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Christoblog

Articles avec #raymond depardon

12 jours

Avant 12 jours, une personne hospitalisée dans un hôpital psychiatrique sans son consentement doit voir un juge, qui décidera ou non de la maintenir internée.

Ce sont ces confrontations entre malade et juge que Depardon décide de montrer, simplement filmées en champ / contrechamp, et juste entrecoupées par des plans de coupe plus ou moins convaincants (des paysages brumeux, des couloirs d'hôpital).

Le dispositif, assez peu original quand on connaît le cinéma de Depardon, est toutefois efficace. Peu importe quelle décision prend le juge (il confirme toujours, sauf dans une situation, l'enfermement), on est souvent interloqués par les expressions des malades, dont certains sont très, très impressionnants.

L'intérêt du film réside donc exclusivement dans cette façon dont il malaxe la pâte humaine et donne à voir des destinées personnelles parfois terrifiantes (la dame qui rêve de se suicider, celui qui a tué son père, la salariée d'Orange). Cette densité est particulièrement palpable quand le visage des malades sont à l'écran. Quand la caméra s'attarde sur les juges, l'intensité chute d'un cran, même si on se prend parfois à les interclasser dans l'ordre de nos préférences, tout à fait subjectives.

Un film solide, mais pas le meilleur Depardon à mon sens.

 

2e

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Les habitants

Le dernier film du génial Raymond Depardon repose sur un dispositif à la fois modeste et génial.

Depardon se promène en France avec une vieille caravane, et invite les quidams rencontrés dans la rue à poursuivre leur conversation dans la caravane.

Le résultat est émouvant et glaçant. 

On est d'abord extrêmement surpris de la profondeur des conversations. Bien sûr, Depardon a probablement éliminé toutes les conversations insignifiantes au montage, mais ce qui reste dresse un tableau à la fois complet et impitoyable de la condition humaine : appréhension de s'engager dans la vie d'adulte, incommunicabilité entre les êtres, espoirs et déceptions...

Si les relations d'amitiés ou parents/enfants sont assez touchantes dans le film, on ne peut être qu'attérés par ce que les différentes conversations donnent à voir des relations hommes/femmes dans la France d'aujourd'hui : divorce, violences conjugales, femmes abaissées au rang d'objet sexuel (la terrible conversation des deux potes de banlieue), incompréhension mutuelle (le couple dans lequel la femme ne supporte pas de dormir avec un homme), légèreté coupable du garçon qui ne veut plus de sa copine si elle veut garder son bébé ("elle n'a même pas le permis").

Edifiant, le film de Depardon ne nous encourage pas à être optimiste quant à l'humanité. Au final, si on excepte le premier couple et dans une moindre mesure le dernier, le tableau présenté est surtout empreint de solitude, d'espoirs incertains et de craintes réelles.

Raymond Depardon sur Christoblog : La vie moderne (****) / Journal de France (**)

 

3e  

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Journal de France

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Janvier est aussi le mois durant lequel on visionne quelques films en séance de rattrapage de l'année précédente.

Hier soir, par le biais de l'opération Cinetrafic, j'ai eu la chance de renouer avec ce cinéaste / photographe / reporter de génie qu'est Raymond Depardon.

Journal de France est co-signé par Depardon et sa compagne, Claudine Nougaret. Il nous montre en un montage parallèle d'une part les pérégrinations du photographe dans la France profonde pour la réalisation de son expo à la BNF, et d'autre part des chutes de ses travaux précédents, ce qui permet de revisiter en accéléré toute la carrière du maître.

Les deux parties présentent un intérêt.

Celle qui suit Depardon en France est tranquille, sereine. Elle fait ressentir presque physiquement le talent très particulier du photographe qui réside à la fois dans l'obstination maniaque et l'acuité du regard. Accessoirement elle donne à voir quelques unes des magnifiques photos de l'exposition. J'ai presque regretté que cette partie ne laisse pas plus Depardon s'exprimer...

La partie qui révèle les archives est très inégale. Parfois quelconque, elle devient extrêmement intéressante quans elle présente des images rares et prenantes (les mercenaires en Afrique par exemple). Pour les néophytes, elle constitue une excellente introduction à l'univers de Depardon en donnant à voir l'essence de son travail dans les tribunaux, les asiles psychiatriques (intense scène à Paris), et dans le Sahara. Les images de Claudine Nougaret filmée avec amour par Depardon sont aussi superbes.

Parfois surgissent dans le film des moments d'une belle intensité poétique : j'ai adoré le montage qui montre dans la continuité des quidams filmés dans plusieurs villes différentes du monde.

Journal de France prouve parfaitement à quel point Depardon est artiste jusqu'au bout des ongles, et on aurait envie que la promenade en sa compagnie ne s'arrête jamais...

Raymond Depardon sur Christoblog : La vie moderne (****)

2e

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La vie moderne

La vie moderne est un documentaire qui pourrait paraître minimaliste : des routes, des entretiens plein cadre, et quelques vignettes de vie paysanne en plan fixe.

Au début, la caméra est comme rivée au véhicule qui progresse au son de la musique de Fauré sur cette toute petite route lozérienne.

Elle balaye un paysage magnifique, s'approche de la ferme. Dans les virages elle filme ce qu'elle a devant elle, et non pas ce que nous penserions utile qu'elle filme (les brebis, la ferme). Ce premier plan, qui nous fait entrer dans un monde inconnu avec pudeur (la caméra ne s'impose pas, elle est faussement passive) et douceur (la route descend lentement dans une profonde vallée), est magistral.

Les premières interviews sont elles aussi exceptionnelles, par exemple la longue séquence ou les deux frères (Marcel et Raymond) exposent leur deux personnalités si différentes. Ce qui est frappant chez les personne(age)s que donne à voir Depardon c'est leur extrême économie de parole, le monde de la campagne n'est pas un monde où l'on gaspille inutilement. L'autre trait marquant est la qualité des personnages féminins, vives, enthousiastes, plus subtiles que les hommes, quelque soit leur age et leur éducation.

Les émotions sont brutes et intenses, non dissimulées, et Depardon par son art des questions et des silences arrivent à tirer le meilleur de chacun. Les yeux ont une expressivité rare, les visages sont superbement filmés.

Par moment le film est zébré d'un éclair de burlesque digne des meilleures gag de comédies (une casquette s'envole, un chien mord) et dans ces moments là toute la salle éclate de rire. A d'autre moment l'émotion est tellement intense que les larmes viennent naturellement aux yeux (la mort de la vache, l'émotion de celui qui raconte qu'il a vendu les deux dernières).

Les paysages, les quelques scènes volées à la vie quotidiennes sont superbes, et ponctuent le film en l'ancrant dans le réel. Clair obscur pendant la traite des vaches, fermetures des portes au coucher du soleil, orage éclatant dans la vallée.

Le fil du temps est amoureusement tressé tout au long du film, à la fois par les saisons, les années, et les routes qui défilent ... jusqu'au dernier plan, contrepoint sublime du premier.

Un très grand moment qui marque pour longtemps.

 

4e

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