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Christoblog

Leviathan

Le souci avec Leviathan, c'est qu'on aura vite fait de le ranger dans une catégorie donnée, un peu comme certains l'ont fait avec Winter sleep : film russe, film calibré pour Cannes, film engagé.

En réalité, Zvaguintsev nous propose ici un menu autrement plus copieux qu'un film à thèse ou qu'un exercice de style. Leviathan est un pur produit de ce que la Russie peut produire de meilleur : mélange irrésistible de perfection plastique, de ricanement sarcastique, de lyrisme échevelé, d'auto-dérision décentrée.

La mise en scène est fluide, délicate, enlevée, racée. Le scénario est scorsesien : on pense que l'intelligence peut triompher de la force brute, mais les choses se compliquent par le biais des passions. Les dialectiques que développe le film s'avèrent d'autant plus fines : fidélité vs adultère aventureux, intelligence vs loi du plus fort, corruption vs sens du devoir, espoir vs désespoir, nature vs société, doute vs certitude, désespoir vs humour.

Finalement Léviathan s'avère être un très grand film : alors que la plupart des critiques y voient principalement un manifeste politique, je le considère comme une élégie sur l'isolement amoureux. Zvaguintsev s'y révèle être un très grand réalisateur : ces ellipses, cette photographie, cette direction d'acteur !

Il y a dans Leviathan un arrière-goût de (future ?) Palme d'or.

 

4e

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A
Lévathan est le plus grand film que j'ai vu depuis plusieurs années . profondément russe , le décor est sinistre et l'homme au milieu de ce décor essaye désespérément de vivre , libre . <br /> 2 scènes dont je me souviendrai très longtemps : le soir où le maire complètement bourré , accompagné de son garde du corps vient narguer Kolia avec un mépris incroyable ( acteur génial ou superbement mené ?)<br /> et celle du bulldozer qui surgit brutalement , frontalement , comme un monstre , symbole du léviathan de l'Etat.
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F
Leviathan est un film extraordinaire: On en sort foudroyé par l'implacable denouement. C'est simplement magistral. Andreï Zviagintsev s'impose d'ores et déjà avec ce quatrième long métrage comme le digne héritier de son maître, Andrei Tarkovsky (Andrei Arsenyevich Tarkovsky). Apres le Retour (Lion d'or en 2003), le Banissement, Elena, &quot;Leviathan&quot; est un monstre... Monstre biblique, ayant inspiré Thomas Hobbes qui analysait la formation de l'Etat et de son raport aux individus. Zviagyntsev signe là un violent réquisitoire contre la corruption, contre l'Etat qui broie l'Homme, sa dignité, et n'en finit pas de nous interroger sur le Bien, le Mal...<br /> Vent d'est...Andreï Zvyagintsev frappait déjà un grand coup avec son premier long métrage (&quot;Le Retour&quot;, primé à Venise en 2003). Il récidivera à chacun de ses films suivants; le Bannissement, Elena et Léviathan, sont autant de pierres précieuses qui composent un joyau: sa courte cinématographie est déjà monumentale: Au cinéma, le soleil se lève à l'Est!
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B
Je partage, Chris, ton admiration proche de la sidération. Oui, une œuvre magistrale sur l'emprise du Mal, sur fond de corruption politique et de complicité ecclésiastique en Russie. Dès les premières images glacées et glaçantes, je me suis dit : ici, ce n'est pas du cinoche ! D'une autre pointure, d'une autre envergure. D'emblée, j'ai été empoigné, sidéré, le cœur en étau, guettant en vain une éclaircie d'espoir ou de rire (une seule scène d'humour, celle du tir aux portraits ). Scorcese est convoqué et aussi Dostoïevski, et Bernanos. Le Léviathan, monstre marin, c'est le Mal tentaculaire. La vodka est son venin. Le cimetière des barques disloquées et des carcasses blanchies des baleines, c'est le naufrage de l'Espérance. L'amour a déserté et le &quot;héros&quot; en fait le dur constat : ni époux, ni mari, ni ami. Tous, sur cette rive désolée, hommes, femmes, enfants ne sont que des marionnettes pathétiques et impuissantes entre les griffes du Monstre tandis que Dieu se tait obstinément et que les popes - ses prétendus envoyés sur terre - baratinent et embobinent. Telle est l'histoire de Job depuis la nuit des temps. Telle est la puissance envoûtante du film d'Andreï Zviaguintsev qui va me poursuivre longtemps. (Une nuance de taille : selon moi, le film est glaçant, mais pas débilitant, pas abstrait ; il ne s'agit en rien de magma métaphysique : ce sont des personnages en chair et en os, individuels, distincts, entiers, de chair et de sang - d'alcool aussi ! - qui se frottent les uns aux autres et se lacèrent. Bref, une vraie histoire ! Donc ni ennui ni déprime. ) En tout cas, pas étonnant qu'avec le patronage de la Bible et de Hobbes, auteur d'un &quot;Léviathan&quot;, ce film russe ait obtenu à Cannes le prix du scénario, sublimé par la mise en scène et la direction d'acteurs. Impressionnant et fascinant.
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