Much loved
En calant sa caméra au plus près de quatre prostituées marocaines, Nabil Ayouch n'a pas choisi la facilité : il savait probablement qu'il allait s'attirer les foudres de certains intégristes, sûrement pas que son film allait être interdit au Maroc et qu'il allait être attaqué en justice par des associations...
La société traditionnelle marocaine refuse de regarder en face le phénomène de la prostitution, qui crève pourtant les yeux, et préfère donc l'hypocrisie : il faut dire que le miroir tendu par Ayouch est d'une netteté fulgurante.
Du projet initial de documentaire, le film garde une sorte de naturalisme puissant qui emporte l'adhésion, porté par des actrices non-professionnelles (à l'exception de l'excellente Loubna Abidar). Il ne se passe pas grand-chose dans le film en terme de dramaturgie. On s'attend constamment au pire, mais l'hypothèse du naufrage ou de la catastrophe est balayée par la force magistrale que génèrent ces quatre magnifiques femmes : tout l'intérêt de Much loved est dans ce portrait.
Nabil Ayouch dessine un tableau à la fois tendre et sans concession d'un milieu où le terrifiant (les hommes en général, les policiers et les saoudiens en particulier) cotoie le généreux (les travestis, Saïd). Il faut toute l'attention du réalisateur aux menus détails du quotidien pour tranfigurer une existence misérable en promesse d'avenir : trajets en voiture filmés comme dans un rêve (beau travail sur le son), gros plans empathiques sur les visages ou les corps, scènes de colère ou d'exaltation.
Jamais voyeur, parfois brutal, Much loved donne à voir l'énergie féminine comme peu de films savent le faire.
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