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Christoblog

Articles avec #ours d'or

Le diable n'existe pas

Le nouvel opus de Mohammad Rasoulof enfonce des portes ouvertes d'un point de vue moral : la peine de mort c'est mal, demander à des conscrits d'être les bourreaux c'est pas cool, et faire exécuter des opposants politiques par des innocents qui veulent juste une perm, c'est pire.

Les scénarios des quatre histoires complètement indépendantes qui composent ce film avancent comme des chars d'assaut, autour de ces quelques idées édifiantes. Leur effets sont tellement calculés qu'ils en paraissent au pire putassiers façon Michel Franco (le premier segment), au mieux simplement prévisibles et tristement sentimentaux (le troisième et le quatrième).

C'est le second chapitre qui m'a vraiment intéressé : il y a dans le huis clos du dortoir une vraie tension psychologique, puis dans la deuxième partie une effervescence sauvage qui rappelle un peu le très bon La loi de Téhéran, qui lui aussi traite (en partie) de la peine de mort, avec une autre puissance.

Pas le meilleur Rasoulof, loin s'en faut. Un homme intègre et Au revoir possédaient une profondeur psychologique bien supérieure. On peut supposer que l'Ours d'or lui a été donné sur une base plus politique qu'artistique.

Son film suivant (Les graines du figuier sauvage) sera, lui, un chef-d'oeuvre.

 

2e

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Synonymes

Synonymes est ce genre de film qui propose des scènes où l'on ne comprend pas pourquoi les personnages font ce qu'ils font. Ce genre de film dans lequel pullulent les tics en tous genres (de mise en scène, de scénario, de dialogues, de situations) et qui aime à placer dans la bouche des acteurs des phrases absconses qui sont prononcées d'un air pénétré, comme : "Jouer du hautbois dans un conservatoire d'arrondissement est ce qui se rapproche le plus de cultiver des pommes de terre". 

En un mot, un film d'auteur formaté pour les grands festivals (celui-ci a obtenu l'Ours d'or à Berlin), qui ne se soucie pas du confort du spectateur. Si l'auteur est un génie qui sait nous happer dans son monde par la force d'évocation des images ou la poésie intrinsèque de son propos, on peut tenir un chef-d'oeuvre (Holy motors). Sinon, cela donne les films de Carlos Reygadas.

Ici l'exercice est tellement cérébral et désincarné qu'on ne peut être à mon sens qu'au mieux intéressé par la mise en scène parfois brillante, mais malheureusement jamais vraiment séduit et encore moins ému. La prestation très intense de l'acteur Tom Mercier sauve un peu Synonymes du labyrinthe nombriliste dans lequel il nous entraîne. C'est trop peu pour que l'on puisse conseiller d'aller voir ce film que je ne peux m'empêcher de trouver froidement poseur.

Nadav Lapid sur Christoblog : L'institutrice - 2014 (**)

 

2e

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Corps et âme

Ours d'or au Festival de Berlin 2017, ce curieux film hongrois brille essentiellement par son pitch bizarre (un homme et une femme qui se connaissent à peine font chaque soir le même rêve, dans lequel il est un cerf et elle est une biche) et surtout une mise en scène d'exception.

Lui est infirme, directeur d'un abattoir et s'il a connu beaucoup de femmes, il est désormais seul. Elle a de sérieuses difficultés dans sa relation aux autres, beaucoup trop directe et pour tout dire très maniaque (elle ressemble énormément au personnage de Saga dans la série Bron - The bridge).

Bien sûr, le début d'une romance va naître entre ses deux grands écorchés, ce qui n'est pas très très original. Ce qui l'est plus, c'est l'intelligence constante de la réalisatrice Ildiko Enyedi, qui parvient par la magie de sa réalisation à rendre passionnant la plupart des plans du film.

Il y a dans Corps et âme un effet qui le rend unique : l'exposé de la réalité y est extrêmement rationnelle (l'abattoir est ainsi montré sans effet gore, mais d'une façon très impressionnante), mais il est zébré de brusques incursions dans le domaine du rêve et des sensations. 

L'interprétation des acteurs est pour beaucoup dans la réussite du film, qui avance d'une façon très élégante sur une mince ligne de crête, bordée d'un côté par le gouffre des oeuvres souffreteuses d'auteurs d'Europe de l'Est et de l'autre par l'abime de la fausse bonne idée qui fait pschitt, sans jamais tomber dans l'un ou dans l'autre.

 

3e

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Fuocoammare, par-delà Lampedusa

Ours d'or à Berlin cette année, Fuocoammare fait partie de ces documentaires magnifiques (comme ceux de Depardon ou de Wiseman) qui suscitent autant d'émotions que les plus grandes oeuvres de fiction.

Emotion esthétique d'abord. Les images de Gianfranco Rosi sont d'une beauté souvent renversante : ciel plombé, cadrages parfaits, palette de couleur délicate et nuancée, alternance de gros plans et de plans larges, scènes de nuit ahurissantes, poésie sous-marine. C'est stupéfiant de maîtrise et de variété.

Emotion ensuite devant ce qui est montré. Le film met en parallèle la vie d'une poignée d'habitants de Lampedusa, dont un petit garçon de douze ans, et celles des immigrants qui arrivent, morts ou vivants. Cette juxtaposition peut surprendre et intriguer : elle est pourtant au final pleine de sens et ménage bien des niveaux de lecture potentiels.

On pourra par exemple considérer que le réalisateur veut montrer à quel point les européens sont finalement étrangers au drame qui se déroule parfois à quelques mètres d'eux : les problèmes de vision de Samuele comme une métaphore de notre aveuglement.

Pour ma part, j'ai ressenti bien d'autres sentiments face à cet accolage parfois intrigant. Il m'a semblé par exemple que le film mettait en exergue dans les deux cas l'instinct humain qui conduit toujours à vouloir progresser et découvrir. Les migrants veulent une meilleure vie, comme Samuele dans son champ et à son échelle, avec un enthousiasme obstiné : il veut mieux voir, tenter des expériences, découvrir de nouvelles sensations.

Fuocoammare est à bien des moments tout à fait sidérant. On est pétrifié par l'incroyable humanité qui se dégagent des images de Rosi : le regard extraordinairement digne d'un migrant, un hélicoptère qui s'élève dans la nuit, une musique bouleversante qui passe à la radio, une femme qui fait méticuleusement un lit conjugal qui ne sert visiblement plus qu'à elle seule.

Au-delà du sujet des migrants, Fuocoammare donne à voir un émouvant et passionnant portrait de l'humanité, ce qui en fait l'un des tout meilleurs films de cette année.

 

4e 

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Taxi Téhéran

On connait bien la situation de Jafar Panahi. Censuré dans son propre pays, il tourne des films comme il peut, sans équipe technique, et les transmet en Occident comme des lettres volées.

Pour celui-ci, Panahi développe une idée limpide : mettre ses petites caméras DV dans un taxi et prendre les passagers qui se présentent. 

Il donne à son aventure un faux air de documentaire, mais il est évident que tout est parfaitement scénarisé : il s'agit bien d'une fiction, qui simule un documentaire. 

Il semble que la contrainte galvanise Panahi. Toute la première partie du film est un chef d'oeuvre d'invention entre rire et larmes, dans lequel chaque réplique semble calculée pour susciter une émotion différente : émotion, étonnement, rire étouffé, stupéfaction, intérêt. A ce titre la scène du blessé est un morceau d'anthologie qui figurera dans les meilleurs moments de cinéma de l'année. 

On pourrait croire que Panahi est limité par son installation. C'est tout le contraire qui se passe. Il donne une formidable leçon de scénario par son script millimétrique (beaucoup d'évènements semblent inutiles et ne prennent sens que dans la suite de l'histoire), par son montage admirable (à l'image des deux longs plans qui ouvrent et ferment le film) et ses choix de placements de caméra (et même de choix d'appareils : téléphone, appareil photo de la petite fille).

Même si la fin du film est un peu moins percutant que le début, Taxi Téhéran laisse derrière lui une trace indéfinissable et puissante, dans laquelle se mêle le plaisir d'avoir rencontré simultanément un être dont on voudrait être l'ami, et une cohorte de personnages ébouriffants qui nous ont plongé dans la réalité iranienne contemporaine. 

Jafar Panahi sur Christoblog : Ceci n'est pas un film

 

4e 

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Black coal

Black coal, Ours d'or au dernier Festival de Berlin, est un polar tortueux, sensuel, et racé. J'ai souvent pensé au cinéma élégant de Fincher dans Zodiac, zébré d'éclair de violence et d'éclats esthétiques confondants, qui évoque irrésistiblement le cinéma de Jia Zhang Ke.

Pour bien apprécier le film, il faut accepter de ne pas tout comprendre au début, sachant que les évènements vont progressivement s'éclaircir. Le film de Diao Yinan progresse en effet sur un rythme syncopé, louvoyant entre différents temps, maniant quasi systématiquement l'ellipse en fin de scène, comme autant de coups de hache narratif.

Le film brille également par son tableau à la fois attachant et sidérant de la Chine profonde, et par le jeu de son acteur principal, qui a d'ailleurs obtenu le prix d'interprétation à Berlin.

Beau, intriguant, stimulant, Black coal est une pépite noire à découvrir.

 

3e 

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Mère et fils

Avec Mère et fils, le cinéma roumain revient en force dans un genre qui lui réussit très bien (4 mois, 3 semaines, 2 jours, Mardi, après Noel) : la chronique sociale/familiale noire.

Ici, on est dans la haute bourgeoisie, de celle qui se drape de manteaux de fourrure et qui conduit des berlines allemandes. La mère, jouée par l'incroyable Luminita Gheorghiu, ne vit que pour son grand fils. Lorsque celui-ci tue par accident un jeune garçon pauvre, que va-t-elle faire ? Tenter de sauver ce qui peut l'être, à tout prix.

Sur cette trame classique, le réalisateur Calin Peter Netzer réussit un tour de force : nous faire au départ détester cette mère qui paraît presque sans émotion, puis nous amener à l'admirer dans sa constance, avant de nous émouvoir par des scènes finales sidérantes.

Sans trop déflorer le sujet (mais il est encore temps pour vous d'arrêter de lire), l'enchaînement des dernières séquences (la conversation irréelle entre la mère et la belle-fille, la visite finale dans la famille du jeune garçon) donne lieu à une double prestation d'exception : un jeu parfait de l'actrice principale qui parvient à être à la fois émouvante et solide comme un roc, et une véritable leçon de mise en scène, qui culmine dans un dernier plan d'anthologie.

Pour peu qu'on pardonne au film un début un peu lent, et qu'on ne soit pas trop sensible au mal de mer (de mère ?) occasionné par un style kéchichien de tournage, caméra oscillant à l'épaule, Mère et fils offre dans son développement inexorable les sources de profondes satisfactions cinéphiliques.

 

3e

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Fausta

Magaly Solier. Jour2fêteQue dire à propos de Fausta ?

Factuel : ce film a obtenu l'Ours d'or à Berlin (succédant à The Wrestler).

Esthétique : c'est probablement d'un point de vue visuel le plus beau film que j'ai vu depuis....que je tiens ce blog. Le nombre de plans d'anthologie est de l'ordre de la trentaine. Le travelling arrière sur le bateau et le tunnel est ce que j'ai vu de plus beau cette année.

Réaliste : si avant d'aller voir le film, on m'avait dit à quel point je me ferais chier pendant (en partie) je n'y serais pas allé. Si on m'avait dit à quel point son charme vénéneux pouvait être proche de celui de Mulholand Drive (dans un genre tout différent) j'y aurais couru.

Tiers mondiste : pour voir ce Lima là.

Médical : comment une pomme de terre enfoncée dans le vagin peut elle germer sans lumière ? (Vous allez me dire les pommes de terre dans les caves germent aussi).

Révolutionnaire : si vous voulez en savoir plus sur le Sentier Lumineux, n'allez pas voir ce film.

Scénaristique : le film est plus retord que sa trame linéaire semble le dessiner. Repensez y après l'avoir vu.

Ethnographique : des mariages comme ça, hein, vous saviez que ça existait ?

Mélomane : vous pensiez que des mélodies pareilles pouvaient être chantées ?

Midinette : elle a quelque chose cette actrice vous trouvez pas ? Pendant 90 % du film on dirait une huitre, mais LE moment où elle sourit, c'est BON, non ? Ca libère.

Et si tout simplement Berlin était plus audacieux que Cannes ?

 

3e

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