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Christoblog

Articles avec #ricardo darin

Truman

Sur le papier, il y a tout à craindre de ce genre de sujet : deux vieux copains se revoient alors que l'un d'entre eux va mourir.

On imagine immédiatement les scènes larmoyantes, les vieux souvenirs qu'on se raconte tout une nuit durant, les effusions en tout genre.

Le mérite de Cesc Gay est d'éviter toutes les chausse-trapes possibles. 

Le générique de début est à ce titre exemplaire : le voyage de Tomas du Canada en Espagne est résumé en quelques minutes, à raison d'un plan par situation (maison, taxi, salle d'embaquement, avion, etc). Le réalisateur choisit une mise en scène et un montage qui visent à l'épure et au dépouillement, ce qui rend son film pudique, amusant et émouvant.

Les relations entre Julian et Tomas seront ainsi toujours dessinées comme en creux, avec beaucoup de pudeur, et même parfois de dureté. Les deux amis se disent les choses parfois très crûment et entre eux peu de moments semblent portés par l'émotion. Les vecteurs de leur amitiés se situent ailleurs : un sens de l'humour partagé, le personnage de Paula, le chien Truman, l'argent qu'on partage sans aucun tabou, des objets qui changent de main (le livre que Tomas reprend).

Truman est perpétuellement sur le fil du rasoir, se tenant parfaitement entre deux gouffres béants : celui de l'inconsistance nauséeuse et celui du mélodrame tire-larmes. Il y parvient principalement grâce au jeu miraculeux des deux acteurs principaux. Ricardo Darin est très émouvant avec ses airs de grand ado beau gosse sûr de son charme, mais Javier Camara est encore meilleur, dans un rôle étonnant et magnifique d'observateur concerné. Il lui suffit d'un regard de côté ou d'une respiration avant de prendre la parole pour faire passer au spectateur une émotion, une réflexion et même parfois toute une histoire.

Cesc Gay s'affirme avec Truman comme LE réalisateur espagnol à suivre, dans un genre qui rappellera plus Truffaut que Refn : son style n'en est pas vraiment un. Il préfère l'élégance d'un montage précis aux effets clipesques, et l'alternance parfaite de différents types de plans à l'esbrouffe visuelle. Il confirme également être un des meilleurs directeurs d'acteurs en activité.

Le film à voir cet été.

Cesc Gay sur Christoblog : Les hommes ! De quoi parlent-ils ? - 2012 (***)

 

4e 

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Les nouveaux sauvages

Cela faisait longtemps (Pulp fiction, Femmes au bord de la crise de nerf ?) que je n'avais pas éprouvé ce plaisir inouï d'une déflagration cinématographique mêlant à la fois maîtrise totale du rythme, mauvais goût et éclats de rire.

Et d'abord, évacuons l'antienne du film à sketches, qui serait systématiquement moins bon (ou bien meilleur) qu'un film normal.

Les nouveaux sauvages est seulement un excellent film : les histoires s'enchaînent avec une science consommée de l'assemblage. On n'est pas du tout ici dans la morne succession de vignettes indépendantes les unes des autres (type Paris je t'aime), mais dans l'oeuvre d'un créateur qui nous présente un tableau raisonné du genre humain.

Le film de Damian Szifron respire la classe à l'état pur, que ce soit pour agencer des trames scénaristiques difficilement prévisibles, installer en quelques plans une ambiance, ou entretenir sur la durée un atroce suspense.

Les scènes d'anthologie se succèdent, pour finir dans un tourbillon de folie insensé et jouissif lors du sketche du mariage, un chef d'oeuvre. Le cinéaste argentin dégage alors une puissance énergisante incroyable, et son cinéma apparaît comme tout à coup neuf. Il a fait souffler un vent salutaire de jeunesse dans la sélection officielle de Cannes 2014, en replaçant le plaisir du spectateur au coeur de son projet.

La vision que Szifron offre de nos congénères est à la fois cruelle, drôle, et terriblement réaliste : on en redemande.

 

4e

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Les hommes ! De quoi parlent-ils ?

http://lh5.ggpht.com/-exxwrweBtXw/UL8ewgiPH0I/AAAAAAABF_A/RBrfY1MajHE/5818246426963144657-656596945163.jpgVu au Festival du film espagnol de Nantes en 2013. 

 

Una pistola en cada mano (le titre francais est d'une idiotie rare), de Cesc Gay, est un véritable délice. En cinq tableaux ou scénettes qui ne sont presque constituées que de dialogues, le réalisateur nous peint un tableau pour le moins impitoyable de la condition masculine, de 30 à 50 ans.

Dans le premier épisode, deux ex-amis se retrouvent et se racontent leur vie, partiellement insatisfaisante pour l'un, complètement ratée pour l'autre. Dans le deuxième, un divorcé tente de reconquérir fort maladroitement son ex. Nous suivons ensuite un jeune homme qui tente d'obtenir des faveurs sexuelles dans son boulot, avant de se faire copieusement humilier. C'est tendre et cruel, mais pas autant que le quatrième tableau, réunissant Luis Tosar et Ricardo Darin (quel duo exceptionnel !), où l'on découvre un cocu qui suit sa femme et croise le chemin d'une connaissance. Le cinquième épisode quant à lui, est proprement génial : deux amis discutent séparément avec la copine de leur copain et chacun apprend sur l'autre les pires horreurs. 

En guise d'épilogue, tous ces personnages se retrouvent dans une fête.

Le tout, bien que sans prétention, est superbement joué, bien filmé, et Cesc Gay déploie des trésors d'imagination pour développer ses historiettes. C'est ciselé comme du Woody Allen : un film d'une grande finesse, injustement (et inexplicablement) assimilé par la majorité de la presse française à un navet comme Le coeur des hommes, sous le seul prétexte qu'on s'intéresse dans les deux films aux déboires sentimentaux d'hommes mûrs.

 

3e 

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Carancho

Ricardo Darin & Martina Gusman. Ad VitamJe n'ai pas du tout adhéré au film. Et donc, je me suis ennuyé du début à la fin, regardant Ricardo Darin et Martina Gusman (la compagne du réalisateur à la ville) se débattre dans une histoire à laquelle je n'ai rien compris.

Regarder des poissons dans un aquarium : voilà exactement ce que j'ai ressenti durant la projection de Carancho.  Regarder le poisson-ventouse nettoyer la vitre pendant une heure, la parade de deux bestioles se séduisant mutuellement, et des bagarres de poissons-combattants qui se mordent l'un l'autre. Les acteurs sont aussi expressifs que des Characidés ou des Guppies. Du coup, j'ai eu beaucoup de mal à rester jusqu'au bout. Je me suis senti oppressé sans être aspiré.

Ce qui me fait sourire, ce sont les critiques (comme celui du Monde) qui ont bien étudié le dossier de presse et qui exposent des données qui ne sont absolument pas dans le film : le nombre de morts sur les routes en Argentine par exemple.

Si on s'en tient au contenu uniquement, les péripéties du personnage principal restent complètement opaques et incompréhensibles. Il signe des trucs, fomente des machins et manigance des choses. Quoi exactement, en quoi consistent ces fameuses arnaques ? Bof, on ne sait pas trop.

L'histoire d'amour m'a laissé aussi complètement froid, à l'orée d'un baillement même pas bienveillant.

C'est filmé en plans resserrés (l'aquarium !) dans une atmosphère glauque et oppressante : ce n'est pas sans qualité et je comprends qu'on puisse aimer. Mais pour moi, peut-être un peu trop attaché à une trame narrative qui se tienne, c'est brouillon et confus. 

 

1e

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