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Christoblog

Articles avec #zhao tao

Les feux sauvages

Voici une oeuvre que je me garderais bien de conseiller à quelqu'un qui n'a jamais vu de films de Jia Zhang-Ke.

Les feux sauvages est en effet constitué de plans filmés par le réalisateur lors de différents voyages à travers la Chine, ainsi que de plans issus du tournage de ses précédents films (Still Life, Les Eternels).

Jia Zhang-Ke s'est contenté pour ce film, si je puis dire, de tourner une sorte de court épilogue. On n'y comprend pas grand-chose, et l'intérêt de ce montage godardien conceptuel, à la frontière entre fiction et documentaire, est probablement de donner à voir l'évolution de la société chinoise sur plus de deux décennies.

Pour ce qui est de l'embryon d'histoire que le film semble raconter (une femme silencieuse recherche à travers le pays et le temps son amoureux), il est bien trop ténu pour générer un intérêt à lui seul. Là encore, il faut connaître la relation spécifique de Jia Zhang-Ke et de son actrice-muse-épouse, Zhao Tao, pour apprécier.

De cet assemblage souvent profondément inintelligible et parfois sublime (la partie 2006)  sourd une nostalgie puissante, qui pourra peut-être sembler enivrante pour les connaisseurs. Les autres doivent passer leur chemin : on est très loin de l'éblouissement esthétique intrinsèque que procuraient A touch of sin ou Au-delà des montagnes.

Jia Zhang-Ke sur Christoblog : I wish I knew, histoires de Shanghai - 2011 (*) / A touch of sin - 2013 (***) / Au-delà des montagnes - 2015 (****) / Les éternels - 2019 (**)

 

2e

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Les éternels

Le nouveau Jia Zhang-Ke ressemble tellement au précédent (Au-delà des montagnes) que cela en devient gênant : récit elliptique sur le temps long, découpage en trois parties, rémanence des sentiments, occasions manquées, fuite irrémédiable du temps, rôle cathartique d'une chanson pop.

Le problème est qu'ici tout le charme du cinéma de Jia Zhang-Ke paraît plaqué. Quelque chose s'est brisé. 

L'élégance devient parfois maniérisme, l'allusion approximation, et l'originalité prétention. L'ensemble donne l'impression de redite.

Au rayon des points positifs (il faut quand même dire que le réalisateur chinois est un styliste hors pair) : la mise en scène fluide et le jeu de l'actrice Zhao Tao (par ailleurs compagne de Jia Zhang-Ke). C'est assez peu pour compenser le sentiment de gâchis et de bégaiement que procure la vision des Eternels.

 

2e

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Au-delà des montagnes

Le temps qui passe. Les occasions manquées. La musique, le souvenir.

Jia Zhang-Ke est le chantre de ces subtiles variations autour du même thème qui revient sans cesse : en quoi pouvons-nous contrôler notre vie ? 

Quelle logique causale unit ces moments d'insouciance vécus à 20 ans dans un monde ancien, et le présent de vieillards isolés dans un monde futuriste ?

A travers son élégie douce et funèbre, et au fur et à mesure que l'écran s'agrandit et que l'image s'embellit, la réponse apparaît : le poids écrasant du temps annihile les tentatives de rapprochement. 

Tao aurait pu faire un choix différent dans la première partie du film, et, en un instant, donner une toute autre inflexion à sa vie. Mais le destin en a voulu autrement. 

Au-delà des montagnes n'est peut-être au final que cela : l'examen minutieux et sublime des plus tristes possibles. L'employée de l'agence de tourisme, dans la dernière partie de quasi outre-temps, détourne d'un mot anodin des retrouvailles possibles.

Film merveilleux peint sur la fine trame du temps, chronique des occasions ratées, des histoires inabouties et de la dissolution des sentiments, Au-delà des montagnes est d'une beauté iréelle et immensément triste.

Il ne semble promettre qu'une seule issue : à la fin ne resteront que les chansons pop.

Et si c'était vrai ?

 

4e 

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A touch of sin

Je prétends depuis longtemps que Jia Zhang Ke est, avec son compatriote Wang Bing, un des plus grands réalisateurs actuels. Je suis donc ravi qu'il ait enthousiasmé le dernier Festival de Cannes, y gagnant curieusement le Prix du scénario, alors que A touch of sin est avant tout une magnifique leçon de mise en scène.

Ample, étonnant, ambitieux, parfaitement maîtrisé, le film raconte successivement l'histoire de quatre personnages qui ne feront que se croiser : le premier lutte contre la corruption, le second est un criminel qui semble dénué de tout sentiment, la troisième est une jeune femme violentée qui se venge, et enfin le quatrième est un jeune homme qui doit quitter son usine, et tombe amoureux d'une prostituée.

Ces quatre morceaux de vie sont marqués par une grande violence, parfois aussi frontale que chez Tarantino ou Miike, parfois plus sourde et plus sournoise, comme dans le très beau dernier épisode. Ils forment une fresque qui résume tous les problèmes de la Chine actuelle : prostitution, corruption, criminalité, condition de la femme, cupidité, croissance économique effrénée au détriment des ouvriers...

Le film est esthétiquement sublime, et le troisième épisode notamment comprend des scènes d'une beauté irréelle, d'une intensité qu'on ne voit plus guère au cinéma (la femme au serpent, les vaches sur la route). Jia Zhang-Ke ne possède pas son pareil pour filmer les paysages et les barres d'immeuble. On est là en présence d'un grand artiste, sans aucun doute, qui marquera très probablement le cinéma du XXIe siècle (Jia Zhang Ke n'a que 43 ans).

A voir d'urgence.

 

3e

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I wish I knew

Il y a des films où je me prépare à écrire une mauvaise critique, et je le fais. Des films où je m'apprête à sortir le dézingueur à recharge automatique, et à l'issue desquels je suis obligé de le remballer.

Et puis il y a des films où je me prépare à tresser des louanges, avec des tournures de phrase pratiquement prêtes une heure avant le film ... et puis je m'endors d'ennui pendant la séance.

Ce n'est pas que le film n'est pas intéressant, mais parmi les dix-huit interviews qui s'enchaînent pour nous raconter Shanghai, certaines sont intéressantes, mais d'autres un peu (beaucoup) lassantes.

Et puis les visions de l'actrice Zhao Tao errant dans les rues sans un mot n'apportent rien, au contraire. Comme l'insertion de courts extraits de films d'Antonioni, Hou Hiao Hsen et Wong Kar Wai, dont je ne comprends pas vraiment le sens. En plus tout cela est très compliqué si vous n'êtes familier de l'histoire de la Chine du XXème siècle.

Au détours de quelques plans on sent parfois l'immense potentiel qu'a Jia Zhang-Ke (comme dans ses films précédents Still life et 24 city)  et qui éclatera un jour à la face du monde, j'en suis certain.

Un film que j'aurais aimé aimer.

 

1e

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