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Christoblog

Les Soprano, l'épilogue

Warner Bros International TelevisionCrépusculaire

Cet adjectif a du être employé un bon million de fois à propos de films ou de séries (par exemple, je l'aurais pour ma part volontiers appliqué aux Damnés de Visconti), mais jamais, jamais, il ne s'appliquera mieux qu'aux 9 épisodes de l'épilogue de la saison 6 des Sopranos.

Fidèle

Oui, il a fallu l'être tout le long de ces 6 saisons, avec ses poussées de fièvre, ses temps (parfois) morts. Au final pour le fan de séries, les Soprano lutteront jusqu'au bout, au coude à coude avec The Wire et Six Feet Under pour le titre de meilleure série de tous les temps. The wire : je n'en suis qu'à la saison 3. SFU : j'ai adoré. Mais les Soprano ont quelque chose de différent : ils échappent à la temporalité . Je veux dire (je n'ai rien fumé, ni moquette, ni rien), cette série is not about mafia, elle parle de l'homosexualité, du suicide des ados, de la façon dont on peut décider de sa vie, des addictions, du remord, du divorce, de Hamlet et de Lorenzaccio mélangés,  de la psychanalyse, du rêve, du coma, du cancer, de la trahison, de la cuisson des fettucinis, d'être père, de Dieu(x), de devenir vieux et/ou fou, des canards dans la piscine, de la meilleure façon de tenir un restaurant, du FBI, du terrorisme, de Bush, de l'obésité, des Italiens et des Juifs, du terrorisme, de Scorsese, de la façon de faire un film, des mères, du viol, et de tant d'autres choses....

Et la nature ?

Une des particularités de cet épilogue est le rapport extraordinaire à la nature que cette dernière salve d'épisodes dessine. Quand Tony regarde le lac dans l'épisode 1, ou quand il regarde le soleil se lever dans les environs de Las Vegas dans un désormais mythique épisode 6 ("sous l'empire du peyotl"), on ne peut pas ne pas penser à tout ce qui nous dépasse. Vous voyez ce que je veux dire.

Tuer ou ne pas être tué, être tué ou ne pas tuer

Les Soprano n'ont rien de contemporain. En cela ils rejoignent Sophocle et Shakespeare. Les rapports entre les personnages sont ici régi par ce qui le fait le propre des tragédies antiques (ou de la loi du marché, mais est-ce différent ?) : qui peut me servir, où est le pouvoir, comment le conserver ? Dans beaucoup de ces épisodes, Tony hésite entre tuer ou pas (le 1, le 2, le 6) : le fait-il, on non ? Pourquoi ? Et vous, qu'auriez vous fait ? Et combien y a-t'il de façon de mourir ?

Savoir finir

Finir une série n'est jamais facile. Alias optait pour le happy end projeté dans le futur, apaisé et serein. Battlestar Galactica pour le twist final improbable, les 6 dernières minutes de Six Feet Under pour l'accélération brutale (et géniale) de la flèche temps. Dans 4 semaines deux monstres (Lost et 24h chrono) devront choisir leur fin. Les Soprano opte pour un final ouvert, la série se termine par un épisode assez quelconque, pourtant conçu et réalisé par David Chase lui-même. Comme un manifeste d'under statement narratif. L'ultime scène ne se termine pas, laissant deviner une fin (une partie de la famille serait assassinée, Meadow s'en sortirait grâce à un créneau raté) qui n'arrivera jamais. Coup de génie ou déception : ainsi la fin des Soprano sera-t'elle à l'image de toutes ces saisons, ni série sur la Mafia, ni comédie de moeurs, jamais là où on l'attend, tragico-comique et ennuyeuse, modeste et ambitieuse (oh ces épisodes en Italie...), ni tout à fait une autre, ni tout à fait la même...

Grazie mille

Merci. Pour cette bande son exceptionnelle (des génériques de fin parties intégrantes de l'épisode, par la seule grâce de la musique). Pour ces moments de peur, de vertige, d'amour, de vie, d'ennui. Pour ces seconds rôles d'anthologie. Ces guests stars reconnaissantes (rien qu'en saison 6 : Ben Kingsley, Lauren Bacall, Sydney Pollack, Alec Baldwin). Pour Steve Van Sandt et l'ombre portée du Boss. Pour cet épisode (le meilleur de toutes les séries du monde entier) perdu dans la neige, des Coen à la puissance 10, L'enfer blanc (S3E11).

Merci pour toutes ces émotions entre empathie et horreur, rien que la vie, mieux que la vie.

 

4e

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F
https://www.facebook.com/Les-Soprano-Fans-France-1213664418705555/
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G
Je n'ai pas vu la série, je pense m'y mettre quand lost sera terminée.<br /> <br /> Ton article est très bien écrit, très beau, et me donne vraiment envie de voir les sopranos !
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M
La dernière scène est sublime, d'une tension incroyable (qu'est-ce qui va bien pouvoir se passer ? Tony va-t-il se faire descendre ?) et très commentée partout sur Internet par rapport à toutes les interprétations et à tous les signes religieux qu'elle contient (Adam et Eve, les trois rois mages, les beignets comme des hosties...). Et puis le Don't stop believing de Journey me hante désormais comme le Breathe me de Sia.
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