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Christoblog

Leçons d'harmonie

Ceux qui suivent Christoblog savent (peut-être) que je suis fan de cinéma d'Asie Centrale. C'est donc avec gourmandise que j'ai visionné ce film originaire du Kazakhstan.

Le réalisateur Emir Baigazin fait preuve d'une maîtrise absolument sidérante pour un premier film. Leçons d'harmonie a d'ailleurs connu une carrière en festival exceptionnelle, collectant une belle série de récompenses, de l'Ours d'argent de la meilleure image à Berlin au Grand Prix à Angers. La mise en scène est d'une limpidité exceptionnelle et la beauté des plans est souvent sidérante. 

Au-delà de la beauté plastique du film, qui suffirait déjà à en faire un morceau de choix, il faut signaler que le scénario est remarquablement tordu : le film commence comme une critique d'enfance harcelée, avant de muer en un curieux film de vengeance, assaisonné par de mystérieuses ellipses, dont le sens ne se perçoit que dans la durée.

Si le film peut parfois donner l'impression d'être un poil trop lent, il trouve au final un équilibre assez bluffant entre ses différents segments : la scène initiale de l'égorgement de l'agneau se nimbe par exemple d'un halo particulier au fil du film.

Ajoutons à toutes ces louanges une interprétation parfaite (le jeune acteur a remporté un prix à Amiens), des flashs oniriques réjouissants, une description très intéressante des conditions de vie dans un pays largement inconnu, et vous obtiendrez un plat pour gourmets cinéphiles.

 

4e

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B
Ce film, d’une beauté formelle inouïe, m’a fort décontenancé. Et inquiété. D’emblée, j’ai été happé par le visage fermé du jeune « héros ». Et je me suis demandé constamment : ange ou démon ? Que pense-t-il ? Que ressent-il ? Que manigance-t-il ? Souffre-t-il au fond de lui ? De quoi a-t-il le plus peur ? Face à lui, un petit caïd qui est, par contraste, extraverti, hâbleur, violent, bref, le jour et la nuit entre la victime et son bourreau. Sauf que ces « petits d’homme » semblent se retrouver sur le même fond, fait de haine et de violence explicites ou larvées. Comme les adultes. Comme les bestioles qui s’entredévorent. C’est en cela que le film dérange quand le spectateur, lui, a toujours besoin d’un Innocent, surtout quand il a le visage d’un enfant de 13 ans. Or, à mesure que le récit avance, Aslan, toujours aussi mutique et préoccupé, donne des signes inquiétants : ne sera-t-il pas demain à son tour sadique et impitoyable, par exemple quand il torture une blatte ligotée sur une chaise électrique miniature ? C’est troublant, hors logique, hors éthique. Surtout glacial et préoccupant. Car malgré la blancheur omniprésente (la steppe, le lac gelé, les salles de cours trop ‘clin’ pour être normales et rassurantes), rien n’est ni blanc ni noir quant au fond. Ni Bien ni Mal. Ni sentiment ni attendrissement. Forcément pas de happy-end à attendre. Tout est sur le même plan, comme téléguidé, manipulé, trop paradoxal pour être honnête : dans cet étrange lycée, Gandhi flirte avec Darwin, les uniformes impeccables des garçons - même dans les ateliers manuels ! - côtoient le voile immaculé d’une jeune fille fondamentaliste (sorte de vestale elle aussi obsédée par la pureté, plus exactement l’impureté des mâles) ; Aslan n’est pas insensible à l’amitié (sans toutefois la partager ni donner des gages), tout en ourdissant sa secrète vengeance ; un mouton tend son cou résigné pour être égorgé et pour, dans l’ultime séquence, gambader sur l’eau … Allusion fellinienne au Christ, « l’Agneau de Dieu », capable de marcher sur l’eau et invitant ses disciples incrédules à faire de même ? Décidément bizarre et très ésotérique (cf. l’amulette que porte Aslan et qui contient des paroles du Coran). De quoi être perplexe et vaguement inquiet quant à la place de l’humain (adultes et enfants) dans un univers impitoyable sans tendresse, sans parents, sans rémission. Chacun pour soi. Le fric avant tout. La loi du plus fort. Un seul mot d’ordre : punir, humilier, massacrer. Brrrrrrrr<br /> <br /> Ceci réfléchi et écrit avec un peu de recul - l'écriture aide à voir plus clair ! - j’avoue que je n’ai pas tout compris à la fin, même franchement largué. D’où un sentiment de frustration face à un récit qui, d’abord linéaire, se fragmente et explose. Trop d’ellipses, trop de symboles peuvent nuire à la compréhension d’une œuvre. Normal, s’il s’agit d’une Fable ou d’une parabole sociale au pessimisme effrayant – ce que je crois. En résumé, une œuvre complexe et glaçante qui va me poursuivre longtemps et qui mériterait certainement une seconde vision… sauf que je n’en aurai jamais ni la force ni l’endurance ! Trop peur d’être contaminé par tant de cruauté et de désespoir…
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J
Excellent commentaire. L'aspect dérangeant du film dont vous parlez est, selon moi, ce qui en fait la qualité artistique. L'art dérange. Et puis la violence, le manque de tendresse, la cruauté... c'est une part de notre monde ici et la-bas... D'accord avec vous sur la fin pas claire. Je cite mon blog : <br /> <br /> &quot;Très elliptique dans sa construction, peut-être un peu trop sur la fin car on ne comprend plus très bien ce qui s'est exactement passé et ce qui est du niveau du rêve. J'aurais aimé en savoir un peu plus sur cette fille voilée que l'on suppose être le pendant féminin d'Aslan dans la recherche de l'harmonie. &quot;
B
Oui! Univers kafkaien jusqu'à l'étouffement; si j'osais, il y presque quelque chose de Taxi Driver chez les Kazakh !! <br /> Ames sensibles s'abstenir; et de fait, les cinéphiles se régaleront.
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P
Je m'étonne de cet enthousiasme tardif. Tu n'étais pas aussi éloquent après l'avoir vu. Mais je m'en félicite !
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F
Un chef d’œuvre tout simplement !
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L
tout à fait d'acc avec toi. Particulièrement savoureux, un film sur la nature humaine et ses pulsions violentes. Un film sur la guerre intérieure, Un film sur l'art et la manière de se retrouver en paix avec soi-même,.Ce realisateur est plus jeuune que moi. quel génie (Nourri des travaux de Joule et de Darwin ainsi que de la philosophie non violente de Gandhi). Un de mes films préférés. 4/4
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