, à l'image de la façon de faire du gourou, que répéter quatre fois les mêmes figures les rend plus aimables ou plus claires.
Le dernier plan est à l'image des premiers : laid. Mais il a au moins le mérite de n'être suivi par aucun autre.
The master fait partie de ces rares films qui vous font culpabiliser d'avoir été au cinéma pour les voir : il vous donne honte d'être assez idiot pour y avoir gâché quelques heures de votre vie.