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Christoblog

Articles avec #kirill serebrennikov

Limonov, la ballade

Serebrennikov, c'est l'escalade permanente vers toujours plus de virtuosité.

Les mouvements de caméra dont le réalisateur russe est friand trouvent ainsi dans ce film une expression complètement folle, par exemple dans un plan qui voit l'acteur Ben Whishaw passer de décor en décor d'un seul élan, changeant d'époque à chaque fois qu'il ouvre une porte.

Limonov ménage aussi, et c'est moins fréquent, quelques moments de calme reposants, qui donnent lieu à de belles scènes d'intimité. 

Sinon, les tics habituels du Russes sont bien au rendez-vous : intertitres spectaculaires, morceaux rock tonitruants. Il sont ici accompagnés d'effets déjà vus chez d'autres réalisateurs (élargissement du cadre comme dans Mommy, acteur qui passe à l'envers du décor comme dans Les herbes sèches).

Tout cela donne une impression de superficialité clinquante, pas désagréable, mais un peu vaine.

Le personnage de Limonov, artiste peu entreprenant aux idées politiques assez flippantes (une sorte de nationalisme parfois fascisant, parfois apolitique), génère finalement peu d'empathie : c'est aussi un des problèmes du film. Je me suis demandé à plusieurs occasions si ce personnage méritait autant d'attention.

Limonov, la ballade est un pur exercice de style, plus digeste que les deux précédents pensums de Serebrennikov, dont on peut se demander s'il n'esquisse pas en creux un autoportrait du réalisateur.

Kirill Serebrennikov sur Christoblog : Le disciple - 2016 (**) / Leto - 2018 (**) / La fièvre de Petrov - 2021 (**) / La femme de Tchaïkovski - 2022 (**) 

 

2e

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La femme de Tchaïkovski

Nul doute sur le fait que Kirill Serebrennikov est un styliste hors pair.

La femme de Tchaïkovski est donc souvent, comme les films précédents du cinéaste russe, un véritable tour de force formel, que ce soit dans la mise en scène (ici aussi fluide que celle de La fièvre de Petrov était fiévreuse) que dans la photographie. Les longues cent quarante trois minutes que durent le film sont baignées d'une lumière  iréelle, dans laquelle flotte la poussière de vieux greniers et le souvenir des temps passés. 

Plus le film avance, plus le réalisateur se permet de fantaisies (plongées intégrales, plans séquences, chronologie bousculée), jusqu'à une fin d'un goût discutable à mon sens.

En ce qui concerne l'histoire, elle est édifiante et sinistre : une jeune femme tombe amoureux du maître Tchaïkovski, qui préfère les hommes. Elle sera donc réduite à un rôle d'épouse-écran, jamais aimée et même humiliée par son génial salaud de mari, jusqu'à aborder les rives de la folie.

Le sujet est intéressant, mais la sombre obstination de Serebrennikov à enfoncer plus bas que terre son héroïne esseulée rend le film un peu indigeste dans son masochisme forcené. Autrement dit, on en a vite marre de voir grandir l'aveuglement de la pauvre Antonina, merveilleusement jouée par l'actrice Alyona Mikhailova.

 

2e

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La fièvre de Petrov

Brillant et vain. 

Disons-le pour commencer : si vous ne vous renseignez pas à propos de ce film, vous ne comprendrez absolument rien lors de sa projection.

Serebrennikov entremêle la réalité et le rêve (on s'en rend progressivement compte), la raison et la folie (c'est assez clair),  les époques et les histoires (c'est beaucoup moins évident).

La caméra virevolte avec un brio qui peut-être bluffant, pour peu qu'on se laisse entraîner dans une sorte de toboggan dont le sens nous échappe, ou n'est perceptible qu'avec un temps de retard. Au final, je n'ai pas vraiment compris quel était le propos du film : trop de bruits, trop de dialogues, trop d'histoires, trop ... de tout.

Le dernier plan du film résume assez bien ce que j'en pense : absolument brillant, ce plan montre un personnage qui quitte son cercueil, sans que je comprenne ce que cela veut dire, ni comment je peux le raccrocher à tout ce que j'ai vu avant.

 

2e

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Leto

Leto est un bel objet, qui plaira aux esthètes, aux journalistes de rock, aux défenseurs de Kirill Serebrennikov (le réalisateur du film, persécuté par le pouvoir russe), aux fans d'Iggy Pop, aux lecteurs des Inrocks (qui a priori doivent cocher toutes les cases précédentes).

En ce qui me concerne, et le jury du dernier Festival de Cannes a pensé la même chose que moi, j'ai été à la fois intéressé par cette reconstitution de l'URSS pré-glasnost et un peu ennuyé par ce qui m'est apparu comme une molle chronique de personnages peu intéressants. Alors, au risque de m'attirer les foudres des nombreux admirateurs du films, je dirais que j'ai trouvé la musique jouée vraiment quelconque, l'intrigue amoureuse peu intense et le film beaucoup trop long (2h06 pour ne pas raconter grand-chose).

La mise en scène est virtuose, à l'image de la première scène, mais on sent un peu trop qu'elle se sait virtuose. De temps en temps Serebrennikov essaye de rompre la monotonie de sa chronique par une sorte de clip foutraque dans lequel les personnages tentent de s'échapper de leur quotidien. A base d'incrustations assez laides (un procédé qui rythmait déjà son film précédent), le réalisateur rend hommage à des morceaux phares du rock occidental des années 70 (Lou Reed, Iggy Pop). Ces effusions plastiques (auxquelles il faut ajouter écrans splittés et tics divers) empêchent l'émotion et rendent Leto un brin prétentieux.

Chronique biographique de deux artistes, tableau politique, recension d'un mouvement artistique naissant, chronique sentimentale intimiste : Leto essaye sans succès d'être tout ça à la fois, pour ne ressembler au final qu'à un exercice de style sûr de sa force.

 

2e

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Le disciple

Petite sensation du dernier festival de Cannes, ce premier film du russe Kirill Serebrennikov est une curiosité un peu piquante.

Le film est adapté d'une pièce de Marius von Marienbourg, que j'ai vu l'année dernière à Tourcoing. Bien que l'époque et le contexte aient été changé, Le disciple reste fidèle à sa source : il s'agit de montrer un jeune chrétien qui se radicalise à partir d'une lecture littérale de la Bible. On voit bien sûr le rapport à l'actualité récente.

Le réalisateur utilise un procédé qui surprend, mais auquel on s'habitue progressivement : les sources bibliques des citations apparaissent en incrustation sur l'écran. Cette lancinante énumération qui parfois tient lieu de dialogue, prouve qu'on peut faire dire n'importe quoi à n'importe quel texte, en sortant des éléments soigneusement choisis de leur contexte.

L'intérêt du scénario réside dans la façon dont les institutions russes donnent du crédit à ces élucubrations contre l'avis d'une jeune prof qui tente (maladroitement) de faire valoir la valeur du raisonnement scientifique.

Tout cela se finira mal, évidemment, du fait notamment du substrat de refoulement (homo ?) sexuel qui explique d'une façon peut-être un peu trop évidente l'attitude du jeune homme.

La mise en scène est superbe, à base de plans-séquences de toute beauté. A voir si vous avez le temps. 

 

2e

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