Passion
C'est à la fois très étrange et passionnant de découvrir aujourd'hui le premier film de Ryusuke Hamaguchi, après avoir fait la connaissance du jeune japonais à travers son oeuvre fleuve Senses, suivi très rapidement par le modeste Asako I&II.
Il y a dans Passion tous les ingrédients du monde d'Hamaguchi : des nuits qui n'en finissent pas, des dialogues interminables d'une violence parfois sidérante, et qui n'ont parfois que peu de rapports avec l'action, des effets de mise en scène surprenants dans un océan de banalité, des personnages de femmes incroyablement fortes et peu politiquement correctes.
Dans ce film, techniquement moins bien finalisé que les suivants (des images sont un peu sales, le cadre flotte parfois), les intentions du réalisateur sont plus franches et plus violentes que dans Senses et surtout que dans Asako. On est ici dans une sorte de vaudeville cassaveto-rohmérien à la sauce nippone, scandé par des comportements étonnants (le personnage joué par Fusako Urabe, clairement portée sur le sexe) et des moments surréalistes (le discours de l'institutrice, le jeu action vérité). Certaines scènes sont sublimes, à l'image de ce plan au lever du soleil, lors duquel les deux personnages entrent très progressivement dans le champ.
Du point de vue du rythme et de l'intensité du scénario, Passion est sûrement le film le plus accessible d'Hamaguchi, et le plus immédiatement plaisant.