Des filles en noir
De tous les films
vus récemment au cinéma, Des filles en noir est sans conteste le plus honnête, le plus humble, le plus vrai, et partant, le plus beau.
Bien sûr le film comporte quelques imperfections que je vais rapidement évoquer : des seconds rôles qui jouent pour certains assez faux surtout au début du film (la proviseur, l'infirmière,
l'oncle trentenaire), un scénario qui, bien qu'efficace est inégal, et quelques rares maladresses. Voilà, on peut gloser et détailler ces quelques défauts tout au long d'un article : c'est ce que
j'aime faire habituellement ! Mais dans ce cas, d'autres l'ont fait.
Une fois n'est pas coutume, je vais essayer d'expliquer pourquoi le film m'a touché.
D'abord j'ai trouvé le jeu des deux actrices absolument remarquable. A force de voir des professionnels aligner les mêmes trucs ou adopter l'inexpressivité comme ligne de jeu (Vénus noire,
Biutiful), j'avais fini par oublier ce qu'un regard, une fossette qui se creuse, une larme qui coule, deux visages qui se rapprochent, peuvent exprimer, quand les actrices pétrissent leurs
sentiments avec une rage brute et adolescente. Léa Tissier est en particulier impressionnante.
Ensuite, je n'avais pas lu une ligne sur le scénario et le film m'a scotché comme un thriller psychologique. Vont elles le faire ? Oui, non, pourquoi ? Et après le pivot central du film (qui m'a
laissé en pleurs, et hébété, car je ne m'y attendais pas du tout) comment le film pouvait il évoluer ? Il le fait à mon sens magistralement; trouvant une voie étroite et convaincante.
Jeu de miroir
Enfin, j'ai réellement adoré certains aspects de la mise en scène, bluffante à bien des égards : travellings lents et circulaires, respiration dans les plans et entre eux (très beaux fondus),
maîtrise discrète de mouvements complexes (le match de foot, la crise nerf, et d'autres), jeu avec les miroirs splendides.
Sur ce dernier point je pourrais détailler très longuement mon point de vue (cf photo choisie ci-dessus) mais par exemple : la scène chez la prof de musique est fabuleuse sur ce point,
premier miroir à l'entrée, puis illusion d'une scène filmée normale, puis découverte que cette scène se joue dans un miroir, etc.. La thématique du reflet est en parfaite résonance avec le
film : celui-ci ne raconte-t-il pas comment Noémie se mire dans Priscilla (ce plan magnifique en ombre chinoise ou les deux visages se reflètent presque parfaitement), jusqu'au moment où le
miroir se brise ?
En bref j'ai beaucoup aimé le film. Ses défauts me le rendent encore plus attachant. J'y ai ressenti la même qualité de sensation que dans 4 mois, 3 semaines, 2 jours. Même élégance,
même sobriété dans la façon de filmer le drame, même tension psychologique (ce que je redoute va-t-il se passer ?), même intensité dans le jeu de l'actrice principale, mêmes scènes décalées de
repas convivial arrivant au climax de la tension psychologique, même plan lointain et sobre après le drame sur ce que vous savez, même type de vérisme social. Et c'est aussi une photo de miroir
qui illustre ce film dans mon esprit. Et dans mon article.
De belles critiques sur le film :
Le Monde, Télérama, Libération, Les Cahiers du Cinéma, Les Inrocks, Le Point
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