La vie moderne
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La vie moderne est un documentaire qui pourrait paraître minimaliste : des routes, des entretiens plein cadre, et quelques vignettes de vie paysanne en plan fixe.
Au début, la caméra est comme rivée au véhicule qui progresse au son de la musique de Fauré sur cette toute petite route lozérienne.
Elle balaye un paysage magnifique, s'approche de la ferme. Dans les virages elle filme ce qu'elle a devant elle, et non pas ce que nous penserions utile qu'elle filme (les brebis, la ferme). Ce premier plan, qui nous fait entrer dans un monde inconnu avec pudeur (la caméra ne s'impose pas, elle est faussement passive) et douceur (la route descend lentement dans une profonde vallée), est magistral.
Les premières interviews sont elles aussi exceptionnelles, par exemple la longue séquence ou les deux frères (Marcel et Raymond) exposent leur deux personnalités si différentes. Ce qui est frappant chez les personne(age)s que donne à voir Depardon c'est leur extrême économie de parole, le monde de la campagne n'est pas un monde où l'on gaspille inutilement. L'autre trait marquant est la qualité des personnages féminins, vives, enthousiastes, plus subtiles que les hommes, quelque soit leur age et leur éducation.
Les émotions sont brutes et intenses, non dissimulées, et Depardon par son art des questions et des silences arrivent à tirer le meilleur de chacun. Les yeux ont une expressivité rare, les visages sont superbement filmés.
Par moment le film est zébré d'un éclair de burlesque digne des meilleures gag de comédies (une casquette s'envole, un chien mord) et dans ces moments là toute la salle éclate de rire. A d'autre moment l'émotion est tellement intense que les larmes viennent naturellement aux yeux (la mort de la vache, l'émotion de celui qui raconte qu'il a vendu les deux dernières).
Les paysages, les quelques scènes volées à la vie quotidiennes sont superbes, et ponctuent le film en l'ancrant dans le réel. Clair obscur pendant la traite des vaches, fermetures des portes au coucher du soleil, orage éclatant dans la vallée.
Le fil du temps est amoureusement tressé tout au long du film, à la fois par les saisons, les années, et les routes qui défilent ... jusqu'au dernier plan, contrepoint sublime du premier.
Un très grand moment qui marque pour longtemps.
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