Le poirier sauvage

C'est toujours avec une certaine émotion que l'on découvre le dernier opus de son réalisateur vivant préféré. Quand cela a lieu à Cannes, en compétition officielle, c'est encore plus fort, même si en l'occurence le créneau de diffusion n'a pas été optimal (dernier film projeté, alors que tout le monde est un peu fatigué...).
Le poirier sauvage réunit tous les attributs que j'aime chez Nuri Bilge Ceylan : une narration complexe et ample, une approche des personnages nuancée et une photographie sublime. On suit ici un jeune homme qui se rêve écrivain, mais qui doit composer avec la réalité (en vrac : un père criblé de dettes, des notables insensibles à son art, et plus globalement un monde extérieur qui ne l'attend pas, lui et son génie).
C'est, comme toujours chez Ceylan, lent et brillant. Les conversations peuvent s'éterniser pendant de longues périodes (avec cette fois-ci une innovation, c'est le débat ambulatoire), les scènes s'étirer dans une lumière mordorée teintée de nostalgie et de sensualité (la magnifique séquence avec l'ex-amoureuse), et même, ce qui est nouveau chez Ceylan, s'étioler dans une demi-teinte onirique.
Contrairement aux précédents films qui privilégiaient l'instant présent, l'ambition du réalisateur se projette cette fois-ci dans le temps, et on suit l'odyssée de notre jeune écrivain sur quelques années. Cela donne au film une tonalité différente des autres films de Ceylan.
Bien que bourré de qualités, il manque peut-être à ce dernier opus un évènement marquant, un coup de tonnerre qui suscite l'admiration ou la sidération. Si le film est très bon, il lui manque cette petite étincelle d'absurdité tragique qui rendait Il était une fois en Anatolie inoubliable, ou ce vernis d'auto-dérision cynique qui fascinait dans Winter sleep.
Nuri Bilge Ceylan sur Christoblog : Uzak - 2002 (****) / Les trois singes - 2008 (***) / Il était une fois en Anatolie - 2011 (****) / Winter sleep - 2013 (****)
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