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Articles avec #fatih akin

In the fade

Constatons pour commencer que l'ensemble de la critique dite "sérieuse" descend le dernier film de Fatih Akin.

Ces critiques portent-elles sur des considérations liées aux qualités du film ? Souvent non. Les articles focalisent dans la plupart des cas sur des problèmes d'ordre politique ou moraux.

On reproche à Fatih Akin le parcours de son personnage, comme si le réalisateur affichait de facto sa solidarité avec lui (l'article de Serge Kaganski dans les Inrocks est à ce titre d'un niveau de bêtise inouï). En raisonnant aussi bêtement, on pourrait reprocher à Scorsese les errements du personnage de Taxi Driver, à Coppola le comportement des soldats de Apocalypse now, etc.  A travers cet écheveau de jugements négatifs en tout genre, c'est finalement une sorte de nouvel ordre moral qui semble émerger de façon inquiétante.

Mais je reviens au film. Katjia perd son mari et son fils dans un attentat. Qui sont les auteurs ? Le passé de son mari explique-t-il l'attentat ? Comment la justice va-t-elle agir ? Comment le deuil de Katjia peut-il s'exprimer ?

Akin répond à ses questions dans trois parties très différentes, dont la variété donne du piment au film. Personnellement, j'ai souvent été égaré par la conduite de l'intrigue, et cela m'a beaucoup plu. L'accusation de certaines critiques sur la prévisibilité des évènements me semble absolument injuste, le dénouement final possédant un véritable effet dramatique.

La prestation de Diane Kruger est exceptionnelle (prix d'interprétation féminine à Cannes) et on aura rarement ressenti avec autant d'acuité la difficulté du travail de deuil, qui irrigue le film du début à la fin. La mise en scène de Fatih Akin retrouve le niveau de qualité de ses débuts (on songe à De l'autre côté) : elle est à la fois ample et déliée.

En synthèse In the fade ne me semble pas mériter la curée dont il est l'objet. Même s'il est globalement un peu trop appliqué pour vraiment décoller, il n'est pas sans mérite : la presse américaine lui a octroyé le Golden globe de meilleur film en langue étrangère.

 

2e

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Head on

Cela commence comme une sorte de mariage blanc. Sibel veut s'échapper de sa  famille en se mariant à n'importe quel allemand d'origine turque. Cahit, veuf en deuil et auto-destructeur, s'en fout un peu. Tous deux viennent d'échapper à une tentative de suicide.

Le film continue comme une comédie romantique à la sauce germano-turque arrosée de cocaïne. Les préparatifs du mariage et la cérémonie elle-même sont montrés avec tous les artifices de la comédie ethnico décalée. Sibel profite ensuite de sa toute nouvelle liberté d'épouse pour baiser à tout va. Cahit fait de même avec sa vieille amie Maren. Mais comme dans toute bonne comédie romantique, ce qui est en train de se jouer dans ce couple bizarre et déjanté, c'est la germination d'un sentiment fragile... jusqu'au drame.

Le film glisse alors vers la tragédie antique en même temps qu'il file vers l'Est, direction Istanbul, en  même temps que les cheveux de Sibel raccourcissent. Cette deuxième partie est une merveille d'écriture et de mise en scène, dont je ne dévoilerai rien, afin de ne pas ternir votre joie de spectateur.

On retrouve dans Head on toutes les qualités des deux films suivants de Fatih Akin (De l'autre côté, Soul kitchen) : un sens aigu du rythme, une bande son parfaite, un montage au cordeau, une direction d'acteurs exceptionnelle (Sibel Kekili est légère comme une plume - et elle porte si bien son prénom, Birol Unel sombre comme un puits sans fond), un génie de la mise en scène qu'on dirait inné, et un de ces merveilleux scénario en mille-feuilles qui capte l'attention de la première à la dernière seconde.

Le film est ponctué par de courts intermèdes musicaux proposés par un groupe de musique traditionnelle turque interprétant une chanson d'amour, filmé en plan large sur fond de Bosphore. Ce groupe apparaît en fin de film comme un choeur antique accompagnant la progression dramatique de l'histoire. Il nous salue en un dernier plan magnifique, en même temps qu'il annonce la naissance d'un grand réalisateur.

 

4e

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Soul kitchen

Si vous voulez passer un bon moment, allez voir Soul kitchen.

Le réalisateur, Fatih Akin,  possède des facilités hors norme pour décider quoi filmer et comment le faire, comme l'avait déjà prouvé le très bon De l'autre côté.

Son virage vers la comédie (presque) pure est pour le moins étonnant, mais assez réussi. Cela est dû sans conteste à la performance des acteurs. Adam Bousdoukos est merveilleux en grand machin gaffeur, son frère Moritz Bleibtreu est parfait en cambrioleur à la petite semaine, et Birol Unel, déjà vu dans Head On (le film qui fit connaître Akin), joue avec délectation un cuisinier mégalo et violent. Les actrices sont parfaites également.

En s'appuyant sur un scénario millimétrique et une bande-son irrésistible, Akin se livre à une revue des différents types de comique : burlesque et visuel, de situation, de répétition, de dialogues. Après un démarrage en trombe, le film semble se diriger vers une sorte de success story à l'eau de rose, avant de bifurquer brutalement (et c'est sa force) vers une accumulation de catastrophes plus hilarantes les unes que les autres.

Bien sûr, tout n'est pas fin et plusieurs gags ont déjà été vus mille fois, mais globalement cela fonctionne. Et en plus de la comédie, Akin nous donne un joli portrait de Hambourg, entre friche industrielle et vieux immeubles.

 

3e

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De l'autre côté

De l'autre côté est un grand film classique : scénario complexe, acteurs attachants, mise en scène efficace, discrète, très élégante.

Les trois parties s'agencent remarquablement, les deux premières préparant le sommet de la troisième, dans laquelle Hanna Shygulla est époustouflante.

Fatih Akin confirme ici un talent exceptionnel. Les mouvements de caméra dans la rue, ou lors des déplacements en train, sont très fluides, très beaux, et me rappelle ce que disait Godard : le travelling est affaire de morale.

Deux heures très agréables avec des acteurs impeccables et une musique turque qui donne un indéfinissable vernis de mélancolie sereine à ce drame choral, qui n'est pas sans rappeler le Short Cuts d'Altman à la sauce germano-turc.

Fatih Akin est un futur grand, c'est sûr. Le seul point qui me freine un petit peu dans ce film, c'est le trop plein de sens et d'intentions, mais c'est souvent le cas des oeuvres de première partie de carrière.

 

3e

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