Gebo et l'ombre
Alain Resnais a 90 ans et ça ne se voit pas.
Manoel de Oliviera à 103 ans, et ça se voit.
Autant Vous n'avez encore rien vu est un film vif, plein d'intentions et d'imagination, autant Gebo et l'ombre est un film empesé, sépulcral, comme réalisé d'outre-tombe.
L'intrigue, de style dostoievskien, est noire et peu intéressante. Elle est tirée d'une pièce d'un obscur écrivain portugais, Raul Brandao (1923).
De Oliveira a écrit les dialogues, qui semblent renvoyer à l'avant-dernier siècle et forment une loghorée générant un ennui profond. L'esprit du spectateur souhaite s'échapper de cette morose prison verbale, mais les plans fixes interminables et la pauvreté du décor l'en empêchent.
Reste alors la possibilité de guetter que Michael Lonsdale trébuche sur une difficulté (comme "Que ne donnerions-nous pas ?"), de constater que Claudia Cardinale, en bonne italienne, annonce ou conclut toutes ses répliques par un geste illustratif, et que Jeanne Moreau garde son espiéglerie de jeunesse dans son corps de vieille femme.
Les acteurs portugais fétiches sont aussi là (Ricardo Trepa et Luis Miguel Cintra), parlant français avec un accent curieux qui m'a empêché de bien me concentrer sur ce qu'ils disent. Trepa en particulier mange les syllabes et le "r" ce qui l'amène à dire "voa" au lieu de "voleur". C'est assez dérangeant.
Si on excepte la photographie assez proche des tableaux flamands (mais dont il faut accepter le caractère résolument factice), le film ne présente aucun intérêt.
Du maître portugais je n'avais déjà pas aimé L'étrange affaire Angelica.