Winter break
Chez Alexander Payne, la mise en place de l'histoire est toujours longue. Ici, il faut attendre un bon tiers du film avant de comprendre quels seront exactement les personnages principaux du film, et encore un autre tiers avant de véritablement saisir leur personnalité et leur histoire.
Le réalisateur américain possède une touche immédiatement reconnaissable, qui me semble comparable à la tradition du grand roman russe : le contexte est très important et il faut prendre le temps de le décrire, les personnages sont habilement caractérisés non parce qu'ils pensent, mais par ce qu'ils font, et enfin les digressions petites et grandes apportent toutes un élément du puzzle.
De cette approche méticuleuse résulte une oeuvre d'une grande profondeur, qui fourmille de détails significatifs et de situations aux multiples nuances. Ce qui paraît initialement cruel paraîtra bientôt touchant, ce qui semblait au début du film clair s'obscurcira progressivement, et réciproquement.
Au service de ce travail d'orfèvre se démène toute une troupe talentueuse. Les trois acteurs principaux, gueules atypiques chacun dans leur genre, font des miracles de sensibilité délicate, évitant en toute circonstance la mièvrerie qui rôde autour de l'intrigue. La direction artistique et la photographie servent parfaitement le propos du film, sublimant le décor étonnant d'une université désertée et enneigée, durant la trêve de fin d'année.
Le choc de ces trois solitudes malmenées par la vie est à la fois drôle, édifiant et émouvant. Winter break confirme le talent hors norme d'Alexander Payne pour dessiner de beaux portraits de groupe en prise aux difficultés existentielles.
Un des meilleurs films de 2023.
Alexander Payne sur Christoblog : The descendants - 2011 (****) / Nebraska - 2013 (****) / Downsizing - 2017 (**)