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Christoblog

Articles avec #roberto minervini

Les damnés

Roberto Minervini, connu jusqu'alors pour ses remarquables documentaires, s'essaye ici pour la première fois à la fiction.

Il le fait en proposant une sorte de reportage sur le vif de ce que devaient être les conditions de la guerre civile américaine à l'hiver 1862, quelque part dans l'Ouest. C'est peu dire que son film est d'un naturalisme extrême : nous sommes littéralement aux côtés des soldats, dans une sorte de reportage qui nous fait partager leurs problèmes, leurs conditions de vie d'un dénuement extrême et leur interminable attente de l'ennemi, façon Désert des Tartares.

En utilisant une profondeur de champ quasi nulle (on ne voit bien que ce qui est au premier plan, tout le reste est flou), Minervini parvient à nous immerger totalement dans son monde, d'une façon qui parfois en devient oppressante, quasi claustrophobique, alors que nous sommes au sein de grands espaces.

Les damnés propose une curieuse vision de la guerre : une guerre sans véritable commandement, sans ennemi très visible, dont le sens semble évanescent et comme écrasé par la force de la nature. Un chaos tranquille dont la fin parait inéluctable, et dans lequel chacun doit faire au mieux, en fonction de ses compétences et de ce que lui dicte sa conscience.

C'est beau et aride.

Roberto Minervini sur Christoblog : The other side - 2015 (****)

 

2e

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The other side

J'ai eu l'occasion de le dire de nombreuses fois sur ce blog : le genre documentaire produit régulièrement des chefs d'oeuvre, qui malheureusement sont très peu vus.

C'est encore le cas pour ce film du réalisateur italien Roberto Minervini, très remarqué pour son film précédent, Le coeur battant.

The other side est une plongée sidérante dans une Amérique des exclus et des marginaux. 

On suit d'abord longuement le couple attachant formé par Mark et Lisa, tous les deux drogués jusqu'au dernier degré. Minervini ne recule pratiquement devant aucun moment d'intimité : l'amour, le sexe, la drogue (terrifiantes piqûres dans les seins), le travail chez un ferrailleur.

On est littéralement happé, puis asphyxié, par la caméra terriblement indiscrète de Minervini. L'impression de proximité est confondante. On découvre toute la communauté qui vit autour du couple : le vieux junkie alcoolique, la soeur et sa fille (qui rêve de faire Harvard : permanence du rêve américain), la mère, la grand-mère.

A l'arrière-plan de ce tableau tendre et désespéré, c'est le portrait en creux d'une Amérique fantasmée que dessine le cinéaste. Malgré leur malheur, les protagonistes du film vouent un amour sincère à leur patrie, comme le démontre cette incroyable scène de cérémonie à tous les soldats américains morts pour la liberté, sous une banderolle "Freedom is not free".

Dans l'océan de désespoir dans lequel le couple menace de se noyer, surnage la lucidité de Mark, qui cherche à se faire arrêter par la police : il a compris que la prison pourrait l'aider à décrocher.

La mise en scène de Minervini, souple, fluide, est une sorte de miracle. La caméra explore et expose, avec une sorte de douceur résignée et un peu froide. C'est magnifique.

A un moment, le film semble se briser et bascule dans une deuxième partie beaucoup plus courte, et complètement différente : des groupes paramilitaires en plein Texas, racistes et d'une violence inimaginable.

Le contraste entre les deux parties est surprenant et ajoute de l'intérêt au film : des deux côtés la même fierté d'être américain, le même rejet d'Obama, et deux types différents d'aveuglement. 

Un film inoubliable.

 

4e

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