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Christoblog

Articles avec #pologne

EO

1h29 de décalage permanent, au service d'une exploration poétique, sensorielle et cruelle de la condition humaine et animale : voici le nouveau projet du fantasque Skolimowski.

On croit suivre un âne, mais c'est plutôt les différentes variantes de l'être humain que nous allons découvrir, comme si l'animal était l'oeil de Dieu. Et ce n'est pas très joli : cruauté gratuite, égoïsme, inconséquence, stupidité, futilité pour bien peu de compassion.  

Côté animal et nature, le film propose quelques images saisissantes, qui forcent l'admiration et font sentir la majesté du monde non humain. Je pense par exemple à cette balade de nuit dans une forêt diablement inquiétante, ou au paysage de la cascade et du pont. Les images et le design sonore font de EO une oeuvre souvent sublime.

Les parti-pris de mise en scène sont radicaux et fonctionnent à la perfection. Il y a une brillante idée de cinéma toutes les 3 minutes. EO (Hi Han en anglais...) est court, dense et parfaitement rythmé. Surprenant, atrocement drôle et parfaitement maîtrisé : un des meilleurs films de l'année, sans aucun doute, qui se finit sur une scène poignante. 

Jerzy Skolimowski sur Christoblog : Deep end - 1970 (****) / Essential killing - 2010 (**) / 11 minutes - 2017 (**)

 

3e

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La communion

La communion offre pratiquement tout ce qu'on peut attendre du cinéma : une histoire intéressante, une interprétation inspirée y compris chez les seconds rôles, une mise en scène qui sert son sujet tout en étant inventive.

J'ai été littéralement bluffé par la qualité d'écriture du film : un scénario qui nous entraîne dans des méandres inattendus, un découpage très efficace, un rythme enlevé. Jan Komasa parvient à nous faire éprouver une gamme de sentiments très différents, qui va de la peur à la sidération, de l'amusement à l'émotion esthétique. Quand le cinéma parvient à un tel degré de maîtrise dans toutes ses composantes, il me procure une sorte de jouissance permanente.

Difficile de ne pas évoquer dans cette débauche de compliments le regard tour à tour dur, tendre et halluciné de Bartosz Bielena. A ce titre, la dernière scène du film constitue un climax impressionnant, qui s'impose déjà comme un des grands moments de l'année cinéma.

A ne rater sous aucun prétexte : le meilleur film de 2020 à ce jour.

 

4e

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Cold war

Le film précédent de Pawel Pawlikowski, Ida, m'avait déplu par son formalisme excessif, qui tuait les émotions. Cold war me réconcilie de ce point de vue avec le cinéaste polonais : la caméra est plus agile, les superbes effets de style sont beaucoup plus au service de la narration.

Après une entame austère et très belle, le film nous entraîne dans une balade désabusée sillonnant l'Europe de la guerre froide. L'histoire d'amour contrariée de Wiktor et Zula, qui parcourt joliment les décennies, est empreinte d'une triste nostalgie. La brièveté du film (1h27) contraste avec l'ampleur du récit. Pawlikowski s'oblige à la concision et parfois même à l'ellipse euphémistique : c'est souvent très réussi (comme par exemple lors de la scène de concert, lorsque Zula reconnaît Wiktor dans le public). 

Les deux acteurs principaux sont sublimes, et la façon dont le temps transforme leur visage est très émouvante. Joanna Kulig, en particulier, irradie littéralement. Sa force de caractère et ses dérèglements la rendent magnétique à l'écran. On n'oubliera pas de sitôt certaines de ses répliques ("Mon père m'a confondu avec ma mère, le couteau lui a expliqué la différence") jusqu'à la toute dernière scène, magnifique ("Tu es plus lourd que moi, prends-en plus"). 

Cold war a obtenu prix de la mise en scène au Festival de Cannes 2018, et c'est mérité.

Pawel Pawlikowski sur Christoblog : Ida - 2013 (*)

 

4e 

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11 minutes

A la fois brillant et vain, le dernier film de Jerzy Skolimowski ne laissera pas indifférent.

L'idée est intellectuellement plaisante, mais comprend en elle-même ses propres limites : il s'agit de suivre les trajectoires de plusieurs personnages pendant 11 minutes de leur vie, 11 minutes qui conduisent on s'en doutera vite à un drame, dont la plupart ne sortiront pas indemnes.

Le principal intérêt du film - et à la réflexion, le seul - réside dans l'incroyable virtuosité dont fait preuve Skolimowski. Les mouvements de caméra sont amples et souples, la lumière magnifiquement travaillée, la bande-son profondément originale et le film regorge d'idées brillantes, bien que tout à fait inutiles au regard de la narration (comme par exemple une caméra subjective qui reflète le point de vue d'un chien).

Le film est parsemé d'éléments plus ou moins fantastiques qui nous embrouillent complètement (des oiseaux traversent les vitres, certains voient une tâche dans le ciel, un homme parle bizarrement dans une télévision qui s'allume toute seule) et qui n'apportent pas grand-chose au film, ce dernier baignant déjà sans ces éléments dans une atmosphère bien étrange. En effet, les personnages ne sont pas des quidams, ils font tous plus ou moins des trucs border line : traffic de drogue, porno, vol, prison, pédérastie, etc.

J'ai finalement plutôt aimé me laisser prendre par la main dans ce monde bizarre et envoutant, me demandant où le cinéaste allait m'emmener, et constatant finalement qu'il ne le savait pas probablement lui-même. Curieusement, le fait de couper en tranches les existences de ses personnages fait apparaître ce film très court (1h21) beaucoup plus long qu'il n'est.

A conseiller aux aventuriers de l'écran ou/et à ceux qui suivent le réalisateur polonais depuis le début de sa carrière.

Jerzy Skolimowski sur Christoblog  : Deep end - 1970 (****) / Essential killing - 2010 (**)

 

2e

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Imagine

En cette amorce de réveillon, c'est le moment de parler d'un film qu'aucun de mes lecteurs n'a vu (si je me trompe, laissez moi un commentaire).

Imagine est le troisième film d'un réalisateur polonais prometteur : Andrzej Jakimowski (son deuxième film, Un conte d'été polonais, a remporté plus de trente prix dans différents festivals).

L'action se passe dans un monastère lisboète qui accueille des enfants aveugles. Un nouveau professeur arrive, non-voyant lui aussi, et utilise des pratiques pour le moins iconoclastes : il encourage les enfants à prendre des risques, à utiliser tous leurs sens et lui-même marche sans canne, au risque de se blesser.

Bien sûr, on voit tout de suite dans quelle veine poourrait se contenter de loger le film : Cercle des poètes disparus en mode mal-voyant, apologie de la liberté et exaltation des sens. D'autant que le jeune professeur, fort mignon, se lie avec une jeune fille très jolie.

Là où le film surprend et excite notre intérêt, c'est quand il vire vers une direction plutôt inattendue : le jeune professeur est-il un charlatan ? Et en quoi la liberté apprise d'un charlatan serait moins précieuse qu'une autre ? 

Le film devient alors tortueux et captivant. 

On pourra être un peu décontenancé par l'image très propre, les lumières un peu artificielles (le film baigne dans une sorte de réalisme magique) et les choix de mise en scène très formels. Ce fut mon cas, avant que je comprenne les parti-pris audacieux du réalisateur, en particulier cette façon d'exploiter toutes les ressources du cadrage et de la bande-son pour nous faire ressentir les sensations des protagonistes.

Une curiosité à découvrir.

 

2e

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Ida

Il y a dans Ida une volonté de formalisme à outrance profondément désagréable. Le réalisateur Pawel Pawlikowski multiplie les effets de style : format carré (1,37:1 exactement), photographie en noir et blanc, éclairages très travaillés, succession de plans rigoureusement fixes d'une quinzaine de secondes (la caméra ne bouge pas une seule fois pendant le film).

Ces poses de styliste boulimique s'accumulent, jusqu'à devenir une signature perpétuelle qui mange tout le cadre, puis toute l'histoire, et enfin toutes les émotions. Par exemple, la manie de ne jamais cadrer les personnages au milieu de l'écran, mais toujours décentrés, et le plus souvent vers le bas, devient une afféterie un peu précieuse et disons-le, ridicule, lorsqu'elle conduit à couper les visages en deux.

Tout est tellement construit pour paraître joli (les intérieurs, les paysages, le soleil, la musique) que le film dans son ensemble paraît vain et comme engoncé dans sa propre carapace de naphtaline.

Rien d'étonnant alors que Ida tourne à l'exercice de style, et donne l'impression fâcheuse de survoler des sujets pourtant essentiels : le massacre des juifs par la population polonaise lors de la seconde guerre mondiale, la vocation religieuse, la tentation de vivre sa vie d'être humain avant de se confier à Dieu, la solitude, les procès politiques, l'alcoolisme, le suicide.

A l'image de la scène lors de laquelle les corps sont déterrés, le film est trop propre, trop froid, trop désincarné pour laisser passer de vraies émotions. Il ne parvient au final qu'à être une collection d'images que certains jugeront peut-être admirablement composées, mais qui ne sont en fait que parfaitement arrangées pour séduire.

Ida n'est pas hideux, mais sans idées.

 

1e

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AIME et fais ce que tu veux

http://fr.web.img5.acsta.net/r_640_600/b_1_d6d6d6/pictures/210/505/21050502_20131017155542629.jpgUn prêtre tombe amoureux d'un jeune homme.

On imagine ce qu'en Pologne ce film de la réalisatrice Malgorzata Szumowska a du soulever comme polémique !

En France, le sujet est évidemment moins original : bien des films ont raconté la tentation de la chair chez des prêtres, et bien des films ont des personnages principaux homosexuels. 

Ce n'est donc pas dans le déroulé du film que réside son intérêt, mais plutôt dans son grain, sa capacité à capter les regards des acteurs et la puissance de la nature, dans un élan qui rappelle parfois celui de Terence Mallick. Si l'intrigue principale se ramifie quelque peu avec des intrigues parallèles, d'ailleurs pas forcément limpides (le suicide d'un jeune homme, assez mal amené), c'est vraiment pour tenir sur la durée. Il aurait peut-être mieux valu s'attarder encore plus longtemps sur le très beau visage de l'acteur Andrzej Chyra (vu dans La terre outragée), qui irradie le film de sa sensibilité.

Une réalisatrice de talent, qu'on aimerait revoir à l'oeuvre sur un scénario plus complexe et plus tenu.

 

2e

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Essential killing

Essential killing est un concept film. Autant le savoir avant d'y aller, sinon l'atterrissage risque d'être brutal, un peu comme pour celui qui irait voir Enter the void ou Le guerrier silencieux sans avertissement.

Vincent Gallo joue un taliban arrêté dans son pays, transféré dans un pays d'Europe de l'Est (la Pologne ?), et qui s'évade à l'occasion d'un accident.

Il ne dit pas un mot durant tout le film, erre dans la neige, et lorsqu'il rencontre une fermière isolée (Emmanuelle Seigner en fermière isolée !), cette dernière est muette, ce qui tombe bien.

Que fait le fugitif ? Il cherche à manger (poisson cru, écorce d'arbre, fourmis, sein d'une cycliste qui allaite). Il fuit (beaux paysages enneigés). Il tue, sans qu'on puisse d'ailleurs y voir autre chose qu'un malheureux concours de circonstances (un bûcheron à la tronçonneuse, des poursuivants, des automobilistes). Il se rappelle (flash-backs ensoleillés et un tantinet caricaturaux de son pays : moutons, femme voilée, appel à la prière). Dans le dernier plan, ne reste plus qu'un cheval, on supposera que notre héros est mort.

C'est minimal et parfois très beau. Gallo est effectivement halluciné (on le serait pour moins que ça). Le film ne tient debout que grâce à une photographie magnifique et une belle mise en scène. Après un début tonitruant (quelles scènes d'hélicoptère !), j'ai trouvé que le film s'étiolait progressivement, cédant au passage à quelques facilités scénaristiques.
 

2e

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