Avant-première le 27 septembre 2011 à l'UGC Atlantis, près de Nantes. Maïwenn est là, escarpins noirs, jean serré, veste en jean, accompagnée de Naidra Ayadi et Frédéric Pierrot.
L'intervieweur s'emmêle complètement les pinceaux, en questionnant par exemple Frédéric Pierrot à propos de La guerre est déclarée, dans lequel il joue aussi... ce qui permet à Maïwenn de couper sèchement d'un "on est là pour parler de Polisse !".
Sinon, pas facile de parler d'un film avant la séance comme c'était le cas ce soir. On apprend que les 10 acteurs ont fait un stage d'une semaine chez la police, que le scénario résulte de notes prises par Maïwenn pendant un passage à la BPM et que parfois elle distribue aux acteurs des "jokers" à l'oreille, c'est à dire si j'ai bien compris des directives qui sèment un peu d'inattendu dans la scène.
Devant l'incurie emberlificotée de son interlocuteur de l'UGC, Maïwenn se prend à nous regarder fixement (le public) puis à nous interpeller : "Hé, mais y'a que des femmes ici ? Les hommes, levez la main ! Hé toi là au premier rang, c'est ta copine qui ta forcée ? Et qui est venu sans savoir qu'on avait eu un prix à Cannes ?" (et là, trois inconscients lèvent la main).
Etonnant, déstabilisant, mais plein d'énergie, à l'image du film.
Vulgaire, et alors ?
Le moins qu'on puisse dire c'est que Polisse ne fait pas dans la dentelle. La caméra bouge, ne tient pas en place, expérimente des tas de trucs. Les acteurs en rajoutent des tonnes, mais ils le font avec une énergie telle qu'on est souvent soulevé de son fauteuil. A ce jeu ils sont tous formidables, et bien sûr Joey Starr en premier - hallucinant. Ca jase, ça papote, ça crie, ça gueule, ça parle arabe, ça jacte, ça parle de bites et d'amour, ça s'insulte, ça ne s'arrête quasiment pas une minute, comme une tornade qui brasse les sentiments et les sensations. Le scénario part un peu dans tous les sens, s'attachant à quelques personnages, égrenant les micro-histoires qui ont toutes leur ambiance et leur intérêt, s'attachant aux petits riens.
Ce n'est pas toujours fin, même si c'est beaucoup plus écrit que cela ne le parait au premier abord, les ficelles sont un peu grosses, les effets tire-larmes sont légions, mais le film est traversé par une telle énergie qu'il est capable d'offrir des scènes d'euphorie pure (la boite de nuit) ou de fou-rires irrépressibles (le téléphone portable - mais un beau, hein).
Les histoires contées sont tristes, écoeurantes, puissantes. Il faut sûrement la potion façon remède de cheval que nous assène Maïwenn pour les faire passer.
Le cinéma français les doigts dans la prise
L'année 2011 du cinéma français avait magnifiquement commencé avec un bijou : Tomboy. Mais l'automne est carrément royal avec une succession de films parfaitement maîtrisés, très différents et très ambitieux chacun dans leur genre : La guerre est déclarée, L'Apollonide, Les bien-aimés et maintenant Polisse. Cet appel d'air est d'autant plus sympathique qu'il s'accompagne d'un succès public : La guerre est déclarée s'envole vers le million de spectateurs et qui aurait dit qu'un film aussi difficile que l'Apollonide puisse atteindre 200 000 spectateurs ?
La particularité de ces films, c'est qu'ils sont à la fois profondément des films d'auteurs (au sens où ils reflètent le projet bien particulier de leur concepteur), mais qu'ils ne sont pas auteurisant dans cette veine atone, triste et compassée, qu'on peut parfois connaître. Ils dégagent chacun une énergie farouche qui nous donnent envie de les aimer.
Et ça marche.
