Tropical malady
En attendant de voir le 1er septembre la Palme d'Or d'Apichatpong Weerasethakul, je visionne son dernier film, avec un peu d'appréhension, au vu des critiques lues : le film serait abscons, hermétique, contemplatif, étrange....
Verdict : il est un peu de tout ça, mais curieusement il ne provoque pas d'ennui, en tout cas pas dans sa première partie.
Le film est en effet découpé en deux parties complètement distinctes.
Dans la première on suit la naissance d'un amour entre deux hommes : Keng, un jeune soldat, et Tong, un garçon de la campagne un peu simplet. Cette partie est absolument remarquable. Le film alterne des séquences courtes, souvent surprenantes (comme cette ouverture étonnante dans laquelle les soldats trouvent un cadavre), brillamment mises en scène. La direction d'acteur est stupéfiante de précision, chaque regard, haussement de sourcil, geste, semblent chacun porteur d'une signification profonde. La photographie est admirable, la nature montrée avec une sensualité inouie qui rappelle Terence Mallick ou Andrea Arnold. Rarement la naissance d'un amour aura été montré avec autant de délicatesse. Cette première heure donne donc l'impression de la découverte d'un cinéaste absolument majeur.
Après une heure, Keng erre dans la forêt, à la recherche de Tong, qui y circule nu, le corps entièrement tatoué. Cette partie est complètement muette, ponctuée de "cartons" comme dans les vieux films muets, évoquant des légendes de monstres et de fantômes un peu confuses. Vers la fin du film, on ne voit plus Tong mais un tigre : l'amant de Keng s'est il métamorphosé en monstre ? Si dans cette partie la nature sauvage thailandaise est aussi bien filmée que dans la première, la monotonie des plans lasse un peu.
Le film est dans son ensemble une véritable expérience sensorielle et intellectuelle, qui convoque toutes sortes de références variées et provoque des émotions aux nuances délicates. Une réussite.
Au détours d'une phrase, Tong semble annoncer le film primé à Cannes : il parle d'un oncle qui se souvient de ses anciennes vies, jusqu'à 200 ans en arrière. S'agit il d'Uncle Boonmee ?
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