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Christoblog

Articles avec #marco bellocchio

L'enlèvement

Voici un Bellocchio très solide, cependant un petit peu en-dessous de ses meilleurs films.

Certes, l'interprétation et la direction artistique sont irréprochables, et la mise en scène est très solide. Mais une fois qu'on a fait ces compliments au film, on a un petit peu tout dit.

Le sujet est formidable. Il s'agit de l'histoire vraie d'un enfant juif arraché à sa famille par le Pape en 1850, au prétexte qu'il aurait été baptisé clandestinement à l'insu des parents par la servante de la famille.

Je m'imaginais Bellocchio explorant avec ferveur et cruauté tous les recoins de cette histoire terrible, creusant dans la psyché des différents protagonistes, éclairé par un anticléricalisme acide. Mais curieusement, le film est d'une facture très classique, au final très sage, illustratif et presque scolaire.

S'il montre bien les mécanismes d'endoctrinement rodés de l'Eglise catholique, et dresse un portrait saisissant du Pape Pie IX, il survole un peu vite un certain nombre de péripéties (la rencontre de l'inquisiteur et de la servante, le faux retournement d'Edgardo lors du transport du corps...).

Moins original et subtil que le dernier film du réalisateur italien (Le traitre) dont l'ampleur narrative était impressionnante, L'enlèvement est typique du film victime d'un sujet captivant qu'il ne parvient pas à dépasser. On aurait aimé approcher de plus près le chemin spirituel et sentimental d'Edgardo.

Marco Bellochio sur Christoblog : Vincere - 2009 (****) / La belle endormie - 2012 (**) / Fais de beaux rêves - 2016 (***) / Le traître - 2019 (***)

 

2e

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Le traître

L'histoire que raconte le nouveau film de Marco Bellocchio est passionnante de bout en bout. Elle évite les simplifications et les effets faciles, et le portrait de ce premier repenti (qui paradoxalement semble trahir ses pairs au nom de l'honneur) est d'une complexité extrême.

Le traître frappe par la qualité sidérante de sa mise en scène, à la fois classique et inventive, et la force de son interprétation.

Si la première partie peut dégager une impression de déjà-vu un peu didactique, le film décolle vraiment à partir du procès. La qualité de la reconstitution, l'ampleur des décors, la présence des figurants donnent aux scènes dans le tribunal une force sidérante.

Le film est aussi un portrait-hommage en creux du juge Falcone, et le rapport entre ce dernier et Buscetta est très émouvant. L'ultime partie aux USA rend très bien la peur constante dans laquelle vit la famille exilée. 

A défaut d'être du grand art, Le traître est un solide morceau de cinéma, produit par un maître réalisateur.

 

3e

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Fais de beaux rêves

Beau film ample, complexe, et aux multiples thématiques que ce Bellocchio.

Fais de beaux rêves est un véritable travail d'orfèvre, construit sur un scénario ciselé et servi par une interprétation pleine de finesse.

Comme le personnage principal, on sait sans savoir, et le film enchaîne les belles liaisons mystérieuses : statues militaires, bustes de Napoléon, chute libre, se laisser tomber dans le canapé. Chaque période renvoie à un traumatisme de l'enfance, parfois de façon évidente, parfois moins. C'est beau, subtil et on est émerveillé par la manière de filmer de Bellochio.

Il ne manque pas grand-chose pour que le film nous emporte vraiment dans son élan romanesque : peut-être un tout petit peu plus de concision, ou une insistance un peu moindre sur certains passages.

Au final, Fais de beaux rêves emporte la mise par sa capacité à faire ressentir le passage du temps.

Sur le fond il impose cette vérité : quels dégâts produit le fait de ne pas dire la vérité aux enfants ! Du grand Bellocchio, au service d'une merveilleuse évocation de l'enfance.

 

3e

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La belle endormie

La belle endormie est construit autour d'un fait divers qui a divisé l'Italie : l'histoire d'Eluana Englaro, jeune fille plongée dans le coma depuis 17 ans, que son père a décidé de "débrancher", provoquant la colère du Vatican et moult débats, y compris au Parlement, tenté de légiférer en urgence.

Marco Bellocchio ne montre à aucun moment Eluana ou sa famille, mais construit une fiction ample et romanesque autour de plusieurs personnages en rapport avec cette affaire, mais sans liens entre eux : un sénateur, sa fille, un couple de frères dont un est bipolaire, un médecin, une droguée, une actrice dont la fille est également dans le coma (splendide Isabelle Huppert).

On suit avec intérêt l'évolution de tous ces personnages, qui en quelques jours traversent plusieurs états d'âme, et doivent faire face à des décisions fondamentales, de plusieurs types.

Même si les histoires sont d'intérêt très inégal, j'ai été franchement séduit par la mise en scène de Bellocchio (on pense parfois à l'Almodovar de Parle avec elle, évidemment), et par l'intensité qu'il réussit à donner à certaines scènes. Alba Rohrwacher m'a tapé une fois de plus dans l'oeil, son interprétation est à la fois fine et dense.

Le film est aussi clairement politique, et profondément critique envers l'influence de la religion catholique. Certaines scènes sont édifiantes, comme celle dans laquelle on voit les sénateurs suivre les débats de leur sauna, comme directement sortis de la Rome antique.

Bellocchio parvient à évoquer bien d'autres sujets que l'euthanasie, et réussit un film bancal, singulier, un peu trop éparpillé, mais finalement aimable.

 

2e

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Vincere

Quel plaisir lorsque la forme épouse si parfaitement le fond !

Question mise en scène, Vincere impose un point de vue magistral, fondamentalement européen dans le sens qu'il s'éloigne résolument des standards américains du cinéma hollywoodien, alors qu'il raconte une histoire - oh - si romanesque.

Surimpressions, images d'archives, lettrages inspirés, focales qui rendent le second plan flou : toute la première partie, pleine de bruit et de fureur (quelle bande son !) est apocalyptique. A quoi renvoient ces flashs mystérieux ? Réponse : à la seconde partie, plus classique, mais probablement aussi plus efficace.

A quoi tient la magie de ce film ? Sûrement en dernière analyse à la performance hors norme des acteurs. Filippo Timi est extraordinaire dans sa détermination monomaniaque : ce regard quand il fait l'amour ! Et Giovanna Mezzogiorno tient probablement le rôle de sa vie dans le rôle d'Ida Dalser, sans concession, possédant la puissance intrinsèque de celle qui ira jusqu'au bout.

Le film tutoie la perfection du début à la fin, enchaînant des images qui à elles seules sauveraient un film si elles y étaient simplement enchâssées : le duel, l'arbre et ses filets, la neige qui tombe sur l'asile, etc.... Le plus incroyable finalement est qu'à travers cette histoire romanesque une cruelle violence arrive à émerger librement (violence du sexe et du désir, de la politique, des manifestations, de la folie).

Cette violence est si belle que le film brille comme un diamant brut, et que dans ce diamant brille cette scène du premier baiser : Ida a la main ensanglantée, mais lorsque Mussolini quitte ses lèvres, elle tombe en avant comme privé du support qu'elle cherchera à tout jamais, y perdant la raison.

Somptueux.  

 

4e

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