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Articles avec #tunisie

Les filles d'Olfa

Formidable film que cet essai multiforme dans lequel deux actrices prennent la place de deux soeurs parties rejoindre le djihad.

La mère et les deux autres soeurs jouent leur propre rôle, se livrent face caméra, rejouent des scènes passées, sont filmées dans leur vie quotidienne ou dans des lieux emblématiques de leur passé. Le tout est très maîtrisé et ce qui aurait pu apparaître comme un collage informe finit par donner vie au drame qu'a vécu cette famille, sous une forme résolument inédite.

On est saisi par les vérités brutes que le film parvient à exprimer : l'embrigadement est en grande partie la faute des parents (les problèmes du père, la violence de la mère), mais les circonstances (la pauvreté) et le hasard (le prédicateur et le vagin qui prend feu) jouent aussi un rôle. 

Le procédé est tellement puissant que l'inconfort n'est souvent pas loin. On est parfois gêné des minauderies de comédiennes en herbe des soeurs non actrices alors que le drame est toujours là, ou dubitatif devant certaines scènes lors desquelles le linge sale de la famille semble se laver devant nous.

Les filles d'Olfa est à la fois une psychanalyse de groupe, un "méta-film" d'un genre nouveau, un digest sur la société tunisienne, une réflexion sur la transmission et le destin, et un documentaire en prise directe avec la réalité. Un film inclassable et brillant.

 

4e

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Sous les figues

Sous les figues revêt les atours du film documentaire pour suivre un groupe de Tunisien(ne)s ramassant des figues.

Ce sont surtout les jeunes gens qui intéressent la cinéaste Erige Sehiri : elle filme avec gourmandise quatre filles et trois garçons rayonnants de jeunesse, batifolant, flirtant et échangeant des considérations de tout type sur l'Amour.

Le film évoque par petites touches (trop) légères les aspects les moins reluisants de la société tunisienne : harcèlement sexuel, délation, exploitation des employés, nécessité de survivre pour les plus pauvres, expatriation intérieure.

Tout cela est frais et plein d'énergie, et en même temps assez inconsistant et anecdotique. Votre intérêt pour le film dépendra donc de votre sensibilité à l'aspect solaire de ce film sympathique qui ne parvient pas à être politique.

 

2e

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Un fils

Un fils commence par l’exposition d’un couple de Tunisiens aisés et influents dans leur métier, vivant à l’occidentale avec leur fils. Lors de ces premières scènes, on se demande d’ailleurs vers quoi le film va bien pouvoir s’orienter, tant les pistes paraissent nombreuses : chronique socio-politique, thriller psychologique à la Asghar Farhadi (on pense à A propos d'Elly), suspense hitchcokien, drame sentimental. 

Le réalisateur Mehdi M. Barsaoui parvient dans ces premières scènes à distiller une sourde tension sous des airs décontractés de film efficace et bien rythmé, à l’américaine. 

L’histoire bascule ensuite dans un drame brutal, qui va déclencher une série de révélations et de rebondissements passionnants, permettant d’explorer de nombreux sujets : la condition de la femme en Tunisie, des questions de morale individuelle, une réflexion sur l’adultère. Le film est aussi un très beau film sur l’amour qui se délite.

L’acteur principal, Sami Bouajila (qu'on a vu dans Indigènes), est formidable, il a d’ailleurs justement obtenu un prix au Festival de Venise. L’actrice Najla Ben Abdallah lui donne une réplique très convaincante. La mise en scène est extrêmement séduisante, et l’ensemble de la direction artistique contribue à donner une patine extrêmement réaliste au film, dans lequel on est complètement immergé du début à la fin.

Un beau film dynamique et séduisant, à découvrir absolument.

 

3e

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Un divan à Tunis

Dieu sait si j'aime le cinéma du Sud et que je porte habituellement sur lui un regard bienveillant et attentionné. Mais ici, malgré toute ma bonne volonté, je ne peux que faire le constat qu'une bonne idée de départ est irrémédiablement gâchée.

Il était en effet plaisant d'imaginer les conséquences de l'implantation d'une psychanalyste dans un quartier populaire de Tunis. J'imaginais une sorte de In treatment doux amer qui aurait traité en profondeur de l'évolution de la société tunisienne.

Le résultat est malheureusement tout autre, assemblage non abouti de plusieurs genres qui ne se mêlent pas entre eux : burlesque, comédie sentimentale, chronique sociale, tableau sans concession de la Tunisie contemporaine, film sur l'exil et le chez-soi, comédie de situation, clins d'oeil LGBT. Rien ne prend, tout semble factice, et la vision qu'offre Manele Labidi de la Tunisie est une caricature presque insultante. La psychanalyse n'est qu'un prétexte qui n'est pas du tout exploité.

Golshifteh Farahani, si elle semble toujours imprimer la pellicule de façon spécifique, ne m'a pas convaincu dans son rôle, comme d'ailleurs l'ensemble du casting, à côté de la plaque.

C'est pétri de bonnes intentions, mais c'est aussi tristement raté.

 

1e

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Noura rêve

Le film tunisien de Hinde Boujemaa présente beaucoup de points communs avec Papicha, le récent film algérien de Mounia Meddour : un personnage féminin très fort confronté au patriarcat violent, une femme réalisatrice, un tableau saisissant de la vie quotidienne, un sentiment de fatalité, une mise en scène efficace et brutale.

Si Noura rêve est un peu moins ample que Papicha dans son propos et un poil moins ambitieux dans sa forme, il est tout de même très intéressant et mérite d'être vu. 

Le personnage de Noura est ici joué par Hend Sabri, totalement utilisée à contre-emploi, puisqu'elle est plutôt habituée au glamour et aux paillettes (elle est mannequin et égérie de L'Oréal pour le Maghreb). Ici, sans fard et sans maquillage, elle réalise une prestation très solide.

De la même façon, le personnage de l'inquiétant mari est joué par Lotfi Abdelli, plutôt connu comme humoriste en Tunisie.

Le résultat est un film glaçant, qui commence sotto voce, mais vire tout à coup l'imbroglio narratif complexe, pour se terminer dans une sorte de cruelle queue de poisson. Noura rêve est puissant, réaliste et édifiant. Je le conseille.

 

2e

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Hedi, un vent de liberté

Hedi est avant tout le portrait sensible d'un jeune homme sous influence : pas vraiment libéré du chaperonnage maternel, on trouve à Hedi une femme (assez mignonne d'ailleurs), un boulot, un appartement.

Le film se construit sur le contraste entre cette castration mortifère et l'illumination soudaine que va représenter une rencontre inespérée avec une jeune femme libérée. 

D'un point de vue narratif, le film est au début un peu lourd. Il prend vraiment son temps pour montrer la monotonie de la vie du personnage principal. Le moins que l'on puisse dire, c'est que qu'on ressent profondément l'ennui du représentant de commerce errant de zone commerciale en garage improbable. 

Et puis, la rencontre dynamise le fil du récit, provoquant des ellipses audacieuses, dont on ne sait pas trop si elles illustrent une démission scénaristique ou la libération finalement plus facile que prévu d'Hedi. Ces rires, cette communication, ce sexe improvisé, font en tout cas l'effet d'une fontaine de fraîcheur dans la vie d'Hedi - et dans le film.

Le fin, franchement cut, est surprenante, mais l'ensemble du film est maîtrisé et esthétiquement cohérent. A noter que l'acteur, Majd Mastoura, a reçu l'Ours d'argent à Berlin pour sa prestation.

Une ode à la libération (plus encore qu'à la liberté) intéressante, à défaut d'être bouleversante.

 

2e

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A peine j'ouvre les yeux

La difficulté à vivre sa jeunesse sous la dictature Ben Ali : on peut légitimement craindre qu'un pitch comme celui-ci engendre un film ruisselant de bons sentiments, parfaite caution morale pour les festivals désireux de soigner leur image.

Le film de Leyla Bouzid semble d'abord cautionner cette crainte : le personnage de Farah est presque trop solaire, et ses élans bigrement naïfs.

Pourtant, plus l'intrigue se développe et plus l'impression initiale s'estompe. A peine j'ouvre les yeux aborde bien des sujets et recèle son lot de surprises en tout genre, y compris de formidables moments musicaux. Même s'il est parfois maladroit ou un peu démonstratif, il intrigue et interpelle. 

Parmi les réussites incontestables du film, il faut signaler la performance de la chanteuse Ghalia Benali, jouant la mère, admirable de prestance. 

Le film est intéressant par ses ressorts dramatiques, sa mise en scène et son aspect quasi documentaire sur la Tunisie d'avant le printemps arabe : il faudra suivre la suite de la carrière de Leyla Bouzid.

 

2e

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