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Christoblog

Journal de Cannes 2025

 

22 mai

Pour le dernier jour de cette année, on commence comme hier par une série de trois films en compétition. The history of sound (2/5) du Sud-Africain Oliver Hermanus, est un exercice de style propret, pas désagréable, mais qu'on oublie instantanément. Il s'agit d'une romance gay dans les années 1910/1920, avec de très belles images qui sentent un peu la naphtaline, et une sous-écriture des personnages qui oblige Paul Mescal et Josh O'Connor à d'impossibles contorsions pour exprimer quelques émotions. 

Valeur sentimentale (3/5) de Joachim Trier, a été très bien accueilli sur la Croisette. On y retrouve Renate Reinsve pour, en quelque sorte, ajouter quelques chapitres de plus à Julie en douze chapitres, sur un mode bergmanien cette fois-ci.  Je suis pour ma part un peu réservé : le film est certes très bien réalisé, mais j'ai trouvé qu'il peinait à générer véritablement de l'émotion, peut-être du fait de son côté très "entre-soi". L'intrigue met en effet en scène un réalisateur odieux et sa fille actrice de théâtre. Woman and child (5/5), de l'Iranien Saeed Roustayi, présente les mêmes qualités que son film précédent, Leila et ses frères. Cette histoire aux ramifications foisonnantes nous amènent à de terribles dilemmes moraux, comme d'habitude dans le cinéma iranien. Pour moi un prétendant au Palmarès, avec une réalisation au cordeau.

Pour finir, je glisse en salle Bazin pour une dernière séance d'Un Certain Regard. Homebound (3/5) de l'Indien Neeraj Ghaywan est une très jolie chronique à la Dickens, racontant la destinée d'un couple de jeunes amis musulmans issus d'une basse caste, tentant difficilement de s'élever socialement. C'est fort bien réalisé et le film présente un tableau saisissant de l'Inde en période Covid.

C'est tout pour cette année !

 

21 mai

Trois films en compétition à la suite pour commencer. Fuori (4/5) de l'Italien Mario Martone met en scène quelques souvenirs de l'écrivaine Goliarda Sapienza. Il ne s'agit pas d'un biopic de l'auteure du livre culte L'art de la joie, mais plutôt d'une chronique d'une sororité carcérale, filmée avec beaucoup de tact, dans une ambiance jazzy. J'ai beaucoup aimé ce film qui ne raconte rien, mais le fait avec talent.

Un simple accident (5/5) s'impose ensuite comme un prétendant naturel à la récompense suprême. Jafar Panahi signe ici certainement son chef-d'oeuvre : dilemme moral mi-thriller mi farce tragi-comique, il propose ici un film aimable en tout point. Le cinéma iranien, a qui la Palme a échappé de peu l'année dernière (pour Les graines du figuier sauvage), trouve ici une occasion rêvée d'accéder à une reconnaissance mondiale.

Romería (3/5), de la Catalane Carla Simon, présente dans la salle avec un beau ventre extrêmement rebondi annonçant un heureux évènement, est un joli film plein de poésie sur une thématique assez proche du film de Julia Decournau : les morts du Sida dans les années 80, et l'ostracisme dont ils furent les victimes. C'est sensible, avec un beau passage onirique, mais dramaturgiquement un peu léger. Il faudra suivre cette réalisatrice dans la durée. 

La révélation de la journée, et peut-être du Festival tout entier, c'est un nouvel acteur (Théodore Pellerin) et une nouvelle réalisatrice (Pauline Loquès), qui proposent ensemble un premier film remarquable, Nino (5/5), errance parisienne d'une jeune homme qui vient d'apprendre qu'il est atteint d'un cancer. Le film est d'une beauté et d'une douceur à couper le souffle. A ne pas rater, quand il sortira.

 

20 mai

Début de matinée avec le nouvel Wes Anderson, The phoenician scheme (3/5), plus vivant que les dernières productions de l'Américain. Le film ressemble moins à une recette désincarnée qu'Asteroide City ou The french dispatch, introduit quelques émotions bienvenues et des effets plutôt réjouissants. Un bon cru.

Splitsville (2/5) de Michael Angelo Corvino (dont j'avais aimé The climb) déçoit. Il s'agit d'une histoire de couples "libres", qui bien sûr vont se rendre compte que la jalousie existe encore, malgré les bonnes résolutions. Un marivaudage inconséquent et qui semble d'une autre époque, comme du Woody Allen de nouveaux riches. Once upon a time in Gaza (3/5) est une fiction des frères Nasser qui se situe dans le Gaza des années 90 : une fable morale mi-chronique sociale mi-film noir, qui m'a plutôt convaincu (de justesse), malgré l'extrême légèreté de son scénario. 

Retour à la compétition pour deux gros morceaux. Avec Les aigles de la République (4/5), Tarik Saleh conclut sa trilogie sur Le Caire d'une très belle façon. Ce thriller palpitant décrit le pacte faustien d'un célèbre acteur, qui a accepté de jouer le général Al-Sissi dans une production du régime. Entre drame et comédie, cette production à grand spectacle m'a ravi. Ce n'est malheureusement pas le cas d'Alpha (2/5) le nouveau film de Julia Ducourneau, que beaucoup considèrent sur la Croisette comme un accident industriel (il obtient la plus mauvaise note du classement journalier de Screen International, sorte de baromètre de la critique mondiale). Il y a peu d'idées nouvelles dans ce film, et elles sont toutes ratées. Seule à mon sens la prestation de Tahar Rahim, hallucinée et hallucinante, sauve le film d'un naufrage total.

 

19 mai

Deux comédies romantiques complètement dissemblables pour commencer la journée. Amour apocalypse (3/5) met en scène la romance d'un quadragénaire éco-anxieux francophone et d'une mère de famille standardiste anglophone au Québec. Le film d'Anne Emond est drôle et sympa comme tout à regarder. L'acteur Patrick Hivon, vu chez Dolan et Monia Choukri, est formidable. Changement absolu de décors avec Pillion (3/5), film britannique qui nous donne à voir une romance dans le milieu des bikers gays adeptes de pratiques BDSM... avec des scènes sexuelles assez crues qui ont fait sortir une partie de la salle. L'histoire est originale et je crois que c'est la première fois que je vois une relation sado-maso "épanouie" montrée ainsi au cinéma.

Intermède Un certain regard avec le premier film nigérian présenté à Cannes, My father's shadow (2/5), qui a pour thème le voyage d'un père et de ses enfants à Lagos, en 1993, pendant les émeutes qui secouèrent le pays. Je n'ai pas trop aimé le film qui est réalisé avec des tics auteuristes du cinéma européen. Pour dire la vérité, j'ai un peu dormi : c'est le coup de fatigue de milieu de Festival. Un petit repos bien mérité puisque m'attendait ensuite les 2h40 d'un des gros morceau de la compétition, L'agent secret (4/5) de Kleber Mendonça Filho. On tient là un film important, bien écrit, joué et réalisé, qui décrit avec brio les années 70 au Brésil et son lot de corruptions et magouilles. Le film regorge de thèmes, et sa partie finale est brillante. Il est toutefois à mon avis un peu trop long, même si finalement le temps ressenti n'est pas du tout de 2h40. Un candidat évident au Palmarès même si pour ma part j'ai préféré les audaces de Sirat et la concision sèche d'Un simple accident.

La journée marathon s'achève plaisamment avec La femme la plus riche du monde (3/5) de Thierry Klifa, inspirée de l'affaire Bettancourt avec une Isabelle Huppert parfaite et un Laurent Lafitte au top en goujat pique-assiette. Un film-champagne instructif et plus profond qu'il n'y paraît. 

 

18 mai

La début de journée commence, une fois n'est pas coutume, par une comédie qui se fait plier la salle entière de rire. Baise-en-ville (4/5) de Martin Jauvat (qui s'est fait connaître avec la série Parlement) est une fantaisie douce et tordante, qui révèle le talent comique d'Emmanuelle Bercot, irrésistible. C'est acidulé, touchant, et gentiment amusant. 

Le retour à la compétition est rude. Die, my love (1/5) de la britannique Lynn Ramsay est complètement raté. Jennifer Lawrence joue avec conviction une femme en pleine dépression post-partum, mais elle est desservie par un scénario indigent, des idées de mises scènes tape-à-l'oeil et une bande-son agressive. Le film ne raconte rien, et le fait mal. Changement total de ton une nouvelle fois au Cineum, où je découvre L'inconnu de la Grande Arche (3/5), de Stéphane Dumoustier, qui nous raconte comment Johan Otto von Spreckelsen a conçu et construit la Grande Arche de la Défense. Après The brutalist, un nouvel exemple qui prouve que l'architecture peut donner au cinéma de très beaux sujets. Le film bénéfice d'une distribution parfaite (un étonnant Xavier Dolan en fonctionnaire radin, Swan Arlaud et Claes Bang). Il est très plaisant.

Fin de journée à Debussy pour le nouveau film de Hlynur Palmason, L'amour qu'il nous reste (4/5). Cette chronique familiale d'un couple qui se défait et de leur trois enfants est merveilleusement tendre, sensible et inventive. On rit, on s'extasie devant la magnifique nature islandaise, on est touché par cette famille où tous sont intéressants. L'Islandais n'a pas son pareil pour décortiquer les sentiments et les relations avec une finesse rare, et une fantaisie nouvelle qu'on ne lui connaissait pas. C'est un très beau film, qui aurait mérité à mon avis d'être en compétition.

 

17 mai

Aujourd'hui retour à la compétition avec quatre films enchaînés dans le GTL. On commence la journée avec Eddington (2/5), qui a été plutôt mal reçu par la Croisette. Ari Aster compile tous les grands enjeux qui traversent l'Amérique aujourd'hui, du complotisme à Black Lives Matter en se moquant de toutes. De ce jeu de massacre idéologique qui se termine dans un feu d'artifice de violence gore, on ne sait trop ce qu'il faut retenir. 

La petite dernière (3/5) confirme le talent d'Hafsia Herzi qui signe ici un film délicat sur le sujet d'être d'une musulmane lesbienne en banlieue. Le film, tiré de l'auto-fiction de Fatima Daas, est une sorte de Vie d'Adèle, sans le male gaze de Kechiche. Rien de bien original, mais une belle sensibilité. Renoir (2/5), de la Japonaise Chie Hayakawa est l'un des films les plus faibles de la compétition pour l'instant. Il s'agit du tableau impressionniste d'une petite fille qui perd son père dans le Japon des années 80. Sensible, mais un peu décousu et pour tout dire, ennuyeux.

Montée des marches en soirée pour le formidable Nouvelle vague (5/5) de Richard Linklater, qui raconte le tournage d'A bout de souffle. D'une facture très classique, tourné en noir et blanc, le film est un délice qui fait revivre cette époque et permettra certainement à beaucoup de comprendre parfaitement en quoi Godard était génial. Et en plus c'est très, très drôle. Tarantino et Lelouch, dans la salle, félicite chaudement Linklater.

 

16 mai

Grosse journée à cinq films aujourd'hui. Je l'avais laissée hier soir médecin, je retrouve Léa Drucker dans le nouveau film de Dominik Moll Dossier 137 (3/5), dans lequel elle joue un rôle très similaire de justicière du service public, en policier de l'IGPN. Le film est didactique, il documente de façon la plus objective possible le cas d'un blessé par flash-ball pendant les manifs de gilets jaunes. C'est efficace, mais pas sans lourdeur.

J'enchaîne avec le très beau Amrum (4/5) de l'Allemand Fatih Akin. Pour résumer, il s'agit du coming of age d'une jeune garçon très sympathique, par ailleurs membre des jeunesses hitlériennes, entre la mort d'Hitler et la capitulation de l'Allemagne. Amrum est prenant, instructif et sa photographie touche au sublime : une réussite. On se demande pourquoi le film n'est pas en compétition.

Deux déceptions ensuite. A pale view of hills (2/5), de Kei Ishikawa (dont j'avais beaucoup aimé A man) illustre d'une façon un peu trop sage le premier roman d'Ishiguro, en essayant d'en copier la structure cotonneuse et allusive, mais cela s'avère presque impossible au cinéma. Le film est beau à regarder, et pas inintéressant, mais trop brumeux pour que le spectateur y adhère vraiment. Le film d'animation de la Quinzaine, La mort n'existe pas (1/5) du Québécois Félix Dufour-Laperrière est une catastrophe : je n'ai rien compris à cette histoire de jeunes terroristes révolutionnaires qui veulent assassiner du bourgeois, perdus dans une forêt onirique où on dépèce des lapins. Et l'animation est affreuse.

Retour à la compétition pour Sirat (5/5) de l'espagnol Oliver Laxe, un premier prétendant sérieux à la récompense suprême. Sergi Lopez recherche sa fille dans le Sud marocain, en compagnie d'un petit groupe de ravers. Pas possible d'en dire beaucoup plus sans risquer de déflorer le film, un des plus prenants que j'ai vu ces dernières années, véritable voyage au propre comme au figuré, qui tient le spectateur en haleine de bout en bout.

 

15 mai

Au petit matin, je profite des conditions de projection exceptionnelles du Grand Théâtre Lumière pour voir Mission impossible : The final reckoning (2/5). Je trouve cet opus bien moins réussi que le précédent. Autant MI7 était rythmé et joyeusement spectaculaire, autant MI8 est lourdingue et poussif. Le film, qui dure 2h49, ne commence pour moi vraiment qu'au bout d'une heure trente. Deux scènes d'action pures (sous-marin et avion) méritent toutefois qu'on voie le film.

Retour à la compétition avec Deux procureurs (3/5) de l'Ukrainien Sergei Loznitsa, habitué de la compétition, et souvent récompensé. Le film est assez dur (il conte les déboires d'un jeune procureur idéaliste dans le contexte des purges staliniennes), mais formellement très beau. On peut voir le film comme un Wes Anderson kafkaïen, qui aurait abandonné tout fantaisie au profit d'une sobriété cruelle et glaciale. 

Le moment de plaisir vient ensuite, avec le rattrapage du film d'ouverture. J'ai adoré Partir un jour (5/5), pour moi le meilleur film d'ouverture à Cannes depuis des années, parfaite comédie sociale, mêlant émotion et rire, sujets du moment et interrogations éternelles. L'aspect comédie musicale est accessoire : comme un exhausteur de goût, les chansons ne servent qu'à pimenter l'ensemble.  Fin de journée un peu difficile avec L'intérêt d'Adam (2/5) de la Belge Laura Wandel, qui avait impressionné avec son premier film sur le harcèlement scolaire, Un monde. Le problème de celui-ci est que ses deux personnages principaux prennent mauvaise décisions sur mauvaises décisions, sans que l'on comprenne pourquoi. C'est frustrant. Et le procédé caméra à l'épaule / longs plans-séquences a été trop souvent vu pour sauver l'affaire. C'est raté.

 

14 mai

Comme j'en ai pris l'habitude depuis quelques années, le Festival commence pour moi avec le film d'ouverture de La Quinzaine des Cinéastes, dans la salle Croisette. Enzo (2/5) est le film que préparait Laurent Cantet quand il est décédé, et qu'a terminé son ami Robin Campillo. Le résultat est hybride du cinéma des deux compères (propos politique et coming of age gay), sans que le spectateur y trouve vraiment son compte, tant les intentions l'emportent sur l'incarnation. Malgré du lourd au niveau casting (Elodie Bouchez et Pierfrancesco Favino) je suis donc resté au bord du chemin.

Première montée des marches et premier film en compétition avec le très attendu Sound of falling (4/5) de l'Allemande Mascha Shilinski. Ce deuxième film est d'une ambition folle : il dresse pendant 2h29 les (tristes) portraits de femmes ayant vécu au fil des décennies dans une même ferme d'Allemagne de l'Est. C'est d'une qualité technique ahurissante, ça déborde d'idées de mise en scène et de scénario, mais c'est un poil trop complexe pour aller chercher la note maximale. Le film est difficile d'accès et certains le trouveront funèbre et froid.

Je glisse en début de soirée salle Debussy pour l'ouverture d'Un certain regard. Promis le ciel (3/5) de la franco-tunisienne Erige Sehiri, dont on avait découvert le premier film Sous les figues à la Quinzaine en 2022. Le film décrit le sort des immigrées sub-sahariennes en Tunisie à travers trois femmes très différentes. La belle photographie, la spontanéité réjouissante du casting en partie non-professionnel et la subtilité du propos rendent Promis le ciel agréable à suivre. L'équipe du film est aux anges, et Camelia Jordana est dans le public.

 

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T
Merci Christophe pour ces critiques perspicaces et essentielles.<br /> Vous avez eu de la chance de voir autant de films en compétition. J'en ai raté quelques uns sur mon séjour et attendrai la séance de rattrapage aux dates de sortie nationale.<br /> Chapeau au cinéma Iranien, qui mérite largement sa palme et " mères et enfants" est très réussi aussi.<br /> Personnellement, j'ai été émotionnellement emportée par " history of the sound" . Et bouleversée par " la petite dernière" et "jeunes mères ", " fuori" par le duo d actrices et la sororité qui en ressort.
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