La guerre est déclarée
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Vu en avant-première à Nantes, en présence de Valérie Donzelli et de Jérémie Elkaïm.
La guerre est déclarée parle de la même chose que Melancholia : la fin du monde. Littérale dans le film de Von Trier, relative dans celui de Donzelli, puisqu'il s'agit, pour des parents, d'apprendre que leur enfant est atteint d'une grave maladie. Dans le premier cas, la palette de réaction des personnages est le déni, le suicide, la colère. Dans le deuxième, la fureur de vivre, l'amour, l'espérance. Les deux titres peuvent donc se regarder comme dans un miroir : la guerre est déclarée à la mélancolie.
D'un côté, un metteur en scène un peu usé, tournant en rond autour de ses obsessions dans un beau geste formellement brillant, de l'autre une jeune réalisatrice fonçant droit devant, sans craindre de bousculer les conventions. Dans les deux cas, des films sur le fil, qui ne tiennent que par la grâce de la personnalité et du vécu de leur auteur.
Ce qui me frappe dans le film de Valérie Donzelli, c'est l'extrême audace stylistique et l'efficacité rythmique.
Audace, parce que le film - si on le regarde avec attention - est fait de bric et de broc, à un point qui pourrait nuire à sa cohérence. Sa variété de tons est insensée : on passe d'un thriller monté à la hache (le départ en TGV) à une sorte de comédie allenienne à la française (les premiers amours), en passant par des accents truffaldiens (les parents), des inspirations mallickienne (ces inserts de cellules humaines), des éclairs lelouchiens (la dernière scène, très Un homme et un femme - et un enfant). Il y a aussi une chanson à la Honoré, des effets de couleurs très almodovariens (les personnages ont des T-shirt de la couleur du canapé et du papier-peint), une façon de montrer les hôpitaux qui rappelle Urgences, des ralentis, des accélérés, des effets sons étonnants, une Rancho verte, une fête foraine, une soirée open kiss et 1000 autres choses.
Rythme, parce que tout cela ne tient la route que parce que le film fonce à 100 à l'heure. Miracle d'un montage au cordeau, d'une progression scénaristique millimétrée et d'une bande-son époustouflante, bien que complètement hétéroclite.
La guerre est déclarée est donc un patchwork que certains trouveront peut-être indigeste mais qui transpire une énergie incroyable, le type d'énergie que je n'avais pas ressenti au cinéma depuis ... les premiers Spike Lee ? Le tout est trituré avec une intense intelligence - et une distance adorable (ah ce clin d'oeil avant d'entrer en salle stérile) par Valérie Donzelli, ce qui nous promet de beaux lendemains. Quelle pêche, quelle envie, quelle énergie tonitruante !
Probablement un des films les plus importants de l'année, qui suscitera l'ergotage de froids esthètes et laissera peut-être une partie du public en route ... mais pour ceux qui adhéreront comme moi, révolutionnaires du coeur, quel plaisir et que de larmes !
Choisissez votre camp, la guerre est déclarée.
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