Hunger
Attention chef d'oeuvre.
Le premier long métrage du vidéaste Steve Mc Queen est un coup de maître. On aurait pu craindre un objet expérimental pour public branchouillé, et c'est une vraie histoire qui nous est comptée ici. Celle de Bobby Sands, prisonnier politique de l'IRA qui est décédé suite à une grève de la faim, comme sept de ses camarades. Le film m'a appris beaucoup de chose sur cette période, que je ne connaissais pas (les menaces pesant sur les gardiens de prison, la grève de l'hygiène).
La force de la volonté de ces hommes et le pouvoir qu'ils se donnent sur leur propre corps sont hallucinants. La fermeté de Thatcher est d'une violence inouie et sa simple voix off donne des frissons. D'une certaine façon, on a du mal à admettre que ces évènements aient pu se passer chez nous, en Europe, il y a si peu de temps.
Mais le film dépasse le genre du film de prison, ou du film politique, pour visiter autre chose : la capacité qu'à une caméra à capter la réalité des sens et à la restituer aux spectateurs. Et là, c'est peut être la formation première de Steve McQueen qui joue à plein car la réussite est totale : on sent le flocon de neige se poser sur le visage, on entend ces cris furieux puis ces silences assourdissants, on inspire cette odeur de crasse et de pisse, on souffre du contact de la pommade sur les plaies, on inspire la fumée de cigarette.
Hunger est une réflexion sur le don de soi, sur la matérialité des choses, mais c'est également un objet cinématographique parfaitement conçu et réalisé. L'intérêt porté aux personnages secondaires (gardien de prison, long plan séquence magistral - 22 minutes ! - de la conversation avec le prêtre, jeune soldat terrorisé par les bastonnades) densifie le propos tout en le recentrant.
Du grand art. Et que dire de l'acteur, Michael Fassbender ? Au delà de la performance physique il donne à voir son âme.
Peut être le plus beau film de l'année, plastiquement, émotionnellement, intellectuellement.
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