Gangs of Wasseypur
Parmi les expériences extrêmes de mon séjour à Cannes en 2012 (voir 5 films dans une journée, assister à la projection du dernier Miike de 0h30 à 3h du matin, voir des films à 8h30, aller au Cinéma de la Plage les doigts de pied dans le sable), les 6h de projection - avec entracte - du film indien Gangs of Wasseypur tient une place de choix.
Dans la file d’attente de la Quinzaine, je regarde avec circonspection mes coreligionnaires : ces gens sont-ils donc tous fous pour s’enfermer toute une après-midi au sous-sol de l’hôtel Mariott à regarder une sorte de Parrain indien, dont on ne sait rien ? Il semble bien que oui, même si ma voisine de file d’attente, une sympathique dame cannoise (c’est la première autochtone que je rencontre …) m’informe de sa stratégie : regarder la première partie de 2h40 le jour même, puis la seconde partie de 2h40 deux jours plus tard.
Toujours durant l’attente, l’équipe du film nous distribue de jolis foulards indiens rouges, frappés au titre du film, ainsi qu’un arbre généalogique des personnages, sur une feuille A4 photocopiée. Damned, ce volumineux éventail de plusieurs dizaines de personnages représentant 4 générations nous inquiète plus qu’il ne nous rassure.
Dans la salle, l’équipe du film, également pléthorique, occupe plusieurs rangs. Ils rigolent tous, visiblement ravis d’être à Cannes, et les filles sont habillées comme des princesses indiennes.
La projection commence enfin, avec un premier plan d’une redoutable efficacité : une scène bollywoodienne, qui s’avère être un leurre, issue d’une télé qui est subitement mitraillée sauvagement. S’en suit l’assaut pétaradant d’un immeuble dans lequel un parrain a trouvé refuge.
Suit un long flash-back de plusieurs heures retraçant la guerre de deux clans pour le contrôle des activités criminelles dans une région de l’Inde. Tard dans le film, on revivra cette introduction sous un autre angle, filmée avec la même efficacité.
A l’image de cet élément de scénario, le film est rudement malin, par moment extrêmement attachant, même si sur une telle durée on ne peut nier quelques passages un peu plus faibles.
S’il ne comporte aucun élément chanté proprement dit, le film présente par moment quelques relents bollywoodiens (tous les grands évènements familiaux du type mariage ou funérailles sont accompagnés par un incroyable chanteur payé par la famille) qui donne au film un caractère vif, coloré et plaisant. Les personnages ne sont pas binaires, les gentils s’avérant parfois plutôt méchants, et réciproquement. Ils sont sacrément attachants et on suit les péripéties de ces familles avec plaisir, dans une ambiance de violence larvée qui n’est pas sans rappeler d’illustres modèles : Scorsese, Coppola et Sergio Leone en particulier.
La belle découverte d’un cinéma indien mainstream, ambitieux et grand public à la fois.
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