Les parapluies de Cherbourg
Les parapluies de Cherbourg est le troisième film de Jacques Demy.
On se souvient qu'à la fin de Lola , la plupart des personnages principaux partaient pour Cherbourg, en particulier l'alter ego de Demy, Roland
Cassart, qu'on va retrouver dans les parapluies en diamantaire avisé. Il y a donc une continuité entre ces deux films, très joliment illustrée par un long travelling tournant dans le passage
Pommeraye déserté, en guise de flash back.
Demy voulait d'ailleurs tourner Les parapluies dès 1962, mais l'idée de financer un film ENTIEREMENT chanté, ce qui n'avait encore jamais été fait, inquiétait sérieusement les producteurs et le
montage du film a été plus long que prévu. Entre temps Demy a donc tourné La baie des anges.
Aujourd'hui encore c'est l'émorme pari esthétique que propose le film qui impressionne le plus. Tourner en 1962 un mélodrame avec uniquement des dialogues chantés, filmé en grande partie en
extérieur, il fallait vraiment oser. D'autant plus que Demy innove aussi au niveau des couleurs, particulièrement audacieuses. Il repeint les façades des maisons en couleurs vives, choisit des
papiers peints pour les intérieurs en fonction des robes des actrices, multiplie les contrastes rose/vert/rouge/orange/bleu.
L'histoire commence comme un gateau sucré et un peu indigeste, évolue vers un mélodrame doucereux, et finit par un dénouement sec comme un coup de trique.
C'est avant tout le film de la désillusion : l'amour n'est pas aussi fort qu'on peut l'espérer, et le temps arrive assez facilement à l'effriter. C'est aussi, en creux, un film très juste sur le
traumatisme de la guerre d'Algérie et ses conséquences. C'est enfin un remarquable exemple de symbiose dans une équipe de film (la musique de Michel Legrand évidemment essentielle, l'éclosion
d'une jeune Catherine Deneuve - 21 ans - sublime sous le regard d'un réalisateur très doué).
Demy manifeste à son troisième long métrage une maitrise assez incroyable, très à l'aise dans le placement de la caméra, se permettant même de faire regarder les actrices droit dans les yeux des
spectateurs à plusieurs reprises. Sa façon de conter des histoires particulièrement cruelles (le héros principal couche avec une pute au moment ou sa marraine qui l'a élevé meurt, il refuse de
saluer sa fille à la fin du film, etc..) dans une ambiance de conte de fée, est très représentatif du style Demy.
Si Christophe Honoré ou des films comme Jeanne et le garçon formidable existent aujourd'hui, c'est probablement grâce aux Parapluies.
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